Ottawa a-t-il les moyens de surveiller TOUS les Canadiens?

545a00085a8390e9b1d116761a30a27d

En raison de notre utilisation d'internet, les services de renseignement savent tout sur nous


Dans son nouveau livre, Dark Mirror, le journaliste d'investigation Barton Gellman révèle l’effrayante étendue du programme de surveillance électronique de la NSA, beaucoup plus intrusif qu'on pouvait l’imaginer.


Gellman avait révélé dans le Washington Post, en 2013, l’existence d’un programme de surveillance téléphonique des États-Unis de la National Security Agency, alors que son mandat l’interdisait. Sa source était Edward Snowden, un collaborateur déçu et mécontent de l’agence, qui lui avait remis des milliers de documents secrets. Dans son livre, Gellman montre comment le programme de surveillance «Mainway» a permis à la NSA de stocker des milliards d'enregistrements téléphoniques PAR JOUR pendant des années, pour les intégrer à une immense base de données. Grâce au concept de «chaînage des contacts», cette base de données a été fusionnée avec les données numériques que la NSA accumule à partir de tout ce que les individus mettent en ligne: courriels, médias sociaux (Twitter, Facebook, etc.). Donc toutes les informations numériques disponibles sur une personne, souvent générées par elle-même ou ses proches.


À partir de ces milliers de milliards de renseignements, «Mainway» a la capacité de générer un schéma précis, constamment mis à jour, 24/24, 7/7, de la vie professionnelle et personnelle d’un individu, incluant son profil psychologique, pour en construire un portrait social comprenant toutes sortes de secrets sociaux, médicaux, politiques ou professionnels.


Bien que la NSA insiste sur le fait que la base de données n'est utilisée que pour enquêter sur les terroristes, Gellman s'inquiète de la facilité avec laquelle elle pourrait être utilisée à d’autres fins. Le problème, avec les gouvernements, comme il l’écrit, est que: «Les règles peuvent être contournées ou réécrites, avec ou sans préavis, avec ou sans intention malveillante, de quelques degrés à la fois ou de plusieurs.»


Selon Gellman, «Mainway» était une mise en œuvre du programme «Stellarwind» désigné ECI, «informations exceptionnellement contrôlées», la classification extrême des secrets d’État américains. Seuls 22 hauts fonctionnaires sont autorisés à ordonner la création d’une chaîne de contacts «Mainway» et y ont accès.


Le juriste Paul Ohm, cité par Gellman, souligne: «Presque n'importe qui dans le monde développé peut être lié à au moins un fait dans une base de données informatique qu'un adversaire pourrait utiliser pour le chantage, la discrimination, le harcèlement, le vol d'argent ou d'identité.» Des révélations trouvées en ligne à propos de «conduite passée, de santé ou de honte familiale», par exemple, pourraient coûter à une personne son mariage, sa carrière, sa résidence légale ou sa sécurité physique.


En octobre 1994, j’ai sorti un scoop au Téléjournal de la SRC, sur le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), le service d’écoute électronique du gouvernement canadien. J’y révélais que l’organe ultrasecret avait constitué des milliers de dossiers sur des citoyens canadiens, dont plusieurs personnalités politiques québécoises. J’avais obtenu des informations selon lesquelles une banque de données du CST, MDN/P-PU-040, contenait des informations personnelles sur René Lévesque, Jacques Parizeau et Louise Beaudoin. 


Lucien Bouchard, alors chef du Bloc québécois et de l’opposition officielle aux Communes, avait réclamé une commission d’enquête sur les activités du CST. Le gouvernement Chrétien avait fini par créer un poste de commissaire au CST pour s’assurer que le CST n’outrepassait pas son mandat. À l’époque, faute de moyens informatiques suffisants, le CST n’avait sans doute pas la possibilité de mener des opérations massives d’interception des communications intérieures canadiennes.


Aujourd’hui, avec «Mainway», ce n’est plus le cas. D’ailleurs, ses mises à niveau qui intègrent l'intelligence artificielle vont démultiplier sa puissance.


De temps en temps, on apprend d’ailleurs que le CST espionne «par inadvertance» des citoyens canadiens ou enfreint les lois sur la protection de la vie privée. Étroitement lié à la NSA au sein du réseau de surveillance électronique mondial «Five Eyes», il est donc peu probable que le CST n’ait pas la capacité de scruter en profondeur la vie de TOUS les Canadiens avec un programme de type «Mainway» si jamais la «sécurité nationale» l’exigeait.




-->