Nomination des juges: une semaine de contradictions

Commission Bastarache

Certains médias, dont Le Soleil, ont cherché à savoir comment les représentants du public étaient choisis pour le processus de sélection des juges. Une question dont le cabinet de la ministre de la Justice, Kathleen Weil, se serait manifestement passé.

Photothèque Le Soleil

Élisabeth Fleury - (Québec) L'embarras est palpable au gouvernement de Jean Charest sur toutes les questions touchant les comités de sélection des juges, leurs membres et les fameuses listes soumises à la ministre de la Justice. Épisodes d'une semaine laborieuse marquée par les contradictions et le damage control.
À plusieurs reprises, cette semaine, les journalistes se sont fait expliquer par des intervenants du ministère de la Justice ou par d'autres spécialistes le processus de sélection des juges. On nous a notamment dressé le profil des membres siégeant aux comités de sélection, formés d'un juge, d'un avocat et d'une personne représentant le public qui n'est ni juge ni avocat et qui est choisie par le ministre de la Justice. Évidemment, certains médias, dont nous sommes, ont cherché à savoir comment les représentants du public étaient choisis. Une question dont le Ministère et le cabinet de la ministre de la Justice, Kathleen Weil, se seraient manifestement passés.
Au cabinet de la ministre de la Justice, on nous a d'abord indiqué jeudi que, pour ces questions «plus techniques», il fallait se référer directement au ministère de la Justice. Au ministère de la Justice, on s'est borné à répéter que le seul critère pour être invité, comme représentant du public, à siéger à un comité de sélection des juges, c'est de n'être «ni juge ni avocat». Oui, merci, ça on le sait déjà. Mais encore? La ministre de la Justice, elle la choisit comment, cette personne? Elle regarde dans le bottin téléphonique et choisit un nom au hasard? Met des noms dans un chapeau? «Ah ça, je ne peux pas vous le dire. Il faudrait demander au cabinet», a-t-on fini par nous répondre.
L'attachée de presse de la ministre de la Justice, Sarah Pilote-Henri, nous a finalement expliqué vendredi après-midi que la personne représentant le public «ne doit pas avoir d'avocat dans sa famille proche, doit être intègre, avoir une bonne expérience de vie et s'engager à ne divulguer aucune information dans l'exercice de ses fonctions». La personne doit en outre se récuser si elle a un lien d'affaires ou familial avec un des candidats, a précisé Mme Pilote-Henri.
«Banque» de noms
Quant à savoir à quelle «banque» de noms la ministre de la Justice se réfère pour trouver la bonne personne, Mme Pilote-Henri a indiqué qu'elle cherchait parmi «des gens qu'elle connaît et qu'elle croit être à la hauteur de la tâche». Si elle n'en connaît pas dans la région où un poste de juge est à pourvoir, «elle peut consulter des gens du milieu dans cette région», a ajouté l'attachée de presse de la ministre Weil.
Citant des sources proches du processus de sélection, le collègue Denis Lessard a révélé dans La Presse de vendredi que les gouvernements successifs ont toujours choisi des «sympathisants» pour siéger à ces comités. La conjointe d'un ministre aurait ainsi fait partie d'un de ces comités il y a quelques années. Celle d'un sous-ministre associé au gouvernement Charest aussi.
La question de l'accès aux listes de candidats dressées par les comités de sélection a quant à elle fait l'objet de nombreuses contradictions, cette semaine. Ainsi, les propos de la vice-première ministre, Nathalie Normandeau, tenus plus tôt cette semaine sur les ondes de Radio-Canada et de l'émission de Paul Arcand, laissaient entendre que c'est le Conseil des ministres qui choisissait, «en bout de ligne», les futurs juges sur les recommandations des comités de sélection. Des propos repris par l'attachée de presse de la ministre Weil et rapportés dans le quotidien Le Devoir jeudi, alors que Sarah Pilote affirmait que le Conseil des ministres avait accès aux listes des comités. Talonné à la période de questions, Jean Charest a soutenu que la personne qui avait donné cette information (à l'attachée de presse de la ministre Weil) avait erré. Une seule candidature est suggérée au Conseil des ministres, et la liste ne circule pas parmi ses membres, a-t-il martelé. Jean Charest a donc contredit non seulement l'attachée de presse de la ministre Weil, mais aussi la... vice-première ministre.
Liste
Vendredi après-midi, l'attachée de presse de la ministre Weil nous a affirmé que seule la ministre de la Justice, à qui revient la tâche de choisir parmi les candidats recommandés par le comité, avait accès à la liste. «Mais elle consulte le premier ministre pour valider son choix avant que ça se rende au Conseil des ministres. Elle lui donne donc les noms intéressants qui figurent sur la liste», a précisé Mme Pilote-Henri.
Reste maintenant à savoir si le juge Michel Bastarache, mandaté pour présider la commission d'enquête sur les allégations de Marc Bellemare, aura, lui, accès aux fameuses listes, utiles pour déterminer si le processus de nomination des juges est influencé par des considérations politiques et profite aux amis du régime.


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