Hier, je vous rapportais les paroles troublantes de Philippe Couillard en lien avec le retour du dossier des signes religieux.
Jugeant cette question comme un enjeu carrément «imaginaire», le premier ministre concluait sa sortie sur ces mots choquants : «On va maintenant de l’avant avec les véritables enjeux - les véritables enjeux des véritables citoyens du Québec».
Bref, comme si les personnes qui sont en désaccord avec lui sur cette question ne seraient pas tout à fait de «véritables citoyens» à ses yeux.
Restons dans le même dossier et posons une question qui, pour un premier ministre, est tout de même assez fondamentale, merci. Philippe Couillard a-t-il lu la constitution canadienne et la charte québécoise des droits?
À la lumière de ses remarques étonnantes sur la question des signes religieux - déterrée à nouveau par l’ouverture de la mairesse de Montréal à leur port par les policiers du SPVM -, la question se pose.
Dans sa chronique d'hier, ma collègue Fatima Houda-Pepin fait état des positions contradictoires prises par le chef libéral au fil des ans.
Voilà que le premier ministre affirme maintenant, sans broncher, que d’interdire le port de signes religieux au SPVM serait carrément «illégal».
C’est ce qu’il laisse entendre lorsqu’il lance ceci à propos de l’intention du chef caquiste François Legault de l’interdire s’il prenait le pouvoir : «Il ne peut pas faire ça, c’est du bruit ça, il ne peut pas le faire légalement». Vraiment?
Alors, ou le premier ministre ne connaît pas l’état du droit constitutionnel canadien. Ce qui serait déjà inquiétant en soi. Ou, au contraire, le premier ministre le connaît et par conséquent, il induit sciemment les Québécois en erreur.
Comme je le rappelais dans ma chronique de vendredi dernier, pour interdire le port de signes religieux chez les agents de l’État en position de coercition, il existe pour le faire un outil constitutionnel parfaitement légal, légitime et constitutionnel.
Cet outil s’appelle la clause de dérogation. Une clause que l’on retrouve autant dans la charte canadienne des droits que dans la charte québécoise.
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Donc, la seule et vraie question restante est celle-ci : interdire ou ne pas interdire le port de signes religieux pour les agents de l’État détenteurs d’un pouvoir de coercition, tels les policiers, juges, procureurs de la Couronne et gardiens de prison? Point.
Philippe Couillard a tout à fait le droit d’y être opposé. Auquel cas, il doit en expliquer les raisons.
Mais pour ce faire, le premier ministre ne peut pas désinformer en même temps les Québécois comme il le fait lorsqu’il accuse le chef de la CAQ de vouloir poser un geste illégal s’il était élu premier ministre et procédait à cette même interdiction. Dans la mesure où cela nécessiterait fort probablement d’avoir recours à la clause dérogatoire – une clause tout à fait légale.
Bref, quand M. Couillard prétend que de le faire serait «illégal», le premier ministre fait du fake news...
Qui plus est, si une telle interdiction était vraiment «illégale», comment M. Couillard peut-il du même coup pelleter cette même décision dans la cour des corps policiers eux-mêmes? On voit ici à quel point le premier ministre sème lui-même la confusion.
Et pourtant, comme le suggérait une internaute sur mon fil twitter, la voie la plus prometteuse sur tout le dossier de la laïcité - donc, bien au-delà de la seule question des signes religieux -, ne serait-elle pas d’emprunter une approche similaire à celle du dossier plus complexe et plus sensible encore qu’était le «mourir dans la dignité»? Soit d’emprunter une voie transpartisane.