Quand Le Monde tente de démentir le « grand remplacement »

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Les changements de populations en Europe, une réalité démographique


 

 



Mise en cause après l’attentat anti-musulmans de Christchurch, la théorie du « grand remplacement » de l’écrivain français Renaud Camus est de retour sur le devant de la scène. Suffisamment pour que les inévitables « Décodeurs » du Monde s’en inquiètent et tentent de la décrédibiliser à coups de statistiques… au risque de se noyer dans les chiffres.




L’un des terroristes de Christchurch a repris à son compte le concept de « grand remplacement », forgé par l’écrivain français d’extrême droite Renaud Camus.


Les « Décodeurs » du Monde se sont mis à quatre pour écrire une condamnation de l’idée de « grand remplacement » de Renaud Camus, à la suite de l’attentat de Christchurch.



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Je m’attacherai ici plus particulièrement à la partie statistique de leur texte. Je les cite : « Pour la résumer grossièrement, cette théorie a deux volets. D’une part, ce qui se présente comme un “constat” démographique : du fait d’une immigration “massive” et d’une fécondité plus forte, les populations d’origine extra-européenne seraient en passe de surpasser numériquement les populations “d’origine” (c’est-à-dire caucasiennes) en Europe – et, du même coup, d’imposer leur culture et leur religion au continent. »


« Les chiffres contredisent l’essentiel de la thèse »


Vient ensuite un encadré titré bien imprudemment « Éclairage ». Cet « Éclairage » commence par diverses considérations sur le caractère profondément raciste de la théorie du « grand remplacement », dont je ne sois pas sûre que les « Décodeurs » en apportent la preuve à travers ce qu’ils écrivent : « La théorie est d’essence raciste, puisqu’elle se fonde sur la question de la couleur de peau et de l’ethnie comme critères d’appartenance. Peu importe qu’une personne soit née en France de parents français depuis plusieurs générations, si elle n’est pas “caucasienne”, elle est donc un élément du “remplacement”. » Ce que j’ai lu de Renaud Camus indiquait qu’il ne considérait pas seulement « les indigènes français », mais y ajoutait « les individus ou familles qui se sont assimilés à eux ou qui désirent le faire »1. Si son idée de remigration est moralement problématique et politiquement impraticable, ce n’est peut-être pas la peine d’en rajouter.


Cet « Éclairage » se poursuit ainsi : « Du reste, les chiffres contredisent l’essentiel de la thèse. Même en comptant très largement les migrants et descendants de migrants non européens, on peine à parvenir à 5 % de la population française. »


Les chiffres et ce qu’on en fait


Les auteurs renvoient alors à un autre article, signé par Frédéric Joignot, sur le même sujet mais qui parle d’autre chose : « Ces immigrés venus du Sud [Maghreb, Afrique subsaharienne et Asie] qui font si peur aux théoriciens du “grand remplacement” représentent donc 5 % de la population française. »


Les deux textes portent sur un champ géographique un peu différent : Maghreb, Afrique subsaharienne, Asie, dans un cas ; et hors d’Europe dans l’autre.


Mais, surtout, ils ne visent pas non plus le même ensemble : immigrés (c’est-à-dire nés à l’étranger avec une nationalité étrangère) pour Frédéric Joignot ; migrants et descendants de migrants pour Samuel Laurent, Maxim Vaudano, Gary Dagorn et Assma Maad. L’année de référence est 2012 dans le texte de Frédéric Joignot. On suppose que c’est aussi le cas pour les « Décodeurs ».


 

A quatre pattes 


Restons sur une année proche de celle retenue ici et pour laquelle on peut détailler suffisamment les origines. Voici ce que l’on obtient en 2011 à partir de l’enquête Famille et du recensement de la même année :


– 5 % de personnes sont des immigrés originaires du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou d’Asie. Ce qui confirme le chiffre de Frédéric Joignot ;


– mais 11 % sont d’origine extra-européenne sur deux générations (immigrés et enfants d’au moins un parent immigré), et non 5 % comme annoncé dans l’article.



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11 % est bien loin de la majorité impliquée par l’idée de « grand remplacement », prise au pied de la lettre. Ce n’est donc pas la peine de jouer très en-dessous, au prix de confusions qui décrédibilisent les « Décodeurs ». On se demande d’ailleurs si ces « Décodeurs » en ont joué sciemment ou s’ils sont les victimes de leur propre incurie, car ils se sont mis à quatre pour se tromper. Comment, après cela, leur faire confiance ?


Renaud Camus est indécodable


Par ailleurs, Renaud Camus ne se fonde pas sur les statistiques pour appuyer l’idée de « grand remplacement ». Il ne leur accorde aucun crédit et préfère se fonder sur les perceptions communes2, ce qui l’amène à écrire pas mal de bêtises.


>> Toutes les analyses de Michèle Tribalat sont disponibles sur son site.