En tant que féministe et lesbienne, j’ai été tout simplement estomaquée de lire la charge anti-hommes publiée en ces pages par Mme Manon Massé le 8 mars dernier. Il faut d’abord la citer : « Depuis 30 ans, c’est la même clique qui se passe la rondelle du pouvoir.
Depuis 30 ans, cette clique est majoritairement masculine. Et ces messieurs ne sont jamais trop pressés d’améliorer le sort collectif des femmes du Québec. Des chefs comme Philippe Couillard, François Legault et Jean-François Lisée font partie de cette clique depuis trop longtemps pour réussir à nous faire croire qu’ils s’engagent envers nous à d’autres moments qu’en campagne électorale. Et puis, disons-le, les plus grands gains pour la cause des femmes depuis 30 ans, ce sont les Pauline et les Louise qui nous les ont donnés, avec les CPE à tarifs réduits, l’équité salariale, le régime québécois d’assurance parentale… »
Tous les gains obtenus par les femmes, au Québec comme ailleurs dans le monde, ont été réalisés par l’alliance de féministes avec des hommes réformistes et progressistes. Je suis membre du Parti québécois depuis 1998 et je sais que l’équité salariale a été proposée par les femmes, oui, et mise en place par les ministres péquistes Jeanne Blackburn et Louise Harel. Mais si Jacques Parizeau et Lucien Bouchard — membres de la « clique » dénoncée par Mme Massé — n’avaient pas mis tout leur poids dans la balance, jamais ce changement innovant n’aurait vu le jour.
La Fédération des femmes du Québec affirmait que la perception automatique des pensions alimentaires serait la plus grande mesure de réduction de la pauvreté chez les femmes. Cette revendication essentielle fut relayée par l’aile jeunesse du Parti québécois (alors dirigée par Christian Picard, actuel candidat du parti dans Chambly), et reprise par Jacques Parizeau, qui en a fait la priorité de son court mandat.
La politique familiale la plus généreuse en Amérique du Nord, dont les CPE et les congés parentaux font partie, a été voulue par les féministes et le mouvement syndical, et mise en oeuvre par Pauline Marois et Nicole Léger. Mais c’est sous les conseils de Camil Bouchard qu’elle a été décidée et proposée par le bureau de Lucien Bouchard, dont Jean-François Lisée était le conseiller. Quant à la seule loi nord-américaine de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, on la doit aux ministres péquistes Nicole Léger et Linda Goupil, oui, mais elle n’existerait pas sans l’appui décisif du premier ministre d’alors, Bernard Landry.
Depuis 30 ans et au-delà, seul le travail conjoint des féministes, des femmes parlementaires et des hommes ouverts au changement, notamment les premiers ministres du Parti québécois, a fait considérablement progresser notre cause. Aveugle à ces alliances nécessaires et fructueuses, Mme Massé exprime envers nos alliés masculins un mépris choquant, motivé par le seul calcul partisan et fondamentalement contre-productif. Elle voudrait nuire à la cause des femmes qu’elle n’agirait pas autrement.
« On est toujours mieux servi par soi-même », affirme Mme Massé dans son texte.
Non. On est toujours mieux servi en équipe, en rassemblant toutes les forces de progrès, femmes et hommes. On est toujours moins bien servi lorsqu’on veut exclure et insulter l’autre, comme le fait son texte, qui continue dans un amalgame choquant. Je cite encore : « Les membres de ce boy’s club abonné au pouvoir, ce sont eux qui laissent les infirmières s’épuiser et se tuer à la tâche, pour des peanuts. Ce sont eux qui donnent des milliards aux médecins spécialistes et qui refusent d’empêcher les hauts dirigeants d’entreprises financées par l’État de se voter des hausses de salaire faramineuses. Ce sont eux qui essaient de camoufler leurs scandales sexuels tout en refusant de débloquer des budgets adéquats pour lutter contre les violences sexuelles. »
En assimilant tous les partis politiques aux actions du seul Parti libéral, Mme Massé croit-elle faire oeuvre utile ? Je sais que depuis le premier jour, et avec l’appui de ses collègues masculins, Diane Lamarre a dénoncé sans arrêt les choix pro-médecins du gouvernement. Et c’est Jean-François Lisée qui, le premier, a proposé le gel de la rémunération des médecins. Lorsqu’il était porte-parole pour les services sociaux, c’est lui qui a dénoncé la réduction par le PLQ des budgets de lutte contre les violences sexuelles. Les femmes et les hommes du Parti québécois ont dénoncé les hausses de salaire à Bombardier et mènent le combat contre les paradis fiscaux.