Pas de PPP pour les mégahôpitaux et Turcot

CHUM



Ordre des ingénieurs du Québec considère que le partenariat public-privé (PPP) est un mode de réalisation inadéquat pour des projets complexes et comportant des inconnus comme les hôpitaux universitaires CHUM et CUSM, de même que pour un autre projet majeur que nous devons entreprendre au plus tôt: la reconstruction du complexe d'échangeurs Turcot.
Projets apparemment très différents, les hôpitaux universitaires et le complexe Turcot ont pourtant quelques éléments en commun. Ce sont des projets qui sont réalisés dans des environnements dynamiques, sujets à bon nombre de changements et d'adaptations en cours de conception et de réalisation, et qui comportent un risque élevé d'imprévus.
Ces caractéristiques les rendent incompatibles avec le mode de réalisation PPP, une formule rigide dans laquelle tous les détails de réalisation et tous les risques doivent être fixés d'avance.
Des milliards de dollars
Le choix de la formule PPP pour de tels projets est d'autant plus difficile à justifier que le contexte économique n'y est plus favorable. L'objectif d'un PPP est de transférer le maximum de risques financiers au partenaire privé. Ce n'est plus possible, puisque le gouvernement devra vraisemblablement, comme il l'a fait dans le cas de la salle de concert de l'OSM, fournir une grande partie du financement et qu'il participera de ce fait aux risques financiers.
Dans un contexte économique difficile, on doit également s'attendre à ce que le gouvernement entreprenne des projets structurants pour notre économie. Sous leur forme actuelle, ces PPP totalisant plusieurs milliards de dollars en fonds publics ne sont pas conçus de façon à ce que le Québec recueille le maximum de retombées, que ce soit en matière d'emploi, d'activité économique ou d'expertise technologique.
Dans le passé, la réalisation de grands projets, notamment dans le domaine hydroélectrique, a pourtant permis de former une relève et de développer une expertise sur la base de laquelle le Québec a largement rayonné dans le monde.
Le complexe Turcot: fausse route!
Principale plaque tournante de la circulation autoroutière dans la région de Montréal, le complexe Turcot doit être rapidement refait à neuf. Ce mégaprojet de quatre échangeurs et de voies rapides doit répondre aux besoins de transport des usagers et s'intégrer au mieux au coeur d'un environnement urbain fortement dégradé.
Nous avons au Québec toute l'expertise nécessaire, que ce soit en conception, en réalisation ou en gestion, pour mener à bien ce projet. Sa réalisation repose sur une logistique extrêmement délicate, puisqu'il faudra construire le nouvel ouvrage en maintenant les structures actuelles en service, puis les démolir, en minimisant les impacts sur la circulation autoroutière et les nuisances pour les résidants des quartiers riverains. Un défi à la mesure de nos ingénieurs.
À cela, il faut ajouter que le temps presse. L'ouvrage actuel est au terme de sa vie utile. On le maintient en service à grands frais, mais pour combien de temps? La logique et la prudence imposent d'entreprendre les travaux de conception et de construction au plus tôt, ce qui est compatible avec une bonne gestion et un contrôle serré des coûts, mais c'est impossible avec le mode PPP, où tout le projet doit être figé avant d'aller en appel d'offres auprès de partenaires privés, qui finaliseront la conception, établiront le financement et proposeront un concept avant de commencer à construire. Ce qui prendrait des années.
Hôpitaux en PPP
Plus on avance dans le temps, plus on se rend compte que des projets comme ceux du CHUM et du CUSM doivent être assez souples pour répondre en temps réel à l'évolution rapide de la médecine de pointe dans les prochaines décennies, tout comme à l'évolution des besoins de la population.
S'ajoute à cela, pour ce qui est du CHUM, la complexité de devoir travailler sur un hôpital existant, avec tout ce que ça peut comporter d'imprévus, au point que l'équipe du CHUM préfère carrément détruire l'hôpital Saint-Luc pour reconstruire à neuf!
Rendons-nous à l'évidence: le complexe Turcot et les hôpitaux universitaires sont des projets qui exigent trop de souplesse et trop d'adaptation pour être entrepris en PPP. Il est temps que Québec se rende à l'évidence et revienne à des modes traditionnels pour la réalisation de ces projets, de façon à ce qu'ils profitent pleinement à la société québécoise d'aujourd'hui et de demain.
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Zaki Ghavitian, Président de l'Ordre des ingénieurs du Québec


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