Ottawa dépose vendredi une plainte à l'OMC concernant les tarifs américains

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Le canari canadien contre l'aigle américain

Le Canada a officiellement porté plainte vendredi auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour contester l'imposition de tarifs douaniers américains sur ses exportations d'acier et d'aluminium.


La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, avait signalé que le dépôt d'une demande de consultations était imminent, vendredi midi, soit quelques heures après que les taxes punitives furent entrées en vigueur.


"Aujourd'hui, nous allons contester ces mesures illégales à l'OMC et dans le cadre de l'ALÉNA (l'Accord de libre-échange nord-américain)", a-t-elle indiqué pendant la période de questions en Chambre, confirmant qu'Ottawa passait de la parole de la veille aux actes.


Le gouvernement a annoncé jeudi qu'il imposerait des surtaxes dont le montant pourrait atteindre 16,6 milliards $ sur une myriade de produits américains. Ces mesures prendront effet le 1er juillet 2018 et resteront en vigueur tant que Washington n'aura pas éliminé ses tarifs.


Dans la demande de consultations envoyée au camp américain et à l'OMC, le représentant du Canada auprès de l'organisation basée à Genève, Stephen de Boer, plaide qu'en imposant ces tarifs, les États-Unis violent les traités commerciaux internationaux dont ils sont signataires, et que l'argument de la sécurité nationale invoqué par Washington ne tient pas la route.


Le gouvernement canadien a également déposé vendredi une plainte en vertu de l'article 20 de l'ALÉNA, qui concerne les différends commerciaux de l'entente tripartite entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, a indiqué l'attaché de presse de la ministre, Adam Austen.


Ce nouveau conflit canado-américain, qui vient s'ajouter à l'épineux litige sur le bois d'oeuvre et aux tensions commerciales liées à la renégociation de l'ALÉNA, a dominé la période des questions aux Communes, vendredi.


La diplomate en chef du Canada a passé une bonne partie de la séance à se faire demander des détails sur les prochains gestes que comptait poser le gouvernement _ le premier geste, celui de riposter


à Donald Trump, a été endossé par les deux chefs de l'opposition, jeudi.


Elle n'a cependant pas offert de réponse claire aux députés de l'opposition qui tentaient de savoir si le gouvernement comptait déployer un plan d'aide pour les travailleurs de l'acier et de l'aluminium qui seront affectés.


"Est-ce que le gouvernement compte annoncer un programme pour protéger les travailleurs qui seront touchés, par exemple en offrant des subventions, des prêts ou des garanties d'emprunt?", l'a interrogée le néo-démocrate Alexandre Boulerice.


La ministre a offert, en guise de réponse, que le gouvernement Trudeau serait aux côtés des travailleurs canadiens et que les syndicats canadiens "soutiennent pleinement les mesures de rétorsion du Canada".


"J'adore le Canada!"


Lorsqu'il a annoncé les mesures de rétorsion, le premier ministre Justin Trudeau a déploré que l'administration Trump réserve ce traitement au Canada, qui "a été le partenaire le plus solide des États-Unis" au cours des 150 dernières années.


"Je veux être très clair sur un point: les Américains demeurent nos partenaires, nos amis et nos alliés. Le peuple américain ne fait pas l'objet de l'annonce d'aujourd'hui. Nous devons croire qu'éventuellement le bon sens triomphera", a-t-il dit jeudi à Ottawa.


Vendredi, le président américain Donald Trump a dit que oui, les pays comme le Canada qui sont affectés par les taxes punitives étaient des alliés _ mais des alliés qui se rient de Washington sur le plan économique.


"Ils sont nos alliés, mais ils profitent de nous économiquement! Alors je suis d'accord; j'adore le Canada! J'adore le Mexique! Je les adore!", a-t-il lâché à l'occasion d'un point de presse à la Maison-Blanche.


Quelques heures auparavant, sur Twitter, le président Trump consacrait l'un de ses gazouillis matinaux à la contre-attaque tarifaire canadienne.


"Le Canada a très mal traité notre industrie agricole et nos fermiers pendant très longtemps. Très restrictif sur le commerce! Ils doivent ouvrir leurs marchés et faire tomber leurs barrières commerciales! Ils ont un excédent commercial vraiment élevé avec nous", a-t-il écrit.


L'UE à l'OMC


En plus du Canada, les taxes douanières américaines sur l'acier et l'aluminium décrétées jeudi touchent le Mexique et l'Union européenne (UE).


L'UE a d'ailleurs elle aussi officiellement déposé, vendredi, sa propre demande de consultations auprès de l'OMC.


La commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmstr?m, a affirmé que la décision américaine constituait un "affaiblissement supplémentaire des relations transatlantiques".


Elle a balayé du revers de la main l'argument de la sécurité nationale que brandit Washington pour justifier l'imposition de ces taxes punitives.


"La sécurité intérieure n'a rien à y voir. C'est du pur protectionnisme", a-t-elle tranché.


Processus de règlement des différends


La demande de consultations constitue le point de départ formel de la procédure de règlement des différends à l'OMC.


Si les parties ne parviennent pas à une entente au bout de 60 jours, le plaignant peut demander la constitution d'un groupe spécial d'arbitrage.


Ce panel dispose d'un maximum de six mois pour rendre une décision, laquelle peut ensuite être portée en appel.