Quatre jours plus tard, Michel Arsenault sort de la scène de la commission d'enquête comme un personnage secondaire. Ni mêlé aux magouilles des dirigeants de la FTQ-Construction, ni compromis dans quelque stratagème criminel.
Non, il n'a pas dénoncé sur la place publique les délires de dépenses et les fréquentations douteuses des Jocelyn Dupuis et Jean Lavallée. Il s'est arrangé pour qu'ils partent discrètement. Comme on fait dans les banques. Comme on fait dans les entreprises.
Il n'a pas non plus fait avancer les quelques dossiers liés au crime organisé. Tout indique qu'il les a plutôt bloqués. Ceux qui étaient déjà approuvés par le Fonds de solidarité, il les a liquidés.
Sous la pression des médias? Sans doute. Comme on fait dans les banques...
Jour après jour, la commission Charbonneau a tenté de lui faire avouer une «influence» au Fonds de solidarité. Bien sûr qu'il a une influence, en tant que président du syndicat fondateur, et en tant que président du conseil d'administration. Bien sûr que tout un chacun tente d'utiliser cette influence. Et alors?
C'est vrai: quand il a appris que le DG de la FTQ-Construction avait des notes de frais qui puaient la fraude, il s'inquiétait plus de l'impact dans les médias que des cotisations des travailleurs.
C'est vrai, le président de la FTQ est un politicien syndical. Il veille à ses appuis, pense à sa réélection, ménage ses alliances. Ça ne l'empêche pas de croire au Fonds et à l'action syndicale.
Oui, le premier ministre a rendu les appels du président de la plus grande centrale au Québec. Où est le scandale? Oui, le premier ministre lui promet un siège au conseil d'administration de la Caisse de dépôt. Il y a toujours eu un représentant de la FTQ, et le siège se libère - siège qu'il n'occupera jamais par ailleurs. Il n'y a rien de bizarre ici.
Avec tout ce qui s'est écrit sur lui, et surtout avec tout ce qu'on a pu sous-entendre, Michel Arsenault s'est relativement bien sorti de son passage.
Le pire, on le savait déjà: Tony Accurso, le plus important entrepreneur en construction au Québec, l'avait dans sa manche.
Le plus embarrassant, c'est d'être témoin de cette glissade compromettante.
Le bateau. Un séjour d'une valeur de plusieurs milliers de dollars, il connaît la valeur de location, les frais de marina, une «erreur» que la théorie des «moeurs de l'époque» (2008, pas 1958!) n'excuse pas.
Les cadeaux. Il offre une carafe et un tire-bouchon de 600$. Accurso réplique avec des boucles d'oreilles... de 12 500$ pour sa femme. Il finit par les rendre. Parce que les médias ont sorti l'histoire du bateau? Il l'a fait du moins. Était-il sur le point de faire payer ses travaux de rénovation par Accurso? La procureure laisse entendre qu'il a changé d'idée devant la chaleur médiatique. C'est possible, mais elle n'en a pas la preuve. Lui a les preuves de ses paiements. (Quand on est surveillé, on garde ses factures à portée de la main, avez-vous remarqué?)
La procureure Sonia LeBel a mis en preuve une sortie de ski de Michel Arsenault... Mais il était dans un condo appartenant au Fonds de solidarité!
Avait-on besoin de ce pétard mouillé quand on entend le miel qui coule des conversations Arsenault-Accurso?
Quand Michel Arsenault est arrivé à la tête de la FTQ et du Fonds, Accurso était au sommet de sa gloire. Les investissements du Fonds dans ses sociétés étaient déjà faits - sauf un - et ils rapportaient gros. Les banques aussi adoraient Accurso! Avant les accusations de fraude fiscale contre ses sociétés, puis ses accusations criminelles, Accurso était un excellent client de la Banque Nationale, qui s'en est débarrassée discrètement. Comme les banques ont largué tous les entrepreneurs du cartel montréalais.
Est-ce que «le Fonds a payé la moitié du Touch» ? Absolument pas, et la Commission aurait dû le préciser: on reproche à Accurso d'avoir fait passer les rénovations du bateau comme dépenses d'une de ses entreprise, entreprises dans laquelle le Fonds avait des intérêts. C'est une manoeuvre fiscale d'Accurso, pas un geste du Fonds.
Michel Arsenault n'a fait que mettre la table pour le personnage principal de l'histoire: Tony Accurso. On a vu comment il engraissait les syndicalistes et comment il les faisait maigrir. On a vu comment il faisait passer ses messages politiques de nationalisme économique par Arsenault. N'allez pas penser qu'Arsenault n'y croit pas - ni Accurso, d'ailleurs!
Accurso a bien cultivé ses liens personnels, comme il l'a fait avant avec les autres présidents de la FTQ. Les épouses se connaissent. C'est un type sympathique. Supérieurement intelligent. Fin psychologue, assurément. Il sait qu'il va allumer Arsenault en dénonçant le débarquement «d'ingénieurs chinois». Il sait qu'il en parlera à Jean Charest.
Lui qui était partout, lui, le personnage principal, il peut la raconter, l'histoire que veut entendre la Commission.
Il serait temps qu'il entre en scène.
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