À plus d'une reprise, cette année même, le gouvernement du Québec a clairement rappelé que le développement d'une vigoureuse économie du savoir et l'amélioration de notre système d'éducation — de l'école primaire à l'université — sont la principale voie à emprunter pour assurer un réel progrès et une croissance soutenue.
Le gouvernement a néanmoins reconnu qu'il faudra, en chemin, faire des choix qui se révéleront difficiles quant à la façon de soutenir l'éducation, plus particulièrement en ce qui a trait à l'allocation des ressources dont les universités ont besoin pour mener des recherches et des travaux de calibre mondial. C'est l'ensemble des Québécois qui en bénéficiera puisque cette démarche positionnera le Québec comme l'endroit idéal où étudiants et chercheurs des quatre coins du monde pourront continuer d'élargir leurs connaissances et d'ouvrir ainsi les voies de l'épanouissement personnel et professionnel.
De tels objectifs sont plus que pertinents puisqu'ils convergent avec ceux de dirigeants mondiaux, comme le président américain Barack Obama et des gouvernements français, indiens, chinois et autres.
Étonnement
On peut donc s'étonner de constater qu'alors que le gouvernement du Québec déclare souhaiter aider les universités à devenir des établissements de niveau mondial et à respecter les normes les plus élevées, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) s'emploie par ailleurs à empêcher la Faculté de gestion Desautels de l'Université McGill d'instaurer, pour son programme de MBA, un modèle de financement plus équitable, qui promeut le principe de l'accessibilité, sans égard aux moyens dont disposent les étudiants potentiels, et soutient la quête de l'excellence.
En procédant à une réduction du financement général alloué à l'Université McGill en vue de compenser la hausse qu'elle prévoit instaurer relativement aux droits de scolarité rattachés au MBA, le ministère forcerait McGill à augmenter les fonds issus d'autres programmes pour financer les études de maîtrise en administration des affaires. Il s'agit là d'une mesure punitive pour les étudiants de premier cycle inscrits à d'autres programmes. En réponse aux mesures qu'a annoncées le ministère aux médias, McGill serait appelée à subventionner le MBA à hauteur de 28 000 $ par étudiant — au lieu de 10 000 $ actuellement — pour atteindre les objectifs décrits dans le modèle autofinancé.
En vertu du modèle proposé par McGill, aucun soutien financier gouvernemental à l'endroit du MBA ne serait requis et aucun transfert d'autres programmes ne serait désormais nécessaire. Le programme se paierait de lui-même.
Répartition des fonds
La punition imposée par le ministère fera en sorte qu'il sera beaucoup plus difficile pour McGill d'offrir un programme de MBA d'une qualité à laquelle les Québécois sont en droit de s'attendre. En instaurant la hausse prévue des droits de scolarité annuels exigés pour l'ensemble des nouveaux étudiants au MBA — droits qui atteindraient alors 29 500 $ — l'Université recueillerait un revenu supplémentaire de 7500 $ par étudiant supérieur aux coûts actuels. De ce montant, l'Université mettra en réserve chaque année la somme de 4000 $ par étudiant, laquelle somme sera affectée à l'aide financière.
Mentionnons par ailleurs que McGill a déjà consenti au-delà de 100 000 $ au soutien financier de 28 nouveaux étudiants qui ont confirmé leur entrée en septembre prochain. Grâce à ce soutien, aucun étudiant admissible ne sera forcé de renoncer à une formation par manque de ressources financières.
Le reste des fonds recueillis sera réinvesti dans le programme. Chaque année, 3500 $ par étudiant seront consacrés à l'amélioration des services d'orientation, tant sur le plan des études que sur le plan professionnel, des installations et du programme de cadres en résidence et à la création d'un programme de mentorat étudiant. Les fonds supplémentaires serviront progressivement à l'embauche de nouveaux professeurs, réduisant ainsi le rapport étudiants-professeur pour l'ensemble des
programmes de gestion offerts par McGill. À l'heure actuelle, ce rapport se classe parmi les plus élevés au pays. On prévoit également la réfection des installations actuelles, qui sont les plus vieilles de toutes les écoles de gestion au Canada.
Modèle vétuste
La position que semble maintenir le ministère de l'Éducation s'inspire d'un modèle vétuste et inéquitable sur le plan social, dont l'effet direct est de compromettre la capacité de McGill à offrir le meilleur programme possible aux étudiants du Québec, d'ailleurs au Canada et de l'étranger.
L'équité est au coeur de ce projet. Il en coûte 22 000 $ pour qu'un étudiant puisse, durant une seule année, suivre une formation de MBA. Pourtant, McGill ne reçoit du gouvernement que 10 000 $ par étudiant et environ 2000 $ de l'étudiant lui-même, en droits de scolarité. McGill comble cet écart en puisant la différence de 10 000 $ dans les budgets d'autres programmes, notamment en histoire de l'art, en philosophie et en travail social.
Contrairement à l'étudiant au MBA qui retourne sur les bancs d'école afin d'optimiser ses perspectives d'emploi et de rémunération, l'étudiant en histoire de l'art n'a pas la chance d'entreprendre un programme d'études en pouvant déjà compter sur un salaire annuel d'environ 50 000 $. Pas plus que l'étudiant en travail social ne peut conclure ses études avec l'espoir de pratiquement doubler son salaire en trois ans — à 104 000 $ — comme c'est le cas pour l'étudiant au MBA.
Modèles autofinancés
McGill compte demander à ses étudiants au MBA de couvrir une plus grande part des coûts rattachés à leur formation. Cette stratégie est déjà en place dans le cadre du programme de MBA pour cadres en exercice que McGill chapeaute de concert avec HEC. Dans ce cas, le gouvernement du Québec ne s'est pas opposé à l'établissement de droits de scolarité annuels de 65 000 $. Il a donc créé un heureux précédent. La vaste majorité des étudiants inscrits à ce programme sont Québécois. Environ le tiers d'entre eux sont responsables du paiement des droits de scolarité, un autre tiers reçoit à cet égard le soutien complet de l'employeur et, pour les autres, les coûts sont également partagés avec l'employeur.
Aux quatre coins de l'Amérique du Nord, les écoles de gestion de renom — qu'elles soient liées à un établissement d'enseignement public ou privé — ont adopté un modèle autofinancé des plus fructueux, bien souvent en exigeant des droits nettement plus élevés que ceux prévus par McGill. Par conséquent, ces écoles sont en mesure d'offrir une aide financière, de préserver des classes de petite taille, de recruter, aux quatre coins du monde, les meilleurs professeurs qui soient et d'employer d'excellentes ressources, dans des installations qui le sont tout autant.
Pourquoi McGill, et d'autres universités qui pourraient vivre la même situation, devrait-elle être pénalisée pour tenter d'instaurer un modèle qui ne peut que favoriser le niveau d'excellence que le gouvernement du Québec veut lui-même voir atteindre? Pour quelle raison les Québécois devraient-ils se résigner à des classements mondiaux inférieurs ou encore être forcés de quitter le Québec pour entreprendre une maîtrise en administration des affaires de calibre international, alors qu'ils pourraient avoir accès à un tel programme à McGill et à d'autres établissements au Québec?
Vote de confiance
En fait, le taux d'admission a présentement surpassé les niveaux atteints l'an dernier. Il s'agit là d'un clair vote de confiance de la part d'étudiants potentiels et qui témoigne de la valeur du programme à leur portée.
Ni McGill ni d'autres universités ne devraient être pénalisées pour chercher à améliorer la formation qu'elles dispensent. Le Québec a droit au progrès, a besoin de progrès. Il serait aberrant de réduire la qualité du programme de MBA de McGill afin de se conformer à un modèle de financement bon marché, où prédomine une mentalité au rabais qui ne tient pas la route. Précisons qu'en 1999, le programme de MBA de McGill occupait le 35e rang mondial au palmarès du Financial Times et qu'il en occupe aujourd'hui le 95e. Il s'agit du seul programme offert par une université québécoise à figurer parmi les 100 meilleurs. McGill souhaite agir pour rétablir son classement. De la même façon, toutes les autres universités québécoises devraient pouvoir bénéficier du renouvellement auquel elles aspirent, elles aussi.
Le gouvernement a réitéré son intention de faire les choix difficiles qui s'imposent afin de propulser le Québec à l'avant-plan dans le domaine de l'éducation. Il importe donc plus que jamais de se donner un modèle efficace et qui a fait ses preuves — tant pour les universités et les étudiants que pour le développement économique.
Nous n'ignorons pas les contraintes auxquelles le ministère de l'Éducation doit faire face pour donner aux universités les moyens que requiert l'atteinte de leurs objectifs d'excellence. Une révision en profondeur de la politique actuelle en matière de droits de scolarité s'inscrit de toute évidence parmi les voies de sortie de l'impasse actuelle. C'est pourquoi nous sommes d'avis que le gouvernement serait bien avisé de considérer favorablement, et non pas sous l'angle punitif, la piste de solution que McGill souhaite emprunter, étant donné qu'elle satisfait à la triple exigence de l'équité, de l'excellence et de l'accessibilité.
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Lucien Bouchard - Ancien premier ministre du Québec
Jacques Lamarre - Ingénieur
Stuart «Kip» Cobbett - Président du conseil des gouverneurs de McGill
Paul Tellier - Ancien greffier du Conseil privé et ex-président du CN
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Quebec should keep its nose out of McGill's MBA program
Government is forcing university to take money out of other programs
By LUCIEN BOUCHARD, STUART COBBETT, JACQUES LAMARRE, AND PAUL TELLIER,
The Gazette April 24, 2010
More than once this year, the Quebec government has reiterated that it sees the development of a vigorous knowledge economy, and the improvement of our education system, as a key route to progress and growth.
The government has acknowledged that getting there will require tough choices, specifically in providing the resources our universities need to deliver world-class levels of research and scholarship. This effort will put Quebec on the map as the ideal place for students and researchers from every corner of the world to expand their knowledge and opportunities.
Bravo. But at the same time the ministry of education is working to block attempts by McGill University's Desautels Faculty of Management to institute a funding model for its MBA program that is more equitable, promotes the principle of accessibility regardless of means, and supports the pursuit of excellence.
By reducing general funding for McGill to offset the university's planned higher MBA tuition, the ministry will force McGill to increase the amounts taken from other programs to subsidize its MBA. The measures the ministry has announced to the media would require McGill to subsidize the MBA at a level of $28,000 per student instead of the current $10,000, if McGill is to achieve all the goals set out in the self-funding model.
The MBA financing model McGill proposes would require no government financial support. Zero. The MBA program would pay for itself.
The ministry's punishment will make it more difficult for McGill to deliver the kind of MBA program Quebecers deserve. McGill's planned increase to $29,500 per year for all new MBA students would generate additional revenues of $7,500 per student over current costs. Of that, McGill will set aside $4,000 per student per year for new student aid. (McGill has already allocated more than $100,000 in new aid to the 28 students who have accepted admission for September). No qualified student will be denied access for lack of financial resources.
The rest of the money will be reinvested in the program, with an envelope equalling $3,500 per student per year for improved student advising, better career services, a student-mentoring program, improvements to facilities, and the like. Over time, additional new revenues will be used to hire more professors and lower student-faculty ratios across all of McGill's business programs, ratios now among the highest in Canada. Its facilities are the oldest of any major business school in Canada.
The government's position is inspired by an outdated, socially inequitable model. It costs $22,000 per student to deliver one year of McGill's MBA program, but McGill receives only $10,000 per MBA student from government, plus roughly $2,000 per student at current tuition levels. McGill makes up the $10,000 gap by taking support from other programs such as art history and social work.
But MBA students come back to school to maximize their job prospects and earnings potential, while art-history students don't start classes having already been earning an average of $50,000 a year. And students in social work don't graduate with the prospect of virtually doubling their income within three years - to $104,000 - as McGill MBA students do.
McGill does aim to have its MBA students pay a larger share of the cost of their education. This is already true in the Executive MBA program McGill operates jointly with HEC, where the Quebec government had no difficulty accepting tuition pegged at $65,000 a year.
Leading business schools throughout North America have adopted the self-funding MBA model with great success.
Neither McGill nor other universities should be penalized for trying to improve. It would be absurd to reduce the quality of McGill's MBA program in order to fit a dollar- store funding model. This MBA program ranked 35th in the world in 1999, according to the Financial Times; it now ranks 95th. McGill wants to fix that. And all other Quebec universities should enjoy the opportunity to meet the objectives to which they aspire.
We're aware of the constraints the ministry of education faces. A significant change in the present tuition-fee policy is clearly one of the ways out of the current impasse. This is why we believe the government would be well advised to view McGill's proposed solution favourably, rather than punitively.
Lucien Bouchard is a former premier of Quebec. Stuart Cobbett, managing partner (Montreal) of Stikeman Elliott LLP, is chair of McGill's board of governors. Jacques Lamarre is an engineer and former engineering executive. Paul Tellier is a former clerk of the Privy Council of Canada and a former president of CN Rail.
MBA de 30 000 $ - McGill ne doit pas être punie pour ses efforts
La punition imposée par le ministère fera en sorte qu'il sera beaucoup plus difficile pour McGill d'offrir un programme de MBA d'une qualité à laquelle les Québécois sont en droit de s'attendre.
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