Nier l'évidence

Actualité du Québec-dans-le-Canada - Le Québec entravé


Lorsqu'un citoyen voit sa situation financière se détériorer et son bilan marqué de rouge pour quelques années encore, la dernière chose qui lui vient en tête est de renoncer à des revenus. C'est pourtant ce que le gouvernement Harper envisage, même s'il calcule maintenant qu'il lui faudra une année de plus pour éliminer le déficit.
La mise à jour économique dévoilée hier par le ministre des Finances, Jim Flaherty, est claire. Le gouvernement avait prévu atteindre le déficit zéro en 2014-2015 en procédant à une réduction de ses dépenses annuelles de programmes de 4 milliards de dollars. Il ne pourra y parvenir. Il prévoit maintenant qu'il lui faudra une année de plus.
Malgré cela, les entreprises bénéficieront comme promis d'une nouvelle baisse d'impôt le 1er janvier prochain. Une dépense fiscale — oui, une dépense, selon les termes mêmes du ministère des Finances — d'au moins 3,85 milliards de dollars par année, selon les chiffres offerts par le ministère l'an dernier. On peut supposer que la baisse de régime de l'économie fera baisser cette facture, mais on parle toujours de quelques milliards de dollars, auxquels le gouvernement renonce au bénéfice d'entreprises qui affichent des profits.
En revanche, ce même gouvernement persiste à pénaliser les employeurs et leurs travailleurs salariés en haussant les cotisations à l'assurance-emploi. Il est vrai que la hausse sera moins importante que prévu, 5 ¢ par 100 $ de gains assurables au lieu de 10 ¢, et que le gouvernement renoncera ainsi à 600 millions en revenus. Mais hausse il y a, ce qui veut dire que cette taxe sur la masse salariale représentera une ponction de 600 millions en 2012 dans les poches des salariés et de leurs employeurs, que ces derniers génèrent ou non des profits.
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L'iniquité de ce choix fiscal prend plusieurs formes. D'abord, il pénalise les entreprises qui embauchent des salariés, car il ne tient pas compte de leur capacité de payer. De plus, cela nuit à la création d'emplois, selon la plupart des économistes. Ensuite, la hausse soutenue des cotisations générera des surplus dès cette année (600 millions en 2011-2012) et tout au long de la période de prévisions, ce qui permet au gouvernement d'afficher un meilleur bilan.
On nous répète que ces surplus servent à rembourser le gouvernement, qui a épongé les déficits du compte de l'assurance-emploi durant la récession. Mais tant les cotisations que les prestations d'assurance-emploi sont intégrées au calcul du solde budgétaire du gouvernement. Cela signifie qu'en 2012-2013, le déficit de 26,4 milliards aurait été supérieur, n'eût été le surplus de 1,7 milliard du compte. En 2013-2014, le coussin offert par l'assurance-emploi atteindrait 3,4 milliards. En 2014-2015, le déficit de 3,5 milliards serait en fait de 4,9 milliards de plus sans le surplus de l'assurance-emploi. Et en 2015-2016 et 2016-2017, le gouvernement afficherait un déficit au lieu d'un surplus en l'absence des excédents du compte de 5,4 milliards et de 4,6 milliards respectivement.
Bref, les conservateurs font comme les libéraux avant eux et font payer aux employeurs et à leurs employés une partie de la lutte contre le déficit. Cela est d'autant plus injuste que cela fait porter une plus grande part du fardeau aux petits salariés puisque les cotisations à l'assurance-emploi ne sont prélevées que sur les premiers 44 200 $ de rémunération assurable. Sous ce seuil, l'employé paie des cotisations sur la totalité de son revenu. Au-delà de ce seuil, il n'en paie plus. Par conséquent, plus le revenu est élevé, moins les cotisations représentent une part importante du salaire total. De plus, les personnes qui reçoivent des revenus autres qu'un salaire contribuent rarement à cette caisse.
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La baisse d'impôt aux entreprises n'est pas plus juste envers le simple contribuable. Selon la mise à jour, les revenus du gouvernement provenant de l'impôt des particuliers vont augmenter en moyenne de 5,5 % au cours des cinq prochaines années. Les revenus en provenance de la TPS, eux, croîtront en moyenne de 5,2 %. Les revenus provenant de l'impôt des sociétés, en revanche, ne progresseront annuellement que de 4,4 % en moyenne.
En proportion du produit intérieur brut (PIB), les revenus générés par la TPS et l'impôt des entreprises resteront à peu près stables. Ceux provenant des particuliers, par contre, vont croître lentement, mais sûrement, au fil des cinq prochaines années.
En somme, le poids de la lutte contre le déficit n'est pas partagé également entre toutes les catégories de contribuables. Et tout cela parce que le gouvernement a déjà beaucoup réduit et réduit encore l'impôt des entreprises, dont le taux est déjà un des plus bas des pays du G7.
Une bonne nouvelle dans tout cela: le gouvernement fédéral prévoit arriver à ses fins en augmentant les transferts aux provinces. Tous ses calculs sont fondés sur l'hypothèse que ces transferts vont maintenir le rythme actuel de croissance jusqu'à la fin de la période de prévisions, soit jusqu'en 2016-2017. Cette donnée est importante car tous ces transferts (péréquation, fonds pour la santé, l'éducation post-secondaire et les programmes sociaux) arrivent à échéance en 2014 et doivent être renégociés. On sait maintenant que le financement d'Ottawa peut continuer à croître.
Pour autant, bien sûr, que le gouvernement le veuille et n'ampute pas encore ses revenus.


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