L’austérité amplifie les inégalités. Entre les contribuables, les particuliers et les entreprises, entre les riches et les pauvres, entre les hommes et les femmes. Elle creuse également un fossé entre les mesures de relance et les programmes de compression. Voici un petit portrait de l’austérité, qui se veut plutôt austère.
Dans son étude sur l’austérité et les femmes déposée lundi, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a multiplié les démonstrations soutenant sa conclusion que les mesures d’austérité du gouvernement contribuent à creuser les inégalités entre les hommes et les femmes. L’étude propose, en toile de fond, un portrait chiffré de la « rigueur » appliquée, plutôt noir ou rouge selon que la couleur retenue emprunte à la psychologie ou à la comptabilité.
D’abord, oui, le Québec vit à l’heure de l’austérité. Il était évoqué l’année dernière la réduction d’au moins 2 % des effectifs dans la fonction publique s’ajoutant à des gains de productivité recherchés de 2 %. Et des cibles de croissance des dépenses à 3 % en 2014, à 2,7 % cette année, dans un secteur, celui de la santé, subissant une croissance naturelle de ses dépenses de 3,9 %. Des cibles de 2,2 % et de 1,9 % respectivement dans un autre, celui de l’éducation, contraint à une croissance naturelle des dépenses de 3,2 %. Cette progression cible des dépenses globales de 1,8 % en 2014, de 0,7 % en 2015, sous le niveau de l’inflation. Et ces dépenses fiscales réduites de quelque 1 milliard cette année.
L’IRIS conclut également que si l’on tient compte de l’inflation, la croissance des dépenses du gouvernement du Québec a été négative à deux reprises (en 2011-2012 et 2012-2013) et le sera probablement en 2015-2016. La dernière fois qu’une telle situation s’est produite au Québec, c’était sous le gouvernement de Lucien Bouchard lors de la mise en place du déficit zéro, en 1996, note-t-il.
Ressemblance entre les époques
Il est, de plus, analysé que le président du Conseil du trésor de l’époque, Jacques Léonard, et le président actuel, Martin Coiteux, ont eu recours à des écrits et des paroles défendant l’austérité qui « se ressemblent à s’y méprendre ». Avec quelque 20 ans de décalage, les deux personnages évoquaient les mêmes dangers, la même urgence d’agir maintenant, ou encore la rareté des ressources, l’équité entre les générations, le recentrage du rôle de l’État et l’adaptation des programmes à la nouvelle réalité.
L’Institut a également chiffré à 10,8 milliards le cumul des mesures de relance proposées par le gouvernement sur la période 2008-2016. Mais à 23 milliards les mesures d’austérité sur l’intervalle. Du total des compressions, 47 % prennent la forme de coupes générales, 16 % de hausses de taxes, tarifs et impôt sur le revenu, 12 % de réduction ou gel salarial, 7 % viennent du secteur de la santé et 5 % se veulent des coupes aux entreprises. Le reste vient d’une contribution additionnelle demandée aux banques, aux sociétés d’État, et de mesures spécifiques imposées à des ministères ou organismes.
Parmi les chiffres les plus parlants, 3,6 milliards en contributions supplémentaires ont été remis à l’État sous forme de taxes, tarifs et impôts entre 2008 et 2014. Pour leur part, les employés du secteur public ont vu leur masse salariale amputée de près de 3 milliards depuis 2010.
Le mois dernier, l’économiste de réputation Pierre Fortin calculait que la sévérité des politiques d’austérité du Québec était comparable à celle du Japon et de l’Australie, deux pays trônant au sommet de l’intensité en la matière parmi les plus riches. Il chiffrait à 1 % du PIB l’austérité appliquée durant le prochain exercice budgétaire, soit à 3,3 milliards. La course vers l’équilibre budgétaire va amputer le PIB québécois de 4 milliards entre l’été 2015 et l’automne 2016, estimait-il, atténuant les effets de la chute des cours pétroliers et du repli du dollar sur la croissance économique.
Pierre Fortin se joint au consensus quant à l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire mais comme plusieurs autres, il s’inquiète de la manière de s’y prendre et de l’empressement à y parvenir. Tout en rappelant que le poids du service de la dette a chuté de près de moitié en 20 ans, pour revenir sous les 3 % du PIB.
Mais, comme on le disait il y a 20 ans, « le Québec doit agir maintenant ».
PERSPECTIVES
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé