Pétrole: Québec lorgne une zone fragile du golfe

Les ambitions économiques du gouvernement Marois s’opposent au projet de protection d’Ottawa

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Harper prêt à redorer le blason environnemental du Canada sur le dos du Québec, en divisant par surcroît les Québécois entre eux. Machiavélique !

Peu avant le début du congé des Fêtes, le gouvernement du Québec a lancé un appel d’offres afin d’évaluer le « potentiel économique » des énergies fossiles du banc des Américains, une vaste zone maritime située tout juste à l’est de la pointe de la Gaspésie. Or, Ottawa envisage d’établir une aire marine protégée pour tout ce secteur réputé pour sa grande biodiversité et la fragilité des espèces qu’on y retrouve.
Le document de l’appel d’offres indique que le gouvernement Marois souhaite obtenir une « étude indépendante sur le potentiel économique des hydrocarbures en milieu marin ». Celle-ci est commandée par le ministère des Ressources naturelles (MRN) et concerne précisément la structure Old Harry et le banc des Américains. Ces deux zones pourraient très bien présenter un intérêt pour l’exploitation pétrolière et gazière, selon Québec.

« Le faible niveau de connaissance de ces deux secteurs représente un défi de taille pour en déterminer le réel potentiel, entre autres parce qu’aucun forage exploratoire n’a été réalisé directement à l’intérieur des structures géologiques de ces deux secteurs et qu’aucune analyse des données spécifiquement détenues par le gouvernement du Québec n’a été faite », souligne toutefois le gouvernement.

L’entreprise qui sera retenue devra donc analyser les données des relevés sismiques déjà réalisés « au début des années 1970 ainsi qu’en 1998 et en 2002 » et qui lui seront fournies par le MRN. « Des rapports techniques sur des puits d’exploration pétroliers et gaziers, forés en périphérie de ces zones, seront aussi transmis au prestataire de services. » Le MRN a décidé de clore l’appel d’offres le 21 janvier, et les conclusions devront être remises au plus tard le 15 avril. Il s’agit d’un contrat évalué, pour le moment, entre 200 000 $ et 300 000 $.

S’il était prévisible que Québec cherche à en connaître davantage en ce qui a trait à la structure Old Harry, le secteur du banc des Américains n’a jamais été évoqué auparavant, selon Sylvain Archambault, biologiste à la Société pour la nature et les parcs.

Cette zone maritime est située tout juste à l’est de la pointe de la Gaspésie. Elle est d’une superficie de 1050 km2. La limite sud-ouest du secteur se situe juste à côté du parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé. La limite nord-ouest se trouve tout près du parc national Forillon.
Zone de protection marine?

Le lancement de cet appel d’offres est d’autant plus étonnant que le gouvernement fédéral étudie présentement la possibilité de faire du banc des Américains une zone de protection marine en vertu de la Loi sur les océans.

Ottawa s’est en fait fixé comme objectif de désigner 10 % des eaux canadiennes comme aires marines protégées d’ici 2020. Au Québec, seuls deux sites sont dans la mire du fédéral, soit une zone qui entoure les îles de la Madeleine et le banc des Américains.

« Ce site est caractérisé par la diversité de ses habitats, par la présence permanente ou saisonnière de nombreuses espèces à valeur commerciale et de baleines, par la présence d’espèces en péril et par une grande diversité de mollusques et crustacés, précise d’ailleurs Pêches et Océans Canada. Ce site a aussi un grand potentiel comme aire d’alimentation pour différentes espèces de poissons et de mammifères marins et comme refuge pour les populations de poissons de fond actuellement en déclin, incluant le stock de morues du sud du golfe. Historiquement, ce secteur était très convoité pour la pêche. »

« La mise en place d’une zone de protection marine dans ce secteur favoriserait la productivité et la diversité des espèces dont plusieurs à valeur commerciale et le rétablissement des espèces en péril qui fréquentent ce site particulier », ajoute Pêches et Océans Canada sur son site Web.

Pour Sylvain Archambault, la décision de Québec d’évaluer le potentiel économique des énergies fossiles qui pourraient se trouver au fond du golfe du Saint-Laurent est donc insensée. « Cet appel d’offres pour une étude de potentiel pétrolier sur un projet d’aire marine protégée est d’autant plus révoltant que le Québec n’a présentement aucun milieu marin protégé dans le golfe », insiste-t-il.
Oui aux hydrocarbures

Québec n’a jamais caché son préjugé favorable envers l’exploration et l’exploitation des ressources fossiles en milieu marin. La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a d’ailleurs promis en septembre d’étudier davantage le « volet économique » lié à l’exploitation d’éventuelles ressources pétrolières et gazières.

Le rapport d’évaluation environnementale stratégique commandé par le gouvernement a cependant mis en lumière le fait que Québec connaît mal le golfe du Saint-Laurent et serait inapte à répondre à un déversement pétrolier qui surviendrait en raison de l’exploitation d’énergie fossile en milieu marin.

Ce document de plus de 800 pages souligne qu’il demeure « plusieurs lacunes » dans l’état actuel des connaissances sur le golfe. Les carences concernent les technologies d’exploration et d’exploitation, les composantes des milieux physique, biologique et humain, ainsi que les « effets environnementaux potentiels des activités d’exploration et d’exploitation, ainsi que des déversements accidentels ».

On ignore par exemple comment récupérer du pétrole « lorsqu’il y a présence de glace ». On connaît relativement peu de chose des « courants et de l’évolution de ceux-ci en fonction des changements climatiques ». Et dans le contexte actuel, marqué par de vives inquiétudes, les auteurs du rapport estiment en outre que « l’acceptabilité sociale d’une éventuelle exploration et exploitation des hydrocarbures en milieu marin n’est pas acquise ». Le Québec n’a par ailleurs pas de loi concernant l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures. Un projet de loi pourrait être présenté cet hiver.

La ministre Martine Ouellet n’était pas disponible mardi pour discuter avec Le Devoir de l’appel d’offres lancé par le gouvernement.


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