Phénix ruine son congé parental

L’homme fait partie des nombreux fonctionnaires fédéraux qui font toujours les frais du fiasco Phénix

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Fiasco informatique fédéral; de nombreux fonctionnaires impayés depuis plus de 6 mois





OTTAWA | Un jeune père impayé pendant six mois à cause d’un problème du système Phénix voit son congé parental gâché par des heures passées dans sa paperasse plutôt qu’avec sa fille.


«Ça m’apporte de l’insécurité, mais surtout de la frustration. Quand tu as un bébé, tu n’as pas nécessairement le temps de passer trois heures par jour au téléphone pour régler ton problème de paie», ironise Guillaume Larose, tenant dans ses bras sa petite Coralie, née en octobre.


L’homme originaire de Québec fait partie des nombreux employés de l’État fédéral toujours victimes du fiasco du système de paie Phénix, «digne du tiers monde» selon l’opposition, un an et demi après sa mise en place.


Le père de 36 ans installé à Orléans, en Ontario, a dû passer plusieurs heures par semaine dans sa paperasse pour tenter de débloquer son dossier au Centre de paie pour obtenir ce à quoi il a droit.


Sa conjointe, travailleuse autonome, ne cotise pas à l’assurance-emploi et n’a donc pas eu droit à un congé payé.


«Aucun de nous deux n’a eu de paie d’octobre à mars [pendant le congé parental]. Ce n’est pas agréable», résume M. Larose, qui profite d’un congé parental depuis près de 11 mois.


Trop payé


Comme de nombreuses victimes du nouveau système de paie, son dossier a déraillé à cause d’un petit détail que le logiciel Phénix n’a pas pris en compte à temps.


Peu avant la naissance de son enfant, le programmeur-analyste à la Commission de la fonction publique a pris un congé sans solde à l’été 2016, mais les formulaires dûment approuvés sont restés bloqués quelque part au Centre de paie. L’argent a continué d’entrer dans son compte comme à l’habitude.


«J’ai fait toutes les démarches pour les faire arrêter, et ça n’a jamais marché», se rappelle-t-il.


M. Larose a eu le temps de revenir au travail, de voir naître sa fille et de quitter de nouveau le travail des mois plus tard, cette fois pour un congé parental qui, lui, aurait dû lui être payé.


Pas de salaire


Mais voilà qu’en novembre sa paie a cessé, signe que sa vieille demande de congé sans solde avait enfin été traitée. À ce jour, il ne reçoit ni son salaire ni ses prestations de congé parental. Le gouvernement lui doit désormais beaucoup plus que ce qu’il a obtenu en trop.


«C’est une bataille constante toutes les semaines d’appeler et d’envoyer des courriels tout le temps.»


Pour ne rien arranger, les formulaires qu’il doit soumettre pour obtenir ses prestations sont truffés d’erreurs. Impossible pour lui de prouver qu’il est admissible à son congé parental, même s’il détient cet emploi depuis une dizaine d’années.


Après plusieurs mois de silence radio, le Centre de paie lui a finalement versé d’un coup une partie des montants dus au printemps, sans toutefois régler sa rémunération pour la suite.


Autres problèmes


Le gouvernement lui doit toujours «quelques milliers» de dollars, en plus d’avoir oublié des montants sur ses formulaires fiscaux lui causant maintenant des ennuis avec l’Agence du revenu.


Il est maintenant prêt à recommencer le travail en septembre, mais s’inquiète d’avoir de nouveaux problèmes avec la paie dès son retour.


Le ministère responsable du système Phénix, Services publics et Approvisionnement Canada, ne commente pas les cas précis par «respect de la vie privée».


Le Journal a consulté les documents et correspondances des fonctionnaires rencontrés qui témoignent de leurs démarches.


 


Notre dossier


Un an et demi après la mise en place du nouveau système de paie Phénix par le fédéral, l’épidémie de problèmes de paie continue de toucher des milliers de ses employés. Le gouvernement et l’opposition s’accusent toujours mutuellement pour cet embarras de classe mondiale. Pour mieux comprendre l’ampleur de la situation, Le Journal a rencontré des fonctionnaires québécois dont la vie a été bouleversée par les problèmes dans leur paie.


 


Revenu Canada lui réclame 10 000 $


Signe que les problèmes de paie ne viennent jamais seuls, une erreur dans un formulaire d’impôt fait disparaître quelque 10 000 $ de cotisations à un jeune père en congé parental sans salaire depuis des mois. Comme beaucoup de fonctionnaires victimes de Phénix, faire sa déclaration de revenus a été un cauchemar.


«Je n’avais pas besoin de ça dans mon congé parental, surtout après des mois sans paie. C’est ridicule», témoigne Guillaume Larose, victime du système Phénix.


Comme de nombreux fonctionnaires qui ont reçu trop ou pas assez de salaire à cause des problèmes du système, ses formulaires fiscaux T4 et Relevé 1 ont été émis en retard et comportaient d’importantes erreurs.


Cotisations


Dans le cas de M. Larose, ce sont ses cotisations prélevées à même son salaire pendant toute l’année qui ont disparu de son T4, comme par magie.


«Il est indiqué que je n’ai rien payé. Selon le système, j’aurais 10 000 $ à envoyer en impôts», décrit-il, avec en main son formulaire fiscal incorrect.


Ses talons de paie qu’il a minutieusement compilés témoignent qu’il a déjà payé ce montant en impôts.


Selon un comptable de Gatineau qui compte de nombreux fonctionnaires comme clients, Phénix a généré «un bordel total» dans de nombreuses déclarations de revenus.


Incohérences


«Les gens sont venus faire leurs impôts avec des T4 erronés, parce que le gouvernement ne leur a pas remis leur nouveau T4 à temps», a dit Yves Godin.


Parmi les incohérences qu’il a constatées, beaucoup de formulaires T4 remis aux fonctionnaires indiquaient un montant de déduction qui ne concordait pas avec leurs bordereaux de paie.


L’Agence de revenu du Canada demande aux fonctionnaires comme M. Larose de payer les montants inscrits sur leur T4 incorrect, pour ensuite se faire rembourser lorsque sera réglé leur dossier. Un dédommagement est prévu pour couvrir certains frais engendrés par Phénix, comme les services d’un comptable.


 




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