«N'importe qui sauf», ou l'art de ne jamais changer grand chose!

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Le Canada est un État pétrolier, qu'il soit dirigé par Harper ou Trudeau...


N’importe qui sauf...  


Chaque fois pareil désormais, on connaît la ritournelle... Lors des prochaines élections fédérales, on entendra «n’importe qui sauf...»   


Faut vraiment avoir la mémoire d’un pinson pour tomber encore dans le panneau. Y’a même pas six mois les élections au Québec se sont jouées, encore, en fonction de la seule volonté de «chingemin» : n’importe qui sauf le Parti libéral! Ça prend du «chingemin»!   


Bin voilà. La CAQ est au pouvoir et gouvernera, dans les faits, jamais bien loin de comment gouvernait le Parti libéral. On pourra modifier le vernis de l’intendance, peut-être même un peu sa teinte, mais jamais son fondement.    


«C’est faite pour être de même» dirait mon père...   


Tout sauf les conservateurs!  


Je vous le donne en mille, dans la chapelle des professionnels du militantisme écologique, on a déjà fait son nid. Leur étendard sera celui du «n’importe qui sauf les conservateurs». On voit déjà poindre quelques approches en ce sens.    


Et gare à vous si l’envie vous prend de rappeler que la gouvernance Trudeau est loin d’être une référence en matière de gouvernance écologique. On ne s’oppose pas à cette chapelle sans heurts.    


Comprenons-nous bien, quiconque s’inquiète un tant soit peu de l’environnement sera rebuté par la perspective d’un retour des conservateurs au pouvoir. J’en suis. Faut voir défiler les poids lourds, les pick-up sur Ottawa en ce moment dans le cadre des manifs pro-pétrole pour comprendre ce qui nous pend au bout du nez. Rien de drôle.    



«N'importe qui sauf», ou l'art de ne jamais changer grand chose!

Photo Twitter




Au cœur de la gouvernance Harper, en 2013, le prestigieux magazine Foreign Policy, sous la plume de Andrew Nikiforuk, avait publié un long texte sur la métamorphose du Canada au cours des années précédentes. En voici l’amorce, ça vaut la peine :   


«Depuis des décennies, le monde considère le Canada comme le voisin amical du nord des États-Unis - un pays responsable, sérieux, mais quelque peu ennuyeux, des amateurs de hockey et lieu du programme de soins de santé universels. Sur les grands enjeux, ce voisin a longtemps joué le rôle du boy scout mondial, en assurant de manière fiable un leadership moral sur à peu près tout, de la protection de l'ozone à l'éradication des mines terrestres en passant par les droits des homosexuels. [...]   


Mais un sombre secret se cache dans les forêts du nord. Au cours de la dernière décennie, de manière pas si discrète, le Canada s’est muté, transformé, en centre minier international et État pétrolier paria. On ne parle plus du Canada à titre de moitié meilleure des États-Unis dorénavant, mais plutôt d’une vision dystopique de l’avenir, d’un futur tout imprégné des énergies fossiles du continent.»   



«N'importe qui sauf», ou l'art de ne jamais changer grand chose!

Caricature d'Ygreck




L’élixir du dysfonctionnement politique : le pétrole  


Mais là où Andrew Nikiforuk frappe en plein dans le mille c’est par cette courte phrase, assassine, ce constat qui devrait servir, encore, de base d’analyse des questions politiques au Canada :    


«Vous avez bien compris : le bon voisin d’antan fonde désormais son économie sur l'élixir maudit du dysfonctionnement politique; le pétrole .»   


Or, la question qui tue...   


La gouvernance de Justin Trudeau, du Parti libéral du Canada, s’est-elle éloignée de ce paradigme maudit? La réponse, selon moi, c’est non.    


Nous savons déjà que les conservateurs assument et promeuvent l’économie du dysfonctionnement politique. Tout est clair avec eux : le pétrole avant tout, quitte à nier la science et les effets délétères de son exploitation.    


Avec les libéraux de Justin Trudeau, la manière est différente. Les beaux discours, comme à la COP21 à Paris. Il passe bien devant les caméras le PM du Canada, il sait faire tourner les regards, les attirer; il fait glamour et ne recule pas à la pipolisation de sa gouvernance.   


Pourtant, quand on y regarde de plus près, le Parti libéral n’a pas fait les choses différemment des conservateurs à propos de l’influence des pétrolières et des gazières au Canada.    


Se souvient-on que dans la dernière semaine de campagne électorale, en 2015, quand la victoire des libéraux ne faisait plus aucun doute, Justin Trudeau avait dû sacrifier l’un de ses plus importants lieutenants, Dan Gagner, ce dernier s’étant fait prendre, culottes baissées, en train de rassurer (lire faire du lobbying) auprès de la pétrolière TransCanada...   


Voilà qui annonçait ce qui allait venir.    


Car personne ne se doutait, à ce moment-là, que le gouvernement de Justin Trudeau réussirait à pousser la note jusqu’à faire accepter l’achat d’un oléoduc vieillissant par l’État afin de sauver la face d’une compagnie pétrolière!   


Imaginons un seul instant que Stephen Harper ait essayé de faire la même chose; m’est avis que dans certaines salles de nouvelles, il n’y aurait pas eu assez de chemises à déchirer. Dans la chapelle des écologistes de carrière non plus.   


Et pourtant, certains en appelleront, au nom du moindre mal, à coup de «n’importe qui sauf les conservateurs», à reconduire au pouvoir les libéraux de Justin Trudeau. Ils vous rappelleront ses menus bons coups, minimiseront les écueils environnementaux de sa gouvernance.    


Cette logique, formidable, qui assure que la couleur de l’intendance puisse changer, mais jamais l’intendance elle-même. Cette logique qui assure la pérennité du dysfonctionnement politique qui avantage toujours les mêmes...