Conservateurs

Menace pour la démocratie

Robocall - élection fédérale du 2 mai 2011 volée


En redirigeant avec arrogance vers Élections Canada toutes les questions de l'opposition concernant les appels frauduleux passés lors de la dernière campagne électorale, le gouvernement conservateur démontre qu'il ne prend pas l'affaire au sérieux, ce qui est en soi inquiétant.
C'est tout un hasard que le chef par intérim du Parti libéral, Bob Rae, ait eu à admettre hier que le «Vikileaks», qui a mis sur la place publique les détails du divorce houleux du ministre fédéral de la Sécurité publique Vic Toews, venait des rangs libéraux. Ce sont plutôt les errances supputées des conservateurs lors de l'élection du 2 mai qui auraient dû prendre la vedette. Ainsi va la vie en politique, où l'on ne sait jamais comment on sera sauvé par la cloche.
Même si Bob Rae a sévi contre l'employé de son parti coupable du faux pas et même s'il s'est excusé avec élégance auprès des conservateurs, c'était pour ceux-ci du bonbon. Le ministre Toews a accepté les excuses, mais maintient auprès du président des Communes que l'on cherchait ainsi à nuire à son travail de législateur — prélude, on s'en doute, aux commentaires que dorénavant le gouvernement pourra servir à l'opposition qui le talonne au sujet des dérapages de son propre camp.
Les libéraux, tout comme les néodémocrates, devront pourtant continuer de marquer le coup. Car la manière dont des électeurs ont été, à partir de centres d'appels associés au Parti conservateur, dérangés par des appels ou dirigés vers de faux bureaux de scrutin à la dernière élection est une des pires attaques qui soient: il s'agissait ici de nuire non pas à un élu, mais à l'exercice même de la démocratie par l'ensemble des citoyens. Interrogé hier, l'ancien directeur général des élections du Canada Jean-Pierre Kingsley était très clair: si la manipulation s'avère, il s'agit d'une situation très grave qui pourrait entraîner la reprise du vote.
Les conservateurs plaident l'erreur humaine, et il est vrai que les excès de partisans zélés s'observent en campagne électorale... et après. Mais les nombreux détails dévoilés depuis jeudi par différents médias et qui touchent une quarantaine de circonscriptions tissent plutôt une toile qui recouvre les endroits où les luttes entre les conservateurs et leurs adversaires étaient les plus serrées. La situation a toutes les apparences de la concertation.
L'obsession du contrôle qui est la marque de commerce du gouvernement de Stephen Harper n'aide guère à contrecarrer l'idée qu'il y avait là une véritable stratégie pour détourner les voix favorables au PLC ou au NPD. Le député néodémocrate Alexandre Boulerice n'a peut-être pas élevé la qualité du français parlé aux Communes, mais tout le monde a compris son indignation quand il a demandé: «Qui est-ce qui "calle les shots" au Parti conservateur?» Tous le savent, c'est invariablement le bureau du premier ministre. Même des scientifiques travaillant pour le fédéral s'en sont plaints lors d'un colloque il y a dix jours. On imagine dès lors à quel point, au printemps dernier, toutes les «shots» ont dû passer sous le tamis des plus hautes instances du parti dès lors qu'il s'agissait de se faire élire, et même plus: de devenir enfin un gouvernement majoritaire!
L'enquête d'Élections Canada sera-t-elle aussi longue que les cinq années qu'il a fallu pour démonter le stratagème de l'in and out qui avait permis aux conservateurs de dépasser le plafond des dépenses électorales? Ici, il faudrait clairement presser le pas, lancer un appel à tous. Déjà que ce gouvernement se targue d'un appui qu'il n'a pas (faible participation électorale oblige, il est le choix de moins de 25 % des électeurs), c'est cette fois son sens de la moralité démocratique qui est en cause. Qu'il cesse de défier l'opposition et qu'il se livre enfin à un examen en profondeur de ses manières de faire.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->