BLOC QUÉBÉCOIS

Mais qui donc est folklorique?

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Celui qui le dit, celui qui l'est !

Entendre l’ex-député bloquiste Jean-François Fortin utiliser le mot folklorique pour désigner son ancien parti et son chef Mario Beaulieu, à la suite de chroniqueurs du journal La Presse et d’autres médias, me fait un peu sourciller. Et je me demande alors : qui donc est folklorique ?

Faut-il rappeler que le terme folklorique n’est pas nécessairement péjoratif ? Il vient du mot folklore, qui signifie « science du peuple ». Le savoir populaire, est-ce une mauvaise chose ? Le folklore est à l’étude dans plusieurs universités canadiennes et dans le monde, et personne ne s’en moque. Il est vrai toutefois qu’au Québec, cet enseignement autrefois reconnu à l’Université Laval à Québec est devenu une ethnologie multiculturaliste peut-être par crainte de ne plus affirmer la spécificité culturelle québécoise en Amérique du Nord. En fait, il semble que ce n’est qu’au Québec qu’il soit difficile d’utiliser le mot folklore ou le qualificatif folklorique.

Mais pourquoi donc ? Et qui est folklorique ? Si l’on retient le jugement lancé contre Mario Beaulieu, être indépendantiste serait folklorique. Défendre le français à Montréal serait folklorique. Vouloir présenter le projet indépendantiste à la population québécoise serait folklorique. Mais le fait d’être fédéraliste et de reprendre éternellement le discours des « Pères de la Confédération », qui n’a jamais su satisfaire les aspirations réelles des Québécois, ne serait pas folklorique. Ainsi, Justin Trudeau, suivant les pas de son père, ne serait pas folklorique ? Stephen Harper et sa droite morale ne seraient pas folkloriques ? En fait, tout cela découle d’une méconnaissance de nos traditions et de nos héritages, et comme c’est dommage.

Marius Barbeau

Notre plus grand folkloriste québécois demeure Marius Barbeau (1883-1969). Il a étudié les traditions françaises au Québec à partir de 1914. Barbeau avait une vision large du folklore. Il a publié tant en anglais qu’en français. Son travail a été reconnu à travers le monde. Il nous laisse un héritage de traditions dont nous devons être fiers : chansons, contes et diverses traces de notre culture matérielle. Faut-il rougir de cet héritage folklorique ? Je rêve du jour où on saura en faire un objet admirable offert aux générations à venir, où des chercheurs reconnus et subventionnés dans nos universités pourront à nouveau étudier notre tradition orale, notre folklore.

Il est vrai que même le gouvernement de Pauline Marois n’avait pas prévu dans ses chaires sur l’identité québécoise une place pour notre folklore. De toute façon, le gouvernement Couillard s’est empressé d’abolir ce projet de chaires québécoises dès son arrivée au pouvoir. Nous avons bien du chemin à faire avant de reconnaître enfin la valeur de notre héritage folklorique, et pour tout dire, il est bien tard déjà.

Alors, qui est folklorique ? Je pense que le folkloriste est celui qui souhaite recueillir le discours populaire et la tradition orale. C’est là, selon moi, un projet de vie précieux pour notre collectivité et j’en ai personnellement fait l’objet de mon travail de recherche durant toute ma carrière. Je n’en ai pas honte. Aussi ne serait-il pas temps par respect, au moins pour les quelques chercheurs encore au travail en quête de nos traditions folkloriques, de ne plus utiliser le mot folklorique comme un repoussoir, comme une aberration mentale ? J’espère que cela est encore possible.

Quant à Mario Beaulieu, est-il folklorique ? Il s’engage avec conviction pour une cause qui mérite le respect au-delà des oscillations des pauvres sondages publiés dans les médias et il faut reconnaître son courage. Seraient plutôt dépassés et désuets tous ceux et celles qui viennent en politique seulement par intérêt ou profit personnel. Ceux-là ne s’engagent certainement pas au Bloc québécois. Alors seraient-ils folkloriques ? Ce n’est pas moi qui le dirai.

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Serge Gauthier9 articles

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Serge Gauthier, Ph.D.
_ Président de la Société d’histoire de Charlevoix

Serge Gauthier est historien et ethnologue. Il détient un Doctorat de
l’Université Laval et il a publié de nombreux livres et articles sur
l’histoire de Charlevoix et aussi du Québec.





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