NOMINATIONS DE JUGES

Nadon… et les autres

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Après le fédéralisme rentable, le fédéralisme pathétique ?

L’affaire Marc Nadon est si grossière comme manipulation de la part de Stephen Harper qu’on en néglige le fait que, bien au-delà de la Cour suprême, toute nomination de juge à Ottawa est en soi, encore et toujours, de teneur politique. Cela n’a plus de sens.
Le premier ministre Stephen Harper est bien empêtré dans ses déclarations depuis que ses tentatives de placer « son » homme à la Cour suprême ont été d’abord bloquées par ladite cour (qui a fait valoir, en conformité avec le droit et l’histoire, que les sièges réservés au Québec devaient être occupés par des juges de tradition civiliste et non issus de la Cour fédérale), ensuite éventées par des révélations percutantes du Globe and Mail.

Le quotidien nous a appris que quatre des six noms soumis par le gouvernement au comité chargé d’étudier les candidatures pour pourvoir le poste réservé au Québec venaient de la Cour fédérale et de la Cour fédérale d’appel. M. Harper savait qu’il avançait ainsi en terrain miné, mais il a fait fi de la mise en garde de la juge en chef de la Cour suprême, de la colère des représentants de haut vol du monde juridique québécois consultés, comme c’est maintenant la norme, par le comité de sélection. Tous voyaient fort bien le problème d’admissibilité et qu’ils se faisaient forcer la main. Étant tous tenus à un secret d’élection papale, nul ne pouvait toutefois s’épancher publiquement.

De toute manière, dans tout ce processus, c’est le premier ministre qui a le dernier mot. Il n’a même pas besoin d’ouvrir la Constitution pour arriver à ses fins. Il peut parfaitement, comme il le répète à tous les vents, respecter la décision de la Cour suprême tout en contournant le seul nom possible qui reste sur la liste (Marie-France Bich, de la Cour d’appel du Québec) : il n’a qu’à évoquer des « circonstances exceptionnelles » pour ignorer le comité et opter pour qui lui plaît.

D’ailleurs, ce n’est pas la première surprise du genre que cause M. Harper. En 2011, ses choix pour pourvoir deux sièges réservés à l’Ontario avaient beaucoup étonné, et pas de manière favorable. Ainsi de la juge Andromache Karakatsanis, proche du puissant ministre conservateur des Finances, Jim Flaherty : une nomination politique, disait-on ouvertement. Heureusement, la juge Karakatsanis s’avère moins docile que prévu : c’est à elle que l’on doit un récent jugement où, à l’encontre des intentions conservatrices, elle laisse aux juges la latitude d’évaluer ce que vaut le temps passé en détention avant une sentence.

Et puis, ce qui entoure la Cour suprême est au moins vite porté à l’attention du public. Mais les cours d’appel des provinces tout comme les cours supérieures vivent exactement les mêmes tentatives de politisation qui, elles, passent sous le radar.

Le problème n’est pas conservateur mais structurel. Les temps sont à la transparence, mais le choix des juges reste le choix du Prince. Pour la Cour suprême, le gouvernement libéral de Paul Martin a légèrement modifié le processus en 2005 : c’est de là que vient l’actuel comité de sélection. Mais celui-ci juge sur dossier, à partir de noms que le gouvernement soumet, sans rencontrer les candidats, et il n’a qu’un pouvoir de recommandation. Une réforme de pure façade.

Pour les autres cours, on continue de choisir sur la foi de lettres de recommandation, sans autre forme de procès. Rien à voir avec le processus qui encadre dorénavant les nominations de juges par Québec ; rien à voir même, et c’est tout dire, avec ce qui se passait ici avant la commission Bastarache ! Il est en fait plus que temps que le fédéral accouche d’un processus rigoureux de concours, d’entrevues et de nomination pour tous les tribunaux de son ressort. Les conservateurs disaient exactement cela quand ils étaient dans l’opposition. Les recommandations du rapport Bastarache pourraient les inspirer.


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