Ouf! Le Québec évitera le déclin de sa population. L'État se dérobe peut-être à l'agonie, mais cela ne le rendra pas plus fringant: d'ici 50 ans, le poids démographique des aînés aura doublé, un choc qui modifiera inévitablement politiques et services publics.
Les 65 ans et plus composaient 14 % de la population en 2006; ils compteront pour 28 % en 2056, selon le scénario de référence publié mercredi par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Il y aura 1,6 million de Québécois de plus dans 50 ans -- «On est 9,2 millions, faut s'parler!» --, mais l'effectif des aînés aura augmenté à lui seul de 1,5 million!
Les nouvelles sont pourtant bonnes si l'on s'attarde au seul fait que c'est la première fois depuis 25 ans que l'ISQ juge que la combinaison d'un indice de fécondité moins faiblard à une migration internationale en hausse permettra au Québec d'éviter le déclin de sa population.
Les politiques familiales mises en place par le Québec ont donc sans contredit produit leurs effets, comme en fait foi le taux de fécondité de 2008, établi à 1,74 enfant par femme (5 ans plus tôt, il était à 1,45). Le Régime québécois d'assurance parentale, qui garantit la présence du père ou de la mère auprès du bébé pendant de longs mois sans disette financière, a convaincu certains couples d'agrandir la famille. Ce régime pèse toutefois lourd sur les finances publiques tant le Québec, efficace pour propulser des programmes mais inapte à en prévoir les effets, n'a pas su anticiper son succès.
Il faudrait d'ailleurs que le gouvernement aille au bout de sa logique en garantissant à ces nouveaux parents une place en garderie au terme du congé parental. Deux ans: c'est le délai qui guette ces parents, condamnés aux listes d'attente. La contribution, toujours fixée à 7 $ par jour, perd de son intérêt lorsqu'on sait que nombre de foyers sont littéralement privés de l'accès à ce système public de garde, et obligés de se rabattre sur une solution privée coûteuse.
Ce beau choix social n'a alors plus grand-chose du luxe. Une légère augmentation des tarifs, raisonnable afin de favoriser la natalité et le maintien des femmes sur le marché du travail, semble inévitable pour augmenter le nombre de places dans les centres de la petite enfance et les garderies et accueillir les nouveaux bébés, au rythme où on les fabrique...
Les hausses tarifaires semblent de toute manière inévitables, compte tenu de la pression sur les finances publiques annoncée par ce vieillissement important de la population. Une charge qui sera non seulement transférée sur les dépenses en santé, qui sont appelées à augmenter, mais aussi sur la croissance économique, directement liée au pourcentage de population active. En 2000, on comptait quelque 4,7 travailleurs pour un retraité. En 2050, on calculera plutôt 2,1 de ces abeilles laborieuses pour un vacancier.
Il s'agit d'une raison supplémentaire pour réfléchir -- le mouvement est amorcé, mais il doit se traduire en actions concrètes -- à des manières d'inciter les aînés à demeurer plus longtemps au travail, ou à contribuer autrement à la productivité.
Les aînés ont leur ministre. Ils ont même eu droit à leur commission, puis à leur rapport, qui n'a rien révolutionné. Il faudra bien davantage pour que ce choc du vieillissement -- l'ISQ prédit une «explosion» de centenaires d'ici 2056 -- fendille plusieurs pans de la société. Commençons donc par une vision respectueuse de ce Québec blanc à venir: les soins de longue durée et les maisons d'hébergement doivent être encadrés
par des politiques empreintes d'égards pour cette population vulnérable. En cette matière essentielle, de grandioses
efforts doivent être consentis pour améliorer les pratiques et les traitements.
L'impasse démographique sera en partie résolue par les flux migratoires. Entre 2004 et 2008, le Québec a ouvert ses portes à 44 500 immigrants chaque année. Il compte en recevoir plus de 52 000 en 2010. Ces précieuses entrées, qui permettront notamment de résorber une criante pénurie de main-d'oeuvre, doivent toutefois être mieux soutenues qu'elles ne le sont en ce moment, tant sur le plan de l'intégration au marché du travail, encore jugée pénible pour nombre d'immigrants, que sur celui de la langue, socle de la culture québécoise.
Les mesures linguistiques associées à l'immigration ont besoin de vigoureux coups de gouvernail. Le portrait n'est pas aussi reluisant que certains veulent le croire: moins de la moitié des allophones utilisent le français au travail et la francisation des immigrants stagne à des taux inquiétants.
La courbe démographique présente des rondeurs qui assurent le renouvellement de la population québécoise. Cela se célèbre. Mais le vieillissement qui attend le Québec, expliqué tant par le passage des baby-boomers à l'âge vénérable que par les gains en espérance de vie, entraîne son lot de défis. Il n'est plus possible de les ignorer.
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