Nos anglos : la minorité qui n'en était pas une

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Seule l’indépendance peut dissiper la confusion du statut linguistique


Il nous arrive de nous laisser piéger collectivement par des mots. Ils s’imposent dans le vocabulaire alors qu’ils déforment la réalité sans qu’on s’en rende compte.


Le cas de la « minorité anglophone » du Québec en est un bon exemple.


Comment en sommes-nous venus à croire que cette communauté est « minoritaire » ?


Un peu d’histoire : avec la Révolution tranquille, ceux qu’on appelait alors les Canadiens-français du Québec ont connu une mue identitaire. Depuis toujours, ils s’identifiaient à la société politique constituée autour du Saint-Laurent. C’était le seul endroit en Amérique du Nord où ils étaient majoritaires.








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Francophones


Ils ont voulu confirmer cette prise de conscience en prenant un nouveau nom. Ils sont devenus des Québécois. Ils étaient désormais la norme dans leur pays.


Dans cette opération de reconquête symbolique, incarnée par la loi 101 élaborée dans un contexte canadien, les anglophones sont devenus artificiellement une « minorité ».


Il a aussi fallu distinguer entre la minorité historique anglaise et les allophones anglicisés. Il fallait surtout s’assurer que les nouveaux arrivants rejoignent ceux qu’on appelait désormais pudiquement les « francophones », comme si nous n’étions collectivement qu’une langue sans territoire, ni culture, ni histoire.


Si l’indépendance du Québec avait eu lieu, elle aurait probablement fixé dans la réalité ce discours.





Mais elle a échoué. Et cette construction identitaire toute théorique s’est écrasée sous nos yeux. La réalité nous rattrape. Mais nous peinons à l’assumer.


Alors, disons les choses comme elles sont. Les anglophones du Québec ne sont pas une minorité. Ils sont au Québec les représentants de la majorité anglo-canadienne, et plus largement, de la majorité continentale anglophone.


Elle est toute-puissante au Québec. C’est elle qui intègre les immigrants. Pas parce qu’elle est plus accueillante. Parce qu’elle est plus puissante.


On avait vanté l’acceptation de la loi 101 par les anglophones. En fait, il s’agissait de l’acceptation circonstancielle d’un rapport de force temporairement à l’avantage des Québécois francophones.


Maintenant, plusieurs d’entre eux ne l’acceptent plus. Et ils vivent comme d’insupportables vexations les quelques mesures linguistiques du gouvernement Legault. On appelle cela un fantasme de persécution.


Depuis 25 ans, Montréal est redevenue une ville sous domination anglophone. Et Laval est une ville désormais annexée par les anglophones aussi. On peut très bien vivre dans la grande région de Montréal sans même faire semblant que nous existons.


C’est la grande leçon de l’affaire Michael Rousseau. Le phénomène s’accentuera. 



  • Écoutez la rencontre Mathieu Bock-Côté et Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 10 h via QUB radio :  





Hégémonie


Le peuple québécois devient peu à peu étranger et minoritaire chez lui. D’ici vingt ou trente ans, nous ne serons plus une nation, mais un résidu ethnique agonisant.


Mais nous continuons de nous voir comme une majorité. Nous nous prêtons une puissance que nous n’avons pas, et que nous aurons de moins en moins. Nous nous payons de mots.


Nul ne veut contester les droits collectifs des Anglo-Québécois, qui méritent tout notre respect. Mais ces droits n’incluent pas celui de faire comme si nous sommes de trop chez nous, et d’organiser leur vie sans tenir compte de la langue et de la culture commune.











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