PRINTEMPS ÉTUDIANT

Et pourtant, c’est un bon rapport

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Réactions partisanes qui augurent très mal pour l'avenir

Il faut beaucoup de mauvaise foi, ou de partisanerie, pour balayer du revers de la main le rapport Ménard qui décortique sur 450 pages les hauts et les bas de ce que l’on a surnommé le « printemps érable ». Les recommandations s’appuient sur des constats pertinents et nuancés. Ses détracteurs les ont-ils lus ?
Jeudi, ils étaient tous unis dans le même combat : la ministre libérale de la Sécurité publique, Lise Thériault, la Fraternité des policiers de Montréal, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ)… À leurs yeux, le rapport de la Commission spéciale d’examen des événements du printemps 2012, présidée par l’ancien ministre de la Sécurité publique Serge Ménard, ne vaut pas tripette.

Ils ont tort. Assurément. Ils n’ont pas évalué ce rapport : ils ont plutôt livré leur non-lecture à partir de leurs préjugés. Heureusement que les commissaires n’ont pas eu cette subjectivité. Ils ont au contraire tenté de tenir compte de l’ensemble des angles pour comprendre ce qui s’est passé durant ce printemps exceptionnel dans l’histoire moderne du Québec — ce qui en soi impose qu’on s’y intéresse sérieusement.

Ce n’est pas que par le nombre de manifestants que le printemps étudiant s’est distingué. Pour la première fois, les étudiants ne suivaient pas les mots d’ordre de leaders. Pour la première fois, pendant des mois à Montréal, des policiers ont dû soir après soir faire face à des manifestants, dans un climat tendu, ce qui accentuait la fatigue et l’agressivité. Pour la première fois, les médias sociaux jouaient un rôle de premier plan, envenimant parfois le conflit. Pour la première fois encore, les policiers recouraient largement aux grenades assourdissantes, de « petites bombes » conçues pour servir lors de prises d’otages ou contre des tireurs embusqués, pour disperser les foules. Pour la première fois, des manifestants étaient détenus, souvent pour rien, dans des conditions inacceptables au Québec. Pour la première fois, il y avait recours à des injonctions pour forcer la tenue de cours et le droit de grève des étudiants était nié…

Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment éviter que cela se reproduise, en préservant la liberté de manifester pacifiquement ? Pour y répondre, le rapport n’accable pas les policiers, ne démonise pas les étudiants. Mais, à l’aide de faits, d’analyse et de recul, il met le doigt sur plusieurs éléments : l’ignorance tant politique que policière des signes avant-coureurs de mobilisation, la façon dont certaines associations étudiantes vont tenir les votes de grève, les dérapages policiers qui prendront de plus en plus de place, les contradictions (dispersez-vous !, disait la police, mais c’était parfois physiquement impossible), les rendez-vous manqués, la personnalisation du conflit…

Quant à la manière du gouvernement Charest de gérer la crise, elle est analysée à partir d’interventions hors du champ politique. À moins de croire que Claude Castonguay, Louise Otis ou Guy Rocher, cités dans le rapport, soient de dangereux révolutionnaires, il est juste de dire dans leur foulée que la médiation reste une meilleure stratégie que la confrontation.

« Nous n’avons cherché ni à juger ni à critiquer. Nous nous sommes consacrés à identifier ce qui devait être amélioré et comment le faire, tout simplement », soulignent les commissaires dans leur avant-propos. Ils ont raison, et ils ont bien travaillé. Même la ministre Thériault, si elle s’en donnait la peine, pourrait le reconnaître. Ce rapport n’est pas fait pour une tablette.


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