Pont Champlain, tout est clair, quoi faire alors?

Tribune libre

Avec l’article de François Cardinal, publié le 14 mai 2014 Rapatrier Champlain (Note 1) tout devient clair.

Le gouvernement de M. Harper veut se désencombrer des ponts montréalais, Champlain, Mercier et Jacques-Cartier, et ce avec le moins d’engagements possible, quitte à étirer cavalièrement la teneur de certaines de ses obligations. Voici sa stratégie :

Partie I. La mise en scène.

1) Réduire au minimum les frais d’entretien et reporter les rénovations majeures. C’est ce que fait le fédéral depuis plus de 15 ans. Cela a pour impact de réduire la durée de vie de l’actif, d’accélérer son remplacement, et donc de créer une possibilité de largage précipité au Québec;

2) L’entretien déficient a mis en péril la sécurité des usagers, a forcé et force toujours la fermeture de quelques jours ici et là du pont Champlain. Ce qui entraîne des congestions majeures, de la frustration et du mécontentement envers le fédéral. Le gouvernement du Québec, les villes héritent de ces problèmes causés par le fédéral et paient (lire les contribuables) la note. Le fédéral perd sa crédibilité. Cette saga dure depuis quelques années;

3) Finalement, il faut changer le pont plus rapidement. Et voilà, pour financer le nouveau pont il faudra un péage. Les administrations provinciales, municipales, les associations d’usagers ont rapidement manifesté leur mécontentement. Justin Trudeau n’est pas d’accord, tout comme Thomas Mulcair. Ce dernier fait valoir qu’un péage n’est pas justifiable puisqu'il s'agit d'un pont de remplacement qui n'a pas de péage, et non d'une nouvelle construction. Le fédéral ne cède pas. M. Harper persiste et signe «Nos conditions sont claires, pas de péage, pas de pont, et vont le demeurer», a-t-il ajouté;

4) Avec toute cette mise en scène, le sentiment que les positions intransigeantes prisent par le fédéral sont inacceptables, irresponsables cela fait en sorte que le gouvernement du Québec, avec la frustration grandissante des Québécois (ses), se demande s’il ne devrait pas en être le propriétaire. Extrait de l’article de François Cardinal «L'idée avait été lancée par Mme Marois, lors de la rencontre du 3 décembre entre les deux premiers ministres…une proposition qui a aussitôt plu (comme par hasard, cela est de mon cru) à Stephen Harper ». Et voilà, le tour de force est joué : c’est le Québec qui demandera au fédéral ce que le fédéral veut faire avec les 3 ponts;

Partie II. Payer le moins possible.

Maintenant que la balle a été mise en jeu par le Québec, le fédéral doit s’assurer qu’il paiera le moins possible. Voici sa stratégie :

1) Même si les ponts sont essentiels à l’économie du Canada, ne pas oublier le dessous des ponts, le fédéral les présente comme des ponts locaux, à l’usage exclusif des riverains. Ce avec quoi certains journalistes sont d’accord (Note 2). Plus le pont est considéré comme local, plus il devient difficile de justifier l’implication du fédéral;

2) Maintenir une certaine forme de mécontentement & en même temps une impression de collaboration. Par exemple, refuser de mettre un groupe de travail comprenant les différents intervenants municipaux, différents ministères, Bureau des partenaires du pont Champlain, maintenir autocratiquement la condition du péage et en même temps se montrer bon joueur en devançant de 3 ans le début des travaux selon l’échéancier initial. Curieusement, ce début révisé des travaux maintenant prévu pour l’été 2015, est quelques mois avant l’ élection fédérale en octobre 2015;

3) Choisir le bon moment. Comme dans toute négociation, le «timing» est important. Comme en témoigne l’article de M. Cardinal, celui cité au début de cet article, c’est le fédéral qui gère l’agenda : «Si vous êtes d'accord avec ma proposition, ajoute M. Harper, je demanderai au ministre Lebel d'entamer des discussions avec le ministre des Transports du Québec au moment jugé opportun. Notre gouvernement est heureux de pouvoir continuer de compter sur l'entière collaboration du gouvernement du Québec.»

4) Discussions confidentielles. Afin de profiter au maximum de sa position avantageuse de négociation, de museler, de laisser le moins de temps possible pour que les intervenants réagissent, le fédéral a tout intérêt à ce que les discussions soient confidentielles. Extrait de l’article de M. Cardinal : M. Harper se dit prêt à «examiner le transfert de la propriété» du pont Champlain... à condition que cela se fasse sans «chantier» formel…Je suis d'accord d'aborder la question maintenant, écrit M. Harper, mais je vous suggère plutôt des discussions confidentielles. Sans l’article de M. Cardinal, nous ne saurions toujours pas que des «discussions confidentielles» au plus haut niveau ont eu lieu entre Québec et Ottawa relativement à ces ponts. On peut se demander si M. Couillard joue le même jeu de la confidentialité lorsqu’il affirme «À mon avis, c'est un débat qui est précoce parce qu'il faut d'abord se concentrer sur les échéanciers de réparation et de mise à niveau du pont Champlain. Ce n'est donc pas une question prioritaire». Notons que cette affirmation fait suite aux propos de son homologue fédéral, Stephen Harper, qui s'est montré ouvert, jeudi le 15 mai, à l'idée de vendre les ponts fédéraux au gouvernement du Québec.

5) Acte final. Au moment jugé politiquement opportun (début des travaux du pont été 2015 et élection fédérale octobre 2015), les deux gouvernements vont nous annoncés en grande pompe, montrant la grande collaboration et la preuve que le fédéralisme fonctionne, que le Fédéral a accepté de transférer les ponts au Québec selon des conditions justes et raisonnables. Et que pour éviter tout délai dans la construction, pour assurer que le maître d’œuvre soit le Québec , le transfert sera fait au cours du prochain mois. C’est un «done deal». Avec comme résultat qu’il sera difficile d’évaluer si c’est un bon deal, un deal win-win, d’entreprendre des démarches légales pour vérifier la teneur des responsabilités du gouvernement fédéral comme son obligation de remplacer le pont, de l’entretenir, et ce sans frais de péage…

Nous pouvons, à juste titre, nous demander pourquoi le gouvernement du Québec, les municipalités n’ont pas encore obtenu d’avis juridique sur les questions soulevées précédemment (légitimité du péage, l’obligation de remplacée). Ou, que cela est déjà fait, mais pour des raisons «confidentielles» les avis ne sont pas partagés!

Quoi faire alors.

1) Réaliser l’importance & l’urgence du pont Champlain :

i) Le pont Champlain représente un investissement de 3 à 5 milliards de dollars, soit plus de 40 % que celui du CUSUM;

ii) Plus de 57 millions de véhicules empruntent le pont chaque année (156,000 par jour), ce qui en fait le pont le plus achalandé au Canada;

iii) Les décisions qui seront prises sur le pont Champlain auront un effet domino sur les autres ponts, la fluidité du trafic, notre économie pour plusieurs décennies & affecteront la qualité de vie de plusieurs générations;

iv) Une opportunité de mettre sur la «table à réflexion» le concept de bien commun (Note 3), d’apporter des solutions durables et applicables à des situations semblables;

v) Qu’il est possible & probable, que le transfert pour des raisons politiques, soit annoncé au printemps 2015, avant l’élection fédéral. Si cette hypothèse est probable, cela donne peu de temps pour négocier une bonne entente.

2) Les partis d’oppositions doivent prioriser ce dossier, poser des questions et en faire un rigoureux suivi. Il s’agit d’un super dossier. Un groupe de travail devrait être formé et composé de Mme Ouellet & M. Bonnaderl (transport), M. Péladeau & M. Dubé (Économie). M. Péladeau, avec son expertise, sa détermination serait un porteur du dossier à considérer;

3) La question de savoir si des discussions sont en cours entre le gouvernement Couillard et Harper sur le transfert des ponts doit être posée à l’Assemblée nationale. Et si les discussions n’ont pas débuté, obtenir un engagement du gouvernement à savoir qu’il avisera l’assemblée lorsqu’elles débuteront;

4) Déterminer s'il est possible d’exiger le péage? Au lieu de spéculer, pourquoi ne pas demander une consultation juridique? Le concept du bien commun pourrait être apporté comme argument. Il est raisonnable de prévoir que ce cas se retrouvera à la cour suprême. M. Harper est un habitué!

5) Recherche d’informations;
a) Se familiariser avec le concept de bien commun, rencontrer des experts…;
b) Prendre connaissance de toutes les ententes légales directes et indirectes liant le fédéral aux ponts;
c) Connaître les obligations du fédéral relativement :
i) À l’entretien, la sécurité, la fluidité. Est-ce qu’il les a respectées? Qui vérifiait si elles étaient respectées? Qui fixait les normes?
ii) Au montant à être de mis de côté pour leur remplacement éventuel. Quel est le cout de remplacement qui a été utilisé? Les mises de côté ont-elles été faites? Quel est le montant accumulé aujourd’hui? Est-il suffisant pour l’ensemble des trois ponts? A-t-il été révisé par un ingénieur, par les vérificateurs...?
iii) Lorsque le pont est inopérant, a-t-il l’obligation de rembourser les frais encourus par les différents intervenants provinciaux, municipaux pour les problèmes créés par les fermetures du pont?

6) Connaître tous les coûts du pont Champlain tel que le coût de construction, d’entretien, de réfection, par année...;

7) Connaître quand les deux autres ponts devront être remplacés, leur d’entretien…;

8) Connaître les statistiques d’achalandage sur et sous les ponts;

9) Connaître les revenus perçus reliés aux ponts. Par exemple ceux la voie maritime du St-Laurent. Ses frais sont-ils appropriés et justes, comparables à d’autres situations semblables;

10) Avoir les états financiers vérifiés, les rapports annuels, les rapports & les études des professionnels, les pro formas financiers…;

11) Et tout autre documents pertinents.

Conclusion.
Le pont Champlain est le «pont» entre une façon dépassée de considérer les biens publics qui mène à des culs-de-sac de plus en plus profonds et une façon, le concept de bien commun, qui offre des solutions porteuses, structurantes, justes, rassembleuses et durables. Le pont Champlain ouvre la porte à des réformes qui n’existent pas dans nos concepts de référence actuels. Plus nous retardons, plus les solutions deviennent difficiles à trouver...

Merci à M. François Cardinal de son article & merci de retweeter.

Michel Aubin.
Cultivateur
Twitter : MhJ maubin1

Note 1 : http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/francois-cardinal/201405/14/01-4766480-rapatrier-champlain.php
Note 2: http://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/andre-pratte/201405/07/01-4764606-un-pont-local.php
Note 3: http://www.vigile.net/Pont-Champlain-utilisateur-VS


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mai 2014

    Si le Québec prend en charge les ponts, la voie maritime doit venir avec, car elle est le principale entrave pour les traversées. Les revenus du passage des navires navigant sous les ponts dispendieux suite à la présences de ces derniers, serviront à les payer.