Philippe Couillard a été couronné chef du Parti libéral du Québec depuis à peine deux semaines que voilà ce parti qui prend la tête dans les intentions de vote des Québécois. Les militants libéraux peuvent se réjouir, mais ils doivent le faire avec retenue. Tout reste à faire.
L'arrivée de l’ancien ministre de la Santé à la direction de son parti ne saurait garantir une victoire libérale aux prochaines élections. Pas plus qu’une hirondelle ne fait le printemps. La progression de son parti dans les sondages est somme toute symbolique. Quatre points d’avance sur le Parti québécois ne constituent pas un avantage déterminant, d’autant que le Parti québécois détient une solide avance dans l’électorat francophone. Une élection aurait lieu demain qu’il n’y aurait pas de véritable gagnant.
Chose certaine, Philippe Couillard n’a pas sur les électeurs le même effet que Justin Trudeau semble avoir auprès de l’électorat canadien. Celui-ci démarquera véritablement le Parti libéral du Canada s’il en devient le chef le 14 avril prochain. Le sondage Léger dont nous publions des résultats ce samedi montre que ce jeune politicien l’emporterait facilement contre le premier ministre Stephen Harper et pourrait même espérer former un gouvernement majoritaire. On ne voit évidemment aucune frénésie à la Trudeau autour de l’ancien ministre de la Santé de Jean Charest. Et c’est tant mieux. Philippe Couillard sera ainsi tenu à se consacrer au travail de fond qu’exige la reconstruction de son parti.
Pour espérer gagner la prochaine élection, Philippe Couillard se doit de redonner à son parti des assises solides au sein de l’électorat francophone, où il n’a plus que 24 % d’appui. Historiquement, le Parti libéral et le Parti québécois se partageaient le vote des francophones, ce qui leur permettait d’alterner au pouvoir. Le moment venu, le discours libéral savait toujours se faire nationaliste, un réflexe qu’il a perdu. Depuis le départ de son aile nationale en 1992 dans la foulée de l’échec de l’Accord du lac Meech, il s’est campé davantage dans le camp fédéraliste. Il n’est plus à la recherche d’une troisième voie, démarche qui autrefois lui ralliait les nationalistes non souverainistes.
Tout cela, le nouveau chef libéral le sait bien. Ce n’est pas sans raison qu’il a proposé de rouvrir le débat constitutionnel pour que le Québec puisse enfin signer la Constitution dont il a été exclu en 1982. Sa proposition a été accueillie dans l’indifférence, certains de ses adversaires à la chefferie lui faisant même valoir qu’il rêvait en couleur. Il est vrai, comme le montre le sondage Léger, que les Québécois ont actuellement bien peu d’appétit pour des débats constitutionnels, qu’il s’agisse de débattre de la spécificité québécoise ou de souveraineté. Néanmoins, cette constitution qui n’est pas signée demeure un problème qu’il faudra aborder un jour. À force de dire que le fruit constitutionnel n’est pas mûr, Jean Charest l’a laissé pourrir. Philippe Couillard ne devrait pas écouter ceux qui l’invitent à suivre l’exemple de son prédécesseur.
Le jour n’est pas loin où le nouveau chef libéral devra de toute façon définir sa position sur l’avenir politique du Québec. Le Parti québécois abordera de front la question de la souveraineté lors de la prochaine élection. Il faudra bien alors que les libéraux aient une contre-proposition. Ce pourrait être bien sûr le statu quo constitutionnel que favorisent les fédéralistes inconditionnels qui forment l’électorat actuel du Parti libéral. Mais ce n’est pas ainsi qu’il pourra élargir ses appuis chez les francophones. Sur cette question, mais aussi sur bien d’autres, Philippe Couillard aura à se révéler. Entraînera-t-il son parti sur la voie du renouveau ? Compte tenu de sa riche histoire, ce parti mérite mieux que s’enfermer dans un statu quo stérile.
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