Plus jamais les Canadiens

Sports et politique


Martin Bilodeau - On pressentait la débâcle, mais l'ampleur de la catastrophe s'est mesurée en grosses lettres dans le bulletin de Cineac paru lundi avant-midi. Pour son premier week-end d'exploitation, le long métrage Pour toujours les Canadiens est arrivé en huitième position du box-office, avec 112 000 $ de recettes. Étant donné que 90 exemplaires étaient distribués partout dans la province, on l'attendait en première, avec au moins cinq fois plus de revenus. Que s'est-il passé pour que producteurs, distributeurs et exploitants se trompent tous en même temps? Et comment les médias ont-ils pu, par leur couverture démesurée du film (qui s'inscrit il est vrai dans le contexte du centenaire du club de hockey), présumer qu'ils répondaient à l'intérêt du public? Rappelons que depuis son premier tour de manivelle jusqu'au jour de sa sortie, les médias ont offert à ce projet officiel (dans le sens soviétique du terme) une visibilité extraordinaire, digne d'une campagne référendaire. Et inversement proportionnelle, on vient de l'apprendre, à l'intérêt que lui vouent les spectateurs.
Dans les deux semaines qui ont précédé sa sortie, le concert de voix, à qui sait entendre, sonnait faux. D'une part, certains chroniqueurs et critiques qui n'ont pas aimé défiaient le ridicule embargo. D'autre part, une avalanche de prépapiers, dans les pages culturelles, sportives, voire d'actualité nationale, faisaient l'éloge forcé et sans enthousiasme du film. Les cinéphiles n'aimaient pas, les amateurs de sport, un peu étonnés de voir à la place du film — hommage attendu — un mélo mielleux pour la famille, faisaient semblant d'aimer. Leur parole a été entendue au-delà des mots.
N'importe quel distributeur vous le dira: les longs métrages qui cartonnent au box-office sont ceux que le public veut voir. Vérité de La Palice? C'est pourtant plus subtil. Car ce désir des spectateurs est volatil, impossible à prévoir et à contrôler, et dans le cas de films grand public formatés pour plaire comme celui qui nous intéresse, indifférent à la critique, bonne ou mauvaise. Les gros films de genre hollywoodiens (pensez Twilight ou Underworld) sont de plus en plus souvent mis en marché suivant un savant protocole de marketing publicitaire, qui s'inscrit dans la durée, avec dévoilement en fanfares de l'affiche et de la bande-annonce comme s'il s'agissait d'une nouvelle de première importance. Le tout servant à créer l'attente, à générer le désir, à étouffer par avance la critique à qui, très souvent, le film n'est pas montré avant le jour de sa sortie.
Pas que j'approuve ou désapprouve cette méthode éprouvée qui a fait le succès de films comme Old Dogs, une niaiserie qui figure dans le top-5 au Québec. Mais je crois sincèrement qu'avec une campagne de ce type, misant sur l'attente et le mystère de la Caramilk et qui aurait divisé par quatre le nombre de prépapiers, Pour toujours les Canadiens aurait obtenu de meilleurs résultats au box-office au cours de sa première semaine d'exploitation.
Malgré la complaisance médiatique, les sommes colossales investies dans la promotion, ainsi que l'attachement réel des Québécois pour leur club de hockey, TVA Films n'a pas su générer avec ce projet, auprès du public, un désir pouvant se traduire en entrées. Indifféremment de la qualité des films, le guichet des cinémas prend valeur d'urne référendaire. Devant Pour toujours les Canadiens, les Québécois, en s'abstenant, ont majoritairement voté «Non». Les médias ont pourtant tout fait, trop fait, mal fait, pour faire sortir le vote. La leçon à retenir: Plus jamais les Canadiens.


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