Aux prises avec un engagement de gel des droits de scolarité encombrant dans un contexte de financement restreint des universités, un comité du Parti québécois s'apprête à proposer une formule de report de la facture à la fin des études. Le «remboursement post-universitaire» (RPU) mérite d'être étudié pour améliorer l'accessibilité aux études supérieures. Mais n'oublions surtout pas d'en évaluer aussi les effets pervers potentiels.
Si l'on se fie aux premières informations publiées dans nos pages la semaine dernière, un régime de remboursement post-universitaire laisserait le choix à chaque étudiant de s'acquitter de ses droits de scolarité pendant ses études ou de les reporter au moment de gagner plus de 30 000 $ par année. En conséquence, les prêts et bourses seraient amputés d'un montant équivalent pour les 30 % d'étudiants qui y ont recours.
L'avantage d'un tel régime tient au fait que l'on espère attirer un plus grand nombre de jeunes à l'université. Surtout si l'offre vaut pour tous, y compris les 70 % d'étudiants qui ne reçoivent présentement aucun soutien, pas même de leurs parents.
Pour les universités, un tel régime permettrait d'augmenter les droits de scolarité sans être accusées de nuire à l'accessibilité, ce qui rendrait l'exercice beaucoup plus facile et automatique.
On comprend donc que l'idée paraisse séduisante aux dirigeants d'un parti qui a toujours beaucoup compté sur la jeunesse, mais qui ne peut plus lui promettre le gel perpétuel des droits. Les universités sont affamées, et les droits sont les plus bas au pays. Maintenant qu'ils ont été dégelés par le gouvernement Charest, personne ne veut commettre l'erreur d'un retour en arrière.
Voilà donc quelques-unes des bonnes raisons qui incitent à étudier cette formule.
Cela dit, la proposition comporte aussi son lot d'effets pervers potentiels. D'abord, le fait qu'elle soit offerte à la totalité des étudiants dont une vaste majorité a la capacité de payer immédiatement. À 20-22 ans, l'avenir est un concept infini: remettre à plus tard pour profiter de la vie aujourd'hui peut facilement devenir la norme si l'on vous en donne la possibilité. Pour l'État, cela équivaut à distribuer une carte de crédit à chaque étudiant qui s'inscrit à l'université. Le système de prêts existant comporte aussi cet inconvénient, inévitable pour qui a besoin de cet argent: faut-il l'étendre à tous pour autant?
Il a été démontré que les étudiants qui travaillent au cours de l'été et une quinzaine d'heures par semaine pendant l'année scolaire réussissent mieux que les autres. Pour quelle raison une partie de cet argent ne serait-elle pas investie au fur et à mesure dans le capital études?
Quant aux parents, dont bon nombre rechignent déjà à contribuer aux études de leurs jeunes adultes, reporter la facture en déresponsabiliserait un nombre encore plus élevé.
En général, nos jeunes manquent d'argent pour satisfaire leur appétit immédiat de vivre, de voyager, de s'amuser et de consommer, on le comprend aisément. Mais, pour la plupart, ils ne manquent pas d'argent pour étudier. Les emplois sont nombreux, et le régime de prêts et bourses répond aux besoins essentiels de ceux qui en ont besoin. Pourquoi ajouter une carte de crédit-études universelle dont les frais seraient assumés par les contribuables qui prennent déjà à leur charge 85 % des dépenses des universités?
Redisons-le: le RPU mérite d'être analysé. Mais sans précipitation, car le régime actuel, tout imparfait qu'il soit, répond déjà aux besoins essentiels de ces 30 % de jeunes pour qui l'argent est le principal obstacle à la poursuite d'études supérieures. Si l'objectif non avoué est d'augmenter les droits de scolarité, le détour ne vaut pas la peine: les Québécois savent déjà que l'on n'y coupera pas!
j-rsansfacon@ledevoir.com
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