Depuis le 17 mars, les Français et plus largement tous ceux qui vivent en France sont soumis à un confinement à leur domicile. Contre mauvaise fortune bon cœur, nous nous y sommes pliés, bien conscients de l’incurie des pouvoirs publics tant dans la prévention que dans la gestion de la crise sanitaire que nous connaissons.
Mais il faut croire que, comme l’écrivait George Orwell, certains de nos concitoyens sont plus égaux que d’autres : les exemples d’un traitement différencié d’une partie de la population sont nombreux. Ils ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont la conséquence d’une démission délibérée des gouvernements qui se succèdent au pouvoir depuis plusieurs décennies. Une démission que consacre le gouvernement actuel. Revue de ces mesures plus consternantes les unes que les autres.
Des délinquants libérés à foison
Les délinquants ne connaissent ni les lois ni le confinement. Pourtant, la ministre de la Justice a annoncé récemment la libération anticipée de plusieurs milliers de prisonniers. Selon les sources, de 5 000 à 8 000 détenus seraient concernés (1). Si cette mesure entraîne de nombreuses sorties de prison, les incarcérations de délinquants dangereux pour la société vont également fortement diminuer. Les juridictions ont en effet été invitées par le garde des Sceaux à « différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement » (2).
Pour résumer la situation de façon plus crue, de nombreux délinquants sont libérés plus tôt que prévu en dépit de leur dangerosité sociale. Ceux qui commettent les délits du quotidien qui pourrissent la vie resteront dans la nature. Parmi les prisonniers libérés par anticipation et dans la précipitation selon un syndicat pénitencier, près de 130 radicalisés islamistes bénéficieraient des largesses du garde des Sceaux (3). Chacun appréciera le sens des priorités du gouvernement, qui place très haut la santé des détenus. Quant à la sécurité des Français, qui pour beaucoup vivent également confinés à plusieurs dans des logements exigus, on en reparlera.
Les clandestins ne sont plus arrêtés ni expulsés
Alors que les Français sont reclus chez eux, l’incarcération des individus qui séjournent illégalement en France devient un tabou pour le gouvernement. Les centres de rétention administrative regroupant les clandestins avant leur éloignement du territoire ne sont plus occupés qu’à 10 % de leurs capacités (4). Plusieurs cours d’appel ont ordonné la libération de nombreux clandestins, sans que le procureur de la République introduise un pourvoi en cassation. Les juridictions d’appel motivent leurs jugements par la promiscuité dans les centres de rétention et l’absence de mesures d’éloignement à brève échéance (5). Ces centres ne risquent pas de se remplir de sitôt : en Île-de-France, plus aucune mise en rétention de clandestins n’est organisée (6). Mais, surtout, ne vous avisez pas de sortir sans votre attestation de déplacement dérogatoire car, en cas de récidive, vous risquez… la prison, selon la volonté de la ministre de la Justice.
Les travailleurs clandestins sont aidés
L’économie du pays est en sous-activité en raison du confinement. Le travail clandestin en est également affecté. Le travail dissimulé, qui constitue un manque à gagner considérable pour les finances publiques (impôts, cotisations non payées, etc.) méritait-il d’être soutenu dans la période ?
Le ministre de l’Intérieur a annoncé le 23 avril sur BFM TV le déblocage de 39 millions d’aide alimentaire « aux plus modestes ». Au micro de la chaîne de télévision, le ministre de l’Intérieur ne cachait pas que les bénéficiaires de ces aides seront notamment « ceux qui travaillent au noir » (7). La France, bonne mère, est généreuse même avec ceux qui piétinent ses lois.
Les demandes d’asile reprennent en dépit des restrictions de circulation
L’entrée sur le territoire est strictement réglementée depuis le début de la période de confinement. Les ressortissants étrangers extra-européens ne sont plus autorisés à entrer sur le territoire français que dans un nombre très limité de cas (8). Compte tenu tant de l’arrêt théorique des flux migratoires incontrôlés que des risques liés au contact avec le public, le traitement des demandes d’asile a été suspendu dans un certain nombre de préfectures. Il n’en fallait pas plus pour que des associations d’aide aux migrants engagent une action en justice en Île-de-France pour contraindre les pouvoirs publics à de nouveau enregistrer les demandes d’asile. Le tribunal administratif de Paris leur a donné raison. Réaliste, le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) constatait que « les personnes qui se tournent vers l’asile [le font] pour bénéficier d’une allocation à défaut d’autres revenus en temps de confinement » (9).
Résumons : les clandestins sont censés ne plus venir en France. Le traitement des demandes d’asile pourrait donc être suspendu compte tenu des restrictions de circulation. Mais les clandestins vont de nouveau être autorisés à déposer une demande d’asile afin de… bénéficier d’aides sociales. Douce France…
Les rassemblements autorisés pendant le ramadan ?
L’information a fait le tour des médias, au grand amusement des téléspectateurs d’I-Media : une messe publique à l’occasion de Pâques aurait été organisée en toute illégalité à l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris le 12 avril (10). Considérant l’urgence de la situation, une escouade de policiers armés faisait irruption dans l’église pour s’assurer qu’aucun regroupement n’y était organisé. Peine perdue, seul le prêtre et de rares personnes venues aider pour l’office étaient présents.
Le ramadan devrait se passer plus paisiblement à Marseille. La rupture nocturne du jeûne est un grand moment de convivialité. Dans un élan de tolérance qu’il convient de souligner, le préfet de police de Marseille reconnaît que « nous ne pourrons pas éviter que les gens se rendent visite les uns les autres dans une même barre d’immeuble » (11). Un message de sympathie à l’unisson du ministre de l’Intérieur qui a une « pensée pour nos compatriotes musulmans » à la veille du ramadan, alors qu’il n’a pas eu un mot pour les chrétiens et les juifs à l’occasion de Pâques (12).
Les émeutiers ne sont plus inquiétés dans les quartiers
Les informations sur le non-respect du confinement dans de nombreuses banlieues ont très rapidement et largement circulé (13). Plutôt que de reprendre les choses en main, c’est un message de laxisme qu’aurait tenu le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, en affirmant que le respect du confinement dans les quartiers n’était pas la priorité (14).
Pire, le 22 avril, un mois après ce premier message laxiste, c’est un nouvel appel à fermer les yeux et à ne pas faire de contrôles dans les banlieues chaudes qui est lancé aux policiers, selon une syndicaliste de la profession (15).
Le langage administratif n’empêche pas de comprendre le message qui est donné aux rares policiers qui patrouillent dans les quartiers : ne faites pas de contrôles, intervenez uniquement en cas de danger ou de risque de « propagation ». En d’autres termes moins châtiés, « foutez-leur la paix ».
Alors que le directeur général de la Santé fait chaque soir un décompte macabre du nombre de morts dues au coronavirus, le ministère de l’Intérieur communique à grand bruit sur le nombre de contrôles du respect du confinement et de verbalisations. Des contrôles et des verbalisations dont on comprend qu’une frange de la population est dispensée. Plus récemment, le 22 avril, ce sont les pompiers à qui l’on demande de « laisser brûler » dans les cités dès lors qu’il n’y a pas de danger de propagation (16). Dans le Calvados, le chef d’état-major de la direction départementale de la sécurité publique appelle à n’intervenir dans certains quartiers pendant le ramadan qu’en cas d’atteinte aux personnes ou atteinte grave aux biens (17). Si le fonctionnaire qui a donné cette consigne a fait l’objet d’un rapide rappel à l’ordre par le ministre de l’Intérieur, est-ce le fait qu’il ait donné cette consigne qui lui est vraiment reproché ou le fait qu’il l’ait écrite ?
Après l’accident d’un jeune à moto à Villeneuve-la-Garenne le 19 avril, près de 50 quartiers se sont embrasés plusieurs nuits d’affilée dans la France entière, dans l’indifférence médiatique générale. Des voyous s’en sont donné à cœur joie en organisant des guets-apens à l’encontre de policiers, en jetant des projectiles et parfois des armes chimiques et en incendiant mobilier urbain, commissariats et voitures de police et des habitants médusés. Des violences que le ministre de l’Intérieur ne qualifie pas d’« exceptionnelles » et qu’il explique notamment par « le confinement et sa dureté »… (18). Pourquoi se priver quand on jouit de l’apitoiement du premier flic de France ?
Ne rien laisser passer
Faisant le constat de l’augmentation des violences sexistes et sexuelles à l’encontre des personnes LGBT pendant le confinement, le gouvernement abreuve les réseaux sociaux de messages de fermeté. L’heure est au hashtag #nerienlaisserpasser. Cette fermeté est, on le voit, à géométrie variable.
Visiblement, le festival n’est pas terminé. D’autres perspectives réjouissantes sont en vue, en tout cas pour les intéressés, comme l’annulation du loyer de 4 000 foyers à Bobigny (Seine-Saint-Denis) et la demande de régularisation des clandestins signée par une centaine de députés, notamment « En marche ». (19).
La réalité saute aux yeux : le confinement et l’arrêt de l’économie sont les révélateurs des carences et du laxisme de nos gouvernants qui n’ont comme seul horizon que leur réélection et la paix sociale à tout prix. Nous en payons la note aujourd’hui, une note singulièrement élevée. Mais surtout, #nerienlaisserpasser…
Paul Tormenen
01/05/2020
(1) « Coronavirus : la libération de 7 000 détenus à terme suscite de vives inquiétudes ». Le Figaro. 2 avril 2020.
(2) « Circulaire relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie COVID-19 ». Ministère de la Justice. 14 mars 2020.
(3) « Belloubet libère 8 000 détenus, dont 130 radicalisés islamistes : + 20 % de criminalité à prévoir ». Sputniknews. 9 avril 2020 – « Coronavirus : on est en train de libérer beaucoup de détenus sans contrôle ». France Info. 3 avril 2020.
(4) « En Europe, l’asile en suspens, les flux migratoires à l’arrêt ». Le Monde. 18 avril 2020.
(5) « Les centres de rétention face au Covid-19, une bombe à retardement ». La Vie. 31 mars 2020 – « Centres de rétention : étrangers et policiers face au coronavirus ». Dalloz actualité. 19 mars 2020. Jugements de libération de clandestins des cours d’appel de Rouen, Bordeaux, Paris, Lyon.
(6) « L’État sommé de rétablir le guichet de l’asile, gelé depuis le début du confinement ». Le Figaro. 23 avril 2020.
(7) « Une aide pour ceux qui travaillent au noir qui représentent 2,5 millions de personnes d’après les estimations ». BFM TV. 23 avril 2020.
(8) « Instruction. Décisions prises pour lutter contre la diffusion du Covid-19 en matière de contrôle aux frontières ». Premier ministre. 18 mars 2020.
(9) Cf. note (6).
(10) « Paris. Messe de Pâques à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Une fake news du journal Le Point ? ». Breizh Info. 13 avril 2020.
(11) « Comment le ramadan va-t-il s’articuler avec le confinement ? ». Le Point. 18 avril 2020.
(12) Tweet de Christophe Castaner. 23 avril 2020. 7 h 13.
(13) « Banlieue/province : le confinement recouvre deux réalités différentes ». 28 mars 2020. « Coronavirus : les dealers à l’heure du confinement ». 10 avril 2020. Observatoire du journalisme (OJIM).
(14) « Un confinement allégé dans les banlieues pour éviter un embrasement selon Le Canard enchaîné ». Sputniknews. 25 mars 2020.
(15) Tweet de Linda Kebbab. « Contrôle du confinement, deux poids deux mesures ». 22 avril 2020. 1 h 55.
(16) Tweet de William Molinié. 22 avril 2020. 11 h 33.
(17) « Confinement : polémique après une note appelant les policiers du Calvados à la retenue pendant le ramadan ». Le Parisien. 24 avril 2020.
(18) Intervention du ministre de l’Intérieur sur BFM TV le 23 avril 2020.
(19) « Seine-Saint-Denis : la ville de Bobigny veut annuler le loyer de 4 000 foyers ». Le Parisien. 23 avril 2020. – « Coronavirus : des députés LREM se joignent à un appel à régulariser les sans-papiers ». Le Huffington Post. 3 avril 2020.
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : Image d’illustration / Voiture brûlant à Grenoble [Domaine public]