LIBRE OPINION

Pas de démocratie sociale en dehors du cadre national

Le résultat du référendum sur le Brexit met en lumière les limites du modèle de l’Union européenne

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La solution n'est pas plus d'Europe, mais moins d'Europe

À la surprise des classes supérieures du monde entier, le peuple britannique a tranché : il préfère sa démocratie et ses services publics à l’ordolibéralisme européen. En réaction, des europhiles du continent souhaitent pousser la construction européenne encore plus loin et, prétendent-ils, la rendre plus démocratique et plus sociale. Or, s’il y a bien une leçon à retenir du référendum sur le Brexit, c’est que les Britanniques ont senti le besoin de reprendre le contrôle de leur pays, parce qu’en dehors du cadre national il ne peut y avoir de démocratie et encore moins de démocratie sociale.

Pas de démocratie en dehors du cadre national


Les constructeurs de l’Union européenne ont cru qu’il suffisait de créer des institutions — démocratiques en apparence, comme le Parlement européen — pour créer une démocratie européenne. C’était un peu court, car la démocratie ne se résume pas à l’élection de représentants. Une véritable démocratie suppose qu’il existe un débat citoyen et une opinion publique dont le Parlement est la caisse de résonance. Pour qu’il y ait un tel débat et une telle opinion, il doit y avoir des journaux, des revues, des lignes ouvertes, bref, des médias de masse communs les accueillant. À l’échelle du Royaume-Uni, comme à celle de tous les États-nations, il existe de semblables médias. Ils sont possibles parce qu’à cette échelle il y a une langue et une culture communes permettant aux citoyens de diverses origines de s’exprimer, de se comprendre et de dégager leur intérêt commun. L’État-nation étant basé sur la coïncidence entre espace politique et espace de convergence culturelle, avec ses composantes, il est la seule entité pouvant être véritablement démocratique.

À l’inverse, l’Union européenne étant supranationale, elle n’est pas et ne pourra jamais être une vraie démocratie. Parce qu’il n’y a pas une langue et une culture européennes communes, il n’y a pas de médias de masse communs permettant l’émergence d’un débat citoyen et d’une opinion publique européenne. Ce qu’il y a à Bruxelles, ce sont des lobbys qui défendent leurs intérêts particuliers et des membres des classes supérieures qui débattent entre eux dans leur intérêt.

Dans ce contexte, la solution aux problèmes des peuples européens n’est pas plus d’Europe, mais moins d’Europe, puisqu’elle éloigne d’eux le pouvoir et le met entre les mains d’une élite déconnectée. Et cela est vrai autant du point de vue de la démocratie tout court que de la démocratie sociale.

Pas de démocratie sociale en dehors du cadre national


Dans sa volonté de dépasser le cadre politique ayant permis l’émergence de la démocratie sociale, basée sur un compromis entre le capital et le travail, l’Union européenne a mis en avant le principe de la libre circulation des biens, des services et des personnes. En permettant ainsi aux multinationales de délocaliser leurs productions vers des pays où la main-d’oeuvre est meilleur marché, sans perdre l’accès au marché national, ou de faire venir de la main-d’oeuvre bon marché au pays, l’Union européenne a rendu superflu ce compromis du point de vue du capital, affaiblissant du coup la démocratie sociale.

Devant cet état de fait, les europhiles de gauche prétendent pouvoir rebâtir la démocratie sociale à l’échelle européenne. Cela est impossible. Cette forme de démocratie suppose que face aux forces du grand capital il y ait des contrepoids, dont une opinion publique et un peuple. Souvent, lorsqu’un gouvernement national tente d’imposer une réforme néolibérale, il se bute à une opinion publique réfractaire et parfois même à un peuple qui peut descendre dans la rue pour ainsi bloquer cette réforme. Une telle mobilisation est impossible à l’échelle de l’Union européenne en raison de l’immensité de son territoire et de l’absence d’une opinion publique… et d’un peuple européen.
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Guillaume Rousseau35 articles

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L'auteur, qui est candidat au doctorat en droit à l'Université de Sherbrooke, a étudié le droit européen à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV. Actuellement, doctorant à l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne





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