PTP : «le Canada s’y lance tête-baissée, sans une véritable réflexion»

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Les accords de libre-échange ont tendance à accentuer les déficits commerciaux, et le Canada est déficitaire en partant



Quel impact le Partenariat Transpacifique aura-t-il sur ce pays-négociateur du PTP – le Canada ? RT France a demandé l’avis à l’écrivain Claude Vaillancourt, président de l'organisation altermondialiste ATTAC-Québec.


RT France : Les négociations sur le PTP se sont tenues dans une atmosphère secrète. Le texte de l’accord n’a été publié que par le gouvernement de la Nouvelle Zélande à la suite de la fin des pourparlers. Pourquoi à votre avis y a-t-il eu autant de secret autour des négociations sur le PTP ?


Claude Vaillancourt : Ce n’est pas nouveau, toutes les négociations sur le libre-échange sont toujours secrètes parce qu’ils pensent que s’ils rendent publiques leurs offres, cela peut empêcher leur travail des négociateurs. Sauf que quand il s’agit du futur de la population, ce n’est pas une bonne idée. Et puis, une fois que l’accord est conclu, on ne peut pas revenir sur ce qui est écrit mais on sera obligé de l’adopter en bloc. Pour nous, cette démarche pose un problème au niveau de la démocratie. Au Canada, l’accord peut être ratifié sans un véritable débat public. Les groupes d’intérêts, la population, n’ont jamais été consultés alors que l’accord de libre-échange va influencer beaucoup la vie économique du pays.


RT France : Est-ce une façon démocratique, d’adopter ainsi un tel accord ?


Claude Vaillancourt : Non, certainement pas, car la procédure de ratification ne comprend pas de consultation par référendum. Cela regroupe tellement d’aspects économiques, cela devrait aller dans le sens d’une consultation populaire. De plus, les accords de libre-échange par le mécanisme du règlement des différends permet aux entreprises de poursuivre les gouvernements pour des lois qui peuvent être adoptées dans l’intérêt public. C’est un autre problème très grave. Les Européens réagissent très fortement par rapport à ces mécanismes de règlement des différends qui favorisent beaucoup les grandes entreprises transnationales.


RT France : Quels sont les aspects les plus inquiétants du PTP pour la population canadienne ?


Claude Vaillancourt : Au niveau de l’agriculture, nous avons un système qui s’appelle «la gestion de l’offre», c’est une sorte de protectionnisme de nos produits laitiers, des fromages, des œufs et de la volaille. Cela permet de contrôler la production. Avec cet accord, on a l’intention de faire tomber une partie de la «gestion de l’offre» et d’ouvrir notre marché à des produits des partenaires. Cela peut avoir des influences assez graves sur notre production agricole. Il y a aussi les questions de propriété intellectuelle et du coût des médicaments qui se posent. Comme on veut protéger plus longtemps les médicaments non-génériques, la mise en marché des médicaments génériques va prendre plus de temps et les médicaments vont donc coûter plus cher. L’accord est de 6 000 pages, même s’il est désormais public, il est dans un langage juridique extrêmement complexe. Cela touche tous les secteurs de l’économie et il va falloir prendre le temps nécessaire pour examiner tous les aspects de l’accord.


RT France : Quelles conséquences pour l’économie canadienne ?


Claude Vaillancourt : Le Canada a un déficit commercial assez important, les accords de libre-échange ont tendance à accentuer les déficits commerciaux. Ce qui est le plus inquiétant c’est que le gouvernement fédéral a beaucoup favorisé l’économie d’exportation des ressources naturelles, ce qui crée relativement peu d’emplois. C’est un peu risqué, également car les oscillations du marché sont très fortes. Ce qui est analysé, c’est le secteur manufacturier qui est créateur d’emplois bien rémunérés. L’accord de libre-échange va causer des pertes importantes d’emplois au Canada. Ce qui est grave c’est que pour notre gouvernement ces pertes d’emplois ne constituent pas un objet de préoccupation dans les négociations.


RT France : Avec l’élection du nouveau Premier ministre, pensez-vous que le gouvernement va modifier sa position quant au PTP ?


Claude Vaillancourt : Je ne prévois pas de changements majeurs parce que le parti libéral au pouvoir actuellement a toujours été en faveur du libre-échange. La nouvelle ministre du commerce international évoque la possibilité de débats parlementaires, cela veut dire entre les députés élus et le parti majoritaire au pouvoir. Le gouvernement va finalement pouvoir ratifier l’accord, malgré une opposition éventuelle d’autres partis. Le parti des conservateurs est très en faveur du libre-échange, cela ne s’annonce pas très bien pour les débats. Le parti libéral ne va pas remettre en question la politique du libre-échange à cause de son historique, de son passé.  


RT France : Qui profite le plus du PTP ?


Claude Vaillancourt : Les Etats-Unis en profitent énormément parce que d’abord ce sont eux qui ont pris le leadership dans les négociations et ils ont bien sûr négocié un accord dans leur intérêt. Cet accord a été conçu afin d’amener la Chine à suivre les règles commerciales décrétées par les Américains. Si la Chine n’est pas dans le PTP, il y a une volonté de créer une alliance des pays dans le Pacifique qui va être du côté les Etats-Unis et suivre ses règles en matière du commerce international. La Chine est donc confrontée à un choix : soit elle suit les règles prédéterminées ou elle reste à part et du coup est marginalisée.


Cependant, les Etats-Unis peuvent être perdants, parce qu’ils ont un système protectionniste qui fait que dans les appels d’offre des marchés publics, les villes vont chercher des services et des produits locaux en priorité. Ce système s’appelle By Americans and by America. Ce programme est assez intéressant. Le PTP pourrait remettre en question ce système et provoquer un débat, surtout avec les Républicains. Cela ne va pas se passer aussi facilement qu’Obama le voudrait.


RT France : Le ministre canadien des Finances, Carlos Leitão, a déclaré que «dans son ensemble, le libre-échange est toujours positif». Est-ce que à votre avis on a besoin d’accords de ce type au niveau mondial ?


Claude Vaillancourt : Je suis très critique. Ce que je reproche au ministre, c’est l’absence d’études sur la question. On se lance dans une série d’accords de libre-échange dans le cadre du Transpacifique, de l’accord avec l’Europe, avec les Etats-Unis, sans un véritable bilan sérieux sur l’Alena – l’accord entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique. On continue à s’y lancer tête baissée sans une véritable réflexion ou des études qui nous expliqueraient que c’est bon d’avoir ces accords. Pour nous, il est temps de réfléchir sur les effets des accords de libre-échange, des gains et des pertes, mais malheureusement ce n’est pas un travail qui se fait sérieusement. On continue à avoir une espèce de foi en le libre-échange qui n’est pas appuyée par des conclusions fortes. 



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