Pauline Marois, pas assez « hommasse » ?

Tribune libre

Le jour même où Jeannette Bertrand faisait sa sortie sur les déboires de Pauline Marois, les imputant au fait qu’elle soit une femme, Claude Pinard, député péquiste de Saint-Maurice, se mettait les pieds dans les plats en affirmant que le Québec n’était pas prêt à en élire une. Le fait d’être une femme était un handicap pour son parti, selon lui. Inutile de préciser que le coloré vétéran mauricien allait déguster une volée de bois vert dès le lendemain de sa trop grande franchise. Noëlla Champagne, députée de Champlain, non moins flamboyante, invoquant à juste titre l’indiscipline légendaire du PQ, y allait du constat suivant : « Pauline Marois va fêter ses 25 ans de vie politique active. Tu n'atteins pas ces niveaux-là si tu te sens diminuée parce que tu es une femme.» En clair, le problème est ailleurs…
Du point de vue de Mme Bertrand, le fait de voter pour Marois en raison de son sexe devrait l’emporter sur toute autre considération : « On devrait se dire que, comme femme, on va l’appuyer en tant que femme, et ce, au-delà des partis. Les femmes qui sont au pouvoir dans les autres pays sont des femmes beaucoup plus « hommasses ». Ce sont des femmes qui ont pris l’apparence et parfois même la façon de faire des hommes. Là ça marche. Mais si tu veux régner à ta façon de femme, c’est ça qui ne passe pas. » En clair, au nom de la lutte à la misogynie, on devrait voter pour Mme Marois en fonction de son sexe, sans tenir compte des compétences d’un adversaire de sexe masculin, même éventuellement plus qualifié. Troquons un sexisme, périmé, pour un autre, au goût du jour !
En 2007, le gouvernement Charest a instauré une cosmétique parité homme femme à son conseil des ministres à partir d’une députation à 25 % féminine sans que les affaires de l’État ne s’en soient améliorées. Lise Payette, ancienne ministre péquiste à la Condition féminine devenue chroniqueuse, tenait ces propos, au lendemain de l’annonce de cette mesure : « J’ai écrit que « les femmes travaillaient plus et mieux que les hommes ». J’ai failli me faire crucifier à cause de cette phrase. Je la maintiens pourtant. Les femmes ont-elles le choix ? Elles ne peuvent pas dormir sur leurs lauriers car elles doivent constamment prouver qu’elles méritent le poste qu’on leur a confié. Elles travaillent toujours plus et mieux. » Je serais curieux de savoir ce que pense de la performance ministérielle féminine, quatre ans plus tard, celle qui a côtoyé les flemmards René Lévesque, Jacques Parizeau, Denis Lazure, Camille Laurin, Claude Charron, Jean Garon et Gérald Godin ? Pas de doute que Mme Payette devait travailler plus et mieux que ces branleurs.
Comme le soulignait par ailleurs J-Jacques Samson le 4 novembre dans le Journal de Québec : « L’argument selon lequel Pauline Marois subit un tel sort parce qu’elle est une femme me fait bien rire. Des trois députés qui l’ont poignardée en juin, deux étaient des femmes : Louise Beaudouin et Lisette Lapointe. Quand Mme Marois a accédé au poste de chef, la députée Diane Lemieux (…) alors leader parlementaire de son parti à l’assemblée nationale, a démissionné avec fracas. » Elles auraient dû demander conseil à Mme Bertrand…
Psychodrame victimaire
Il y a plus d'une raison qui font que Pauline Marois en arrache présentement et le fait d'être une femme n'en fait probablement pas partie. Après tout, n’a-t-elle pas trôné un certain temps dans les intentions de vote, été accueillie comme la sauveure du PQ en 2007, contribué à recueillir 35 % des votes aux élections de 2008 ? Était-elle moins féminine, plus hommasse, dirait Mme Bertrand ? On invoque souvent sa fortune, comme si elle avait été la seule à qui on lui en avait adressé le reproche. Et Pierre Trudeau et Jacques Parizeau ? Ne pourrait-on pas enfin envisager l’hypothèse que Pauline Marois partage le même atavisme que les Stéphane Dion ou Michael Ignatieff, des hommes doués pour jouer les éminences grises mais dénués du plus élémentaire charisme comme chefs de parti ?
Pas de doute, le problème est ailleurs. Le timing pour une nouvelle démarche référendaire est désastreux. L'aile radicale du PQ s'entête à se mettre la tête dans le sable – ou sur le billot - et à faire comme si la victoire était à portée de main, ou qu'il fallait la jouer au quitte ou double. Grossière erreur, qui contribuera à abonner le PQ au même club de golf que le pratiquement défunt Bloc québécois. Remplacez Marois par Gilles Duceppe et vous vous retrouverez avant longtemps dans un cul-de-sac identique.
Quand René Lévesque s'est fait montrer la porte de la façon la plus disgracieuse du parti qu'il avait fondé pour avoir voulu prendre le beau risque du retour dans la confédération, était-ce parce qu'il était un homme ? Quand Pierre-Marc Johnson a connu un sort presque similaire avec son concept d'affirmation nationale, était-ce parce qu'il était un homme ? Quand Jacques Parizeau a été éreinté par les médias au lendemain du référendum de 1995 pour avoir identifié le vote ethnique et l'argent comme raisons de l'échec référendaire, était-ce parce qu'il était un homme ?
Quand Lucien Bouchard, même à l'heure actuelle, se fait rappeler sa « trahison » envers Brian Mulroney, est-ce parce qu'il est un homme ? Pourtant, quand Belinda Stronach s'est fait insulter pour avoir quitté le parti conservateur en vue d’un poste de ministre offert par Paul Martin, des vierges offensées ont aussitôt entonné l'hymne à la discrimination envers les femmes. Ses motivations étaient pourtant nettement plus opportunistes que celles de Bouchard, qu’on aime le personnage ou pas. Mais aujourd’hui, qui se rappelle de Stronach ?
Lise Thériault, l’indomptable
S’il est un nom qui circule présentement quand on pense à une femme à la tête d’un gouvernement québécois, c’est sans aucun doute celui de Lise Thériault, l’actuelle ministre du Travail qui tient tête aux fiers à bras qui s’opposent à son projet de loi 33 qui mettrait un frein au placement syndical. Malgré les menaces de se faire casser les jambes, les refus « spontanés » de rentrer travailler de la part de syndiqués, les tentatives d’intimidation sur différents chantiers et la fermeture des réserves d’oxygène à deux scaphandriers à l’œuvre à Trois-Rivières, la ministre ne baisse pas pavillon : malgré quelques amendements envisagés, c’est la fin du placement syndical, point barre.
L’attitude de Mme Thériault contraste singulièrement d’avec son passage sans éclat à l’Immigration. Par sa résolution devant des pratiques syndicales d’une époque révolue auxquelles aucun de ses prédécesseurs n’a osé mettre un terme, l’actuelle ministre est en train de se construire un important capital de sympathie et de crédibilité auprès du public. Avec un parti au plus mal dans l’œil du public, menacé par l’effet Legault et fortement hypothéqué par un chef auquel presque plus personne ne fait confiance, Lise Thériault pourrait devenir pour le PLQ l’as dans la manche pour lequel le PQ prend cette fois Gilles Duceppe, devant son avenir incertain. Ce n’est pas en faisant courbettes et compromis que Mme Thériault pourrait bien gagner le cœur des électeurs, mais en continuant d’agir avec cette calme et inflexible fermeté qui semble la caractériser jusqu’ici. Qui sait, Mme Bertrand, c’est peut-être ça, qui manque à votre protégée : un soupçon d’« hommasserie »…


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7 commentaires

  • Olivier Kaestlé Répondre

    6 novembre 2011

    Je veux bien, qu'une personne ne disposant pas de la garde rapprochée de Mme Thériault fasse preuve d'encore plus de courage. Il faut tout de même en reconnaître un tant soit peu à la ministre. Elle ne restera certainement pas toujours en politique et certaines rancoeurs pourraient durer bien au delà de la vie publique.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    5 novembre 2011

    «Malgré les menaces de se faire casser les jambes...».
    Enfin, comprenons-nous bien; Mme Thériault est ministre, et protégée par je ne saurais dire combien de policires, ne plus sans doute de garde du corps privés. Je présume qu'elle comprend bien que les gros fiers à bras syndicaux ne l'approcheront pas, physiquement, en pratique.
    Le courage, le vrai, c'est de dignement faire face aux gros bras (pas seulement syndicaux), quand tu ne dispose pas de ce genre de ressources, avec un tel système de sécurité tout autour de toi.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    5 novembre 2011

    Précision : je parlais d'hommes comme de femmes, en politique, bien sûr.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    5 novembre 2011

    Ainsi que je l'ai précédemment indiqué à M Rancourt, je ne faisais que constater les commentaires relatés dans certains quotidiens, qui envisageaient Mme Thériault dans ce rôle, rien de plus. L'avenir dira si cette ministre sera première ministrable ou pas. Après tout, Jean Charest, malgré tous les travers qu'on lui connaît, a bien réussi à se faire élire trois fois de suite,non ? Tout dépend de ce que vous entendez par premier-ministrable, en bout de ligne : une personne qui peut réellement assumer les fonctions que ce titre implique, ou quelqu'un qui en donne l'impression.
    Pour ce qui est des femmes, comme des hommes en ce moment d'ailleurs, je reste assez mitigé, pour ne pas dire désabusé.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 novembre 2011

    Il est ridicule de voir en la Ministre Thériault une possible successeure à Charest. Ce n'est pas parce qu'elle a brillé ne serait-ce qu'une fois que cela la rend "première-ministrable". Décidément, les médias ont beaucoup d'influence sur vous. Dans le gouvernement actuel, si l'on regarde les femmes, certaines ont démontré depuis des années qu'elles avaient peut-être le tempérament et les capacités de le devenir, soit Mesdames Courchesne et Beauchamp. Cependant, on ne sait guère ce qu'elles pourraient proposer d'intéressant pour la population.
    Du côté de l'opposition, je crois que Mme Marois en a les qualités, mais ce qu'elle propose à la population ne suscite aucun enthousiasme. Les autres femmes de son parti ne peuvent rien proposer de plus qu'elle, ce qui les relègue loin derrière dans l'obscurité. Toutefois, je trouve personnellement que la critique en matière de justice, Véronique Hivon, fait un excellent boulot. De là à la rendre "première-ministrable"... il y a un pas que je ne saurais franchir. Il faudrait voir de quoi elle est capable au pouvoir.

  • Olivier Kaestlé Répondre

    5 novembre 2011

    Votre point de vue est plausible, M Rancourt, mais vous reconnaîtrez qu'il faut faire preuve d'une certaine dose de sang froid pour affronter la grogne syndicale dans le contexte actuel. Les risques pour la sécurité personnelle de Mme Thériault sont là et pourraient éventuellement le rester longtemps, même si elle ne devait pas se représenter après un autre mandat.
    Un autre risque qui guette cette femme, après le départ de Mme Normandeau, soit que, bien que Mme Beauchamp, au capital polititque incertain, soit vice-première ministre, elle succède à la ministre démissionnaire dans le rôle ingrat de groupie inconditionnelle de son chef. Je ne sais ce qui est le pire : Charest ou les syndicats dominants de la construction ?
    Pour ce qui est d'envisager Mme Thériault comme première ministre, je ne faisais que rapporter une hypothèse émise dans certains journaux. À mon sens, il reste du chemin à faire à cette dame avant de convaincre véritablement. Il est vrai qu'au Québec, on change de sauveur comme de chemise. Il suffit de demander à Duceppe et Legault...

  • Yves Rancourt Répondre

    5 novembre 2011

    Il ne faut quand même pas être naïf. Si madame Thériault a adopté ce nouveau style de femme déterminée et brave, c'est uniquement parce que son patron, le Premier ministre, lui a demandé de parler plus fort que d'habitude pour attirer l'attention des médias, de telle sorte que ces mêmes médias cessent de parler de corruption et de la fameuse commission d'enquête. De la pure diversion, tout comme Fournier à Ottawa cette semaine. Et sur ce point, on peut dire mission accomplie pour madame Thériault et monsieur Fournier.
    Si vous voulez croire que cette femme, jusques-là à peu près invisible, a de la graine de Premier ministre, eh bien libre à vous de le croire, moi je ne partage pas du tout votre point de vue.
    Mes salutations