Choc démographique en vue

Nouvelles projections démographiques

L'Institut de la statistique a beau écarter un déclin de la population québécoise d'ici à 2056, le Québec n'évitera pas le choc démographique qui l'attend au cours des prochaines années. Ce choc doit venir du vieillissement de la population et du rapport croissant entre les personnes dites «dépendantes» et les travailleurs. Ces données ne changent pas avec les nouvelles projections.
L'ISQ a livré ses nouvelles perspectives démographiques le 15 juillet dernier. Une lecture optimiste arrêtait le regard sur l'accroissement attendu de la population québécoise jusqu'en 2056. Le déclin à partir de 2031, appréhendé dans les projections précédentes, est donc revu et corrigé. Une lecture plus réaliste fait ressortir que, si le Québec abritera 1,6 million de personnes de plus en 2056, la population des 65 ans et plus sera plus nombreuse de 1,5 million. Ce qui a fait dire à un démographe: «C'est comme si on prenait la société actuelle et qu'on y ajoutait 1,5 million de personnes de 65 ans et plus.»
Le problème reste donc entier. Du moins amène-t-on au rang de problématique un doublement du poids démographique des aînés, qui passera de 14 % en 2006 à 28 % en 2056. Dans l'intervalle, la population en âge de travailler ne pourra éviter le déclin, qui doit devenir réalité à partir de 2014. Selon les analystes du Mouvement Desjardins, le choc est inévitable. «Il faudrait accueillir environ 300 000 immigrants par année pour stabiliser la population des 15-64 ans, ce qui correspond au nombre total d'immigrants qui entrent au Canada chaque année. Même un taux de fécondité remontant subitement à 2,1 %, soit le taux minimum pour renouveler une population, ne permettrait pas de renverser la tendance.» Comme l'a souligné le spécialiste Michel Paillé, 40 années consécutives de sous-fécondité chronique ont tellement déformé notre pyramide des âges que même une hausse subite du taux de fécondité ne pourrait inverser le mouvement.
Les démographes ont noté que le scénario révisé de l'ISQ retenait, à juste titre, les retombées positives sur le taux de fécondité des programmes d'assurance parentale et de garderies subventionnées. Ils froncent toutefois les sourcils devant l'augmentation retenue de 27 % de l'immigration, une performance surprenante compte tenu d'un déclin généralisé de la main-d'oeuvre plaçant les économies industrialisées en concurrence les unes contre les autres. Défavorisé sur ce point, le Québec est plus que jamais condamné à miser sur des gains de productivité. Mais là encore, la tâche s'annonce ardue, car il faudrait doubler les gains affichés ces dernières années pour simplement éviter une baisse de la croissance économique, ont estimé les analystes de Desjardins.
Dit autrement, la diminution de la population active se traduira par une baisse de régime de l'activité économique, inférieur à la cadence des dix dernières années. Selon la vraisemblance des scénarios et des hypothèses évoqués par les analystes de l'institution québécoise, le rythme annuel de croissance du PIB réel pourrait être ramené autour de 0,8 % d'ici 2020, comparativement à 2 % actuellement. En fait, le potentiel de croissance de l'économie québécoise sera réduit de moitié d'ici dix ans, ce qui provoquera un effet qualifié de dévastateur sur les finances publiques.
En résumé, «la progression des revenus de l'État risque d'être fort limitée, alors que les dépenses augmenteront plus rapidement en raison du vieillissement de la population», peut-on lire dans le point de vue économique de l'institution coopérative. Une impasse financière se dessine, avec une hausse des dépenses gouvernementales déjà supérieure à celle du PIB nominal et un gouvernement ayant toujours misé sur la croissance du PIB pour réduire le poids de sa dette. Avec, aussi, cette récession qui défait les équilibres budgétaires et qui a mis en évidence l'absence de marge de manoeuvre à Québec.
Question de noircir davantage le portrait, on peut retenir des nouvelles perspectives de l'ISQ que le nombre de personnes dites «dépendantes» pour 100 personnes en âge de travailler passera à 91 en 2056, contre 58 actuellement. Le démographe Dominique André a souligné que le Québec avait déjà affiché un tel rapport, en 1971, mais le «fardeau» venait alors du nombre de personnes de moins de 20 ans. Reste donc à définir la notion de «fardeau» et le concept de personnes «dépendantes». Car avec tout ce capital-retraite amassé, REER et régime privé de pension confondus, jamais n'aura-t-on vu autant de futurs retraités disposer d'un patrimoine faisant d'eux des contribuables. Et jamais n'aura-t-on vu des futurs retraités être aussi sollicités pour combler une partie de la facture en santé liée à la longévité. Sans compter le traitement fiscal qui attend les riches transferts intergénérationnels à venir.
Il faudra en tenir compte avant de conclure trop rapidement.


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