Lors du marathon qui l’a conduit en une semaine de Londres à Paris, en passant par Édimbourg et Bruxelles, le chef du Parti québécois a suscité l’intérêt de plusieurs médias et a rencontré de nombreuses personnalités politiques. Dans le cadre de cette tournée à l’étranger, la première d’un chef péquiste depuis 2017, Paul St-Pierre Plamondon se donne ainsi pour tâche de rebâtir ce qu’il appelle une « diplomatie indépendantiste ».
« On repart la machine », dit-il à peine réveillé devant son petit-déjeuner dans un hôtel du Xe arrondissement de Paris, à deux pas de la gare du Nord. « On veut dire à nos amis ce qu’on va tenter de faire dans les prochaines années, advenant une prise du pouvoir par le Parti québécois. »
Moi, je fais une diplomatie indépendantiste
Le chef péquiste s’étonne de la connaissance fine de la politique québécoise dont témoignent ses interlocuteurs lors de cette première mission à l’étranger. « Ils savent que le PQ n’est pas mort et que nous avons connu une bonne campagne. Je leur dis que le déclin du français et de notre culture fait de l’indépendance une nécessité pour assurer la durabilité de notre modèle linguistique et culturel. »
Après une conférence à l’Université d’Oxford, son alma mater, c’est en Écosse que Paul St-Pierre Plamondon a suscité le plus d’intérêt. Trois des quatre principaux quotidiens du pays l’ont longuement interviewé afin de savoir comment le Parti québécois avait trouvé le moyen de se débarrasser du serment au roi. Et pour cause, les députés indépendantistes écossais sont toujours dans la même situation que ceux du PQ et de QS avant son abrogation. À chaque élection, ils usent des mêmes stratagèmes, en affichant par exemple des messages antimonarchiques lors de la cérémonie officielle de prestation de serment.
Paul St-Pierre Plamondon est arrivé à Édimbourg en pleine crise politique, alors que la première ministre Nicola Sturgeon démissionnait et que son parti, le Scottish National Party, était dans la tourmente. Il a néanmoins rencontré l’ancien premier ministre indépendantiste Alex Salmond et a eu des entretiens avec des membres du SNP, mais pas de rencontre officielle.
De rencontre en rencontre
De passage en coup de vent à Bruxelles, il a assisté à une commission parlementaire sur la langue catalane au Parlement européen. Il était en compagnie du leader catalan et député européen Carles Puigdemont, en exil depuis 2017 après une déclaration d’indépendance aussitôt suspendue, mais jugée illégale par Madrid. « Ce qui est frappant en Catalogne, c’est la mobilisation du peuple. On se demande aussi comment un homme comme Puigdemont, pourtant menacé de prison, peut demeurer serein et persévérant à ce point. »
C’est cependant en France que le chef du Parti québécois a fait le plus de rencontres. Et celles-ci ne sont d’ailleurs pas terminées, puisqu’elles se poursuivront jusqu’à samedi.
Pour l’instant, il a rencontré les sénateurs socialistes Mickaël Vallet et Yan Chantrel, ainsi que le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, Boris Vallaud, le premier secrétaire du parti, Olivier Faure, et l’ancien président François Hollande. Des rencontres ont aussi eu lieu avec les députés de droite (Les Républicains) Olivier Marleix et Pierre-Henri Dumont, ainsi qu’avec le sénateur Bruno Retailleau. D’autres sont aussi prévues avec des élus de la majorité présidentielle.
Chaque fois, dit-il, il est question de la situation linguistique du Québec et de son avenir culturel. « On me pose beaucoup de questions et on me parle tout le temps de l’opposition entre l’universalisme québécois et le communautarisme canadien. Non seulement avons-nous probablement hérité de la mentalité française sur ces questions, mais, dans le cas du Québec, c’est une condition de survie du français. Sans approche universelle, si chaque communauté compétitionne avec les autres, le français va devenir la langue d’une communauté parmi d’autres. »
La rencontre avec François Hollande fut particulièrement chaleureuse, dit-il. « Elle nous rappelle à quel point il y a une amitié entre le Québec et la France qui est forte. Ils sont nombreux en France à penser que le Québec a un destin qui n’est pas encore accompli. »
Resserrer les liens avec la France
Paul St-Pierre Plamondon estime que le lien culturel avec la France a été fragilisé depuis les années 1980 et 1990. « Il a été balayé par un impérialisme culturel anglo-américain qui nous américanise. C’est pourquoi nous avons besoin d’une participation active de la France dans l’écosystème québécois. »
Le chef du PQ se réjouit d’ailleurs de la volonté de la ministre des Relations internationales, Martine Biron, de resserrer les liens avec la France. « Elle a raison. Tant mieux si elle le fait. Moi, je fais une diplomatie indépendantiste. Je rappelle que la diplomatie québécoise a surtout été l’oeuvre des indépendantistes. »
La qualité des échanges qu’il a eus avec les représentants politiques français ne l’empêche pas de trouver la politique française très clivée, notamment sur la question de l’immigration. D’ailleurs, les seuls partis que le PQ n’a pas sollicités sont le Rassemblement national et La France insoumise. « On comprend que la France est polarisée, mais nous sommes beaucoup plus centristes. »
On veut dire à nos amis ce qu'on va tenter de faire dans les prochaines années, advenant une prise du pouvoir par le Parti québécois
Au passage, le dirigeant indépendantiste déplore le petit nombre d’étudiants québécois qui viennent chaque année étudier en France : « Ce n’est pas normal. Ça témoigne d’un relâchement des liens. » Cela témoigne aussi, dit-il, de la volonté de certaines élites françaises de se fondre dans l’axe anglo-américain. « Si une partie des élites françaises adopte une doctrine de soumission à l’impérialisme culturel, il ne faut pas se surprendre si la France exerce moins d’attraits. »
Pour Paul St-Pierre Plamondon, les nations québécoise et française sont appelées à se rapprocher. Il croit même que le Québec pourrait aider la France à mieux défendre sa langue et sa culture. « On a un rôle à jouer pour inciter la France à assumer sa différence et sa grandeur en ne se contentant pas de participer à l’univers anglo-américain. On souhaite une France qui retrouve le goût de rayonner. »
La mission du chef du Parti québécois n’est pas terminée qu’il songe déjà à répéter l’expérience l’an prochain. Et peut-être même chaque année.