Lorsque l'information devient insidieuse

En tant que citoyen du Québec et du Canada, je m’interroge sur la qualité de l’information que nos médias transmettent, particulièrement en relation avec nos voisins de l’Amérique du Sud.

Tribune libre

À tous les médias du Québec
En tant que citoyen du Québec et du Canada, je m’interroge sur la qualité de l’information que nos médias transmettent, particulièrement en relation avec nos voisins de l’Amérique du Sud. Je voudrais illustrer mon propos avec un seul exemple qui dit assez bien l’approche qui inspire nos médias officiels.
Le 28 juin 2009, il y a eu un coup d’État civique-militaire qui a chassé du pays, par la force des armes, le Président constitutionnel du Honduras, Manuel Zelaya. Cette habitude de se débarrasser de Présidents dont les politiques ne cadrent pas avec les oligarchies nationales et internationales avait été délaissée depuis quelques années. Le développement de la conscience des peuples et la maturité des démocraties rendent de plus en plus difficiles pareils coups d’État. Le dernier à s’être produit fut celui du Venezuela, en 2002, et il ne dura que quelques heures.
Cette fois, la communauté latino-américaine s’est vite mobilisée pour condamner ce coup d’État et la communauté internationale a suivi en dénonçant fortement cette action. Tous s’accordèrent pour demander le retour immédiat du Président constitutionnel. Des mesures diplomatiques ont été prises pour indiquer clairement que la communauté internationale ne reconnaissait ni ne reconnaitrait le gouvernement de facto : les ambassadeurs ont été retirés des ambassades et les diplomates qui donnèrent leur soutien au coup d’état ont été dépouillés de leurs titres et privilèges diplomatiques. Le seul Président reconnu est Manuel Zelaya et il le sera jusqu’à ce jour.
Comment nos médias identifient-ils ce Président dans leurs communiqués de presse ou leurs commentaires ?
Ils le qualifient comme quelqu’un qui a perdu son rang de Président, même si la communauté internationale a maintenu sa relation avec Manuel Zelaya comme le seul et unique Président du Honduras. Tous l’ont confirmé comme le Président constitutionnel du pays. Alors pourquoi dire qu’il a perdu son rang?
Ils le montrent également comme quelqu’un qui a perdu sa réputation. Comment peut-on dire cela au moment où, conformément à sa réputation, il se montre un homme de dialogue et de compromis pour en arriver à résoudre pacifiquement les problèmes soulevés par ce coup d’état civique-militaire. Il est allé le plus loin qu’un Président puisse aller pour résoudre le conflit. Il était disposé à signer l’accord de San José, rédigé sous les auspices du médiateur Oscar Arias. Cet accord devait lui permettre, à certaines conditions, de retourner dans le pays par des voies normales et reprendre la direction du pays sans qu’il y ait un bain de sang. Les Putschistes n’ont jamais voulu signer cet accord. Manuel Zelaya était allé au bout du raisonnable comme homme de dialogue et comme pacifiste. En cela sa réputation en a gagné plusieurs à sa cause.
Enfin, ils le présentent comme quelqu’un qui a perdu sa dignité. Comment peut-on dire qu’il a perdu sa dignité alors qu’il n’a pas baissé les bras durant les 86 jours et plus que durent son exil et le vide constitutionnel du pays. Il est intervenu auprès de gouvernements, d’organismes régionaux et multilatéraux, il a sensibilisé l’opinion publique mondiale sur la situation que souffrait son peuple et demandé à plusieurs reprises au gouvernement des États-Unis de renforcer ses moyens de pression pour mettre fin à cette aventure soutenue par des oligarchies nationales et internationales. Il a finalement risqué sa propre vie en s’aventurant par ses propres moyens au cœur de la capitale hondurienne pour y rejoindre son peuple et participer directement à la réconciliation nationale. Est-ce là perdre sa dignité?
C’est en consultant le Petit Larousse au mot « déchu » que j’ai réalisé l’ampleur de la désinformation insidieuse à l’endroit du Président constitutionnel du Honduras. Que dit-il ?
« Déchu : qui a perdu son rang, sa réputation et sa dignité. »
Si vous lisez les journaux ou écoutez les nouvelles, vous réaliserez que l’on vous parle du Président déchu et non du Président constitutionnel. Pas surprenant que les québécois et québécoises soient si peu et si mal informés sur ce qui se passe en Amérique latine. En agissant ainsi nos médias apportent leur soutien aux putschistes du Honduras qui ont sabré dans la démocratie, celle-là même pour laquelle nous envoyons nos soldats combattre en Afghanistan.
De grâce ne prenez pas vos lecteurs et lectrices pour des imbéciles. Offrez leur une information qu’ils évalueront eux-mêmes.
Oscar Fortin
http://humanisme.overblog.com

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Oscar Fortin292 articles

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 novembre 2009

    «Pas surprenant que les québécois et québécoises soient si peu et si mal informés sur ce qui se passe en Amérique latine» avez-vous écrit dans votre texte.
    Nous ne sommes même pas informés de ce qui se passe réellement ici, alors…
    Que des peccadilles, des demi-vérités, des propos nuancés qui portent à confusion, des statistiques douteuses, des explications qui n'en sont pas, etc, bref, on peut nommer ça du théâtre ou par le vrai mot: des mensonges!
    Heureusement grâce à Internet on trouve des informations sérieuses qui «parlent des vraies affaires», et disent la vérité en nommant leurs sources, sûres.
    À nous de suivre notre intuition, elle ne ment jamais, elle!
    Merci!

  • Raymond Poulin Répondre

    24 septembre 2009

    Plus une situation est troublante, plus elle devient claire. À force d’aligner des séries de convergences, on finit par bâtir une preuve. Lorsque La Presse, The Gazette, Le Monde, Libération, le Figaro, le Nouvel Observateur, Le Point, Der Spiegel, les télés canadiennes, étasuniennes, françaises, britanniques, italiennes, allemandes, alouette, et parfois même Le Devoir emploient dans la même semaine les mêmes termes calomnieux ou persifleurs pour diaboliser les mêmes personnalités politiques, la conclusion s’impose d’elle-même : les vraies droites et les fausses gauches occidentales mangent au râtelier de la même oligarchie. Comme l’affirmait un personnage de George Orwell : «Even the underground is an extension of the Party».

  • Archives de Vigile Répondre

    24 septembre 2009

    Effectivement, j'ai transmis ce texte à l'ensemble des journaux regroupés dans Cyberpresse et évidemment au journal Le Devoir. À ce jour je n'en ai eu aucun écho dans leurs publications. Si quelqu'un réalise que le texte a effectivement été publié dans un ou l'autres des journaux, me le faire savoir pour que j'en félicite le média. Également, Jean-Michel Leprince, de Radio-Canada, a été sur ma liste sélective.

  • Serge Charbonneau Répondre

    24 septembre 2009

    C'est bien que ce texte soit publié sur Vigile (une tribune ouverte et sans trop de censure), mais c'est dans La Presse, Le Devoir, Le Soleil, Le Journal de Montréal et de Québec ou encore sur le site de Radio Canada que ce texte devrait être publié.
    C'est le lectorat "captif" de ces médias dominants qui devrait être sensibilisé. Malheureusement, un tel texte ne passe pas dans ces journaux. Plusieurs ont, à maintes reprises, essayé. Tout discours divergeant, tout discours pouvant favoriser l'éveil des consciences est automatiquement rejeté.
    Ceci est un autre fait troublant.
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Serge Charbonneau Répondre

    24 septembre 2009

    Merci Monsieur Fortin pour cette excellente réflexion.
    Goebbels disait, par expérience, qu'un mensonge répété plusieurs fois passait pour une vérité. Il semble aussi qu'un mot répété ad nauseam s'imprègne dans l'imaginaire collectif.
    Il est étrange de constater avec quelle ferveur et surtout quelle constance nos médias emploient ce qualificatif : «déchu» pour décrire le Président légitime du Honduras.
    Encore aujourd'hui, même dans sa courte description de la nouvelle sur sa page internationale, Radio-Canada nous parle du Président «déchu».
    Sur la nouvelle même on relève pas moins de TROIS «déchu» en l'espace de 17 lignes.
    http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2009/09/24/001-Honduras-levee-couvre-feu.shtml
    Il semble qu'on veuille à tout prix rentrer de force dans la tête des gens que ce Président ÉLU et légitime du Honduras est «déchu».
    Tout comme on nous a dit que Chávez est une «bête noire».
    Il semble y avoir des termes clefs pour aiguiller l'opinion. Un terme qu'on maintient et qu'on reprend sans relâche comme une sorte de technique d'endoctrinement de l'opinion.
    Monsieur Parent fait aussi une réflexion bien troublante.
    «Je ne veux pas jouer les complotistes, mais c’est curieux, il semble qu’il y ait comme une éminence grise quelque part qui décide ce que le bon peuple doit savoir et de quelle façon il doit penser.»
    Lorsque l'on observe attentivement différentes situations et entre autres les médias, on peut facilement en conclure à une sorte de complot. Certains constats sont tellement hallucinants qu'on se demande vraiment s'il s'agit de complots organisés ou tout simplement que d'un malheureux hasard.
    En tout cas, il faut rester l'œil critique et chercher constamment à se faire sa propre opinion peu importe le courant de pensée que nous imposent les médias dominants.
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Michel Guay Répondre

    24 septembre 2009

    Pour la première fois dans l'histoire du monde Internet permet de mieux nous informer et de mieux informer.
    Les médias conventionnels appartiennent à des groupes d'intérêts ou des familles pour ne pas dir mafias qui acceptent même de gérer des médias non rentable pour pouvoir dominer et diriger les nations
    Ici au Québec nous avons un sytème médiatique colonial au service des canadians de leurs fire valoir les fédéralistes et des multinationales qui ne nous informerons jamais sur les colonies du monde et sur leurs méthodes pour les dominer car ils doivent absolument donner l'illusion de démocratie, ou de coups d'états légitime ou de guerres propres
    Les médias sont tous dirigistes et anti démocratiques avec une façade de grande liberté , vous pouvez tout dire dans ces médias sauf ce qui dérange directement les dirigeants ou ce qui va contre leur véritables buts inavouables
    100% des médias appliquent cela car des véritables médias qui informent vraiment ça n'existe pas encore à part internet et internet libre ça ne durera pas longtemps la censure et les muselages y sont de plus en plus omniprésents sous des prétextes de pédophilie, de racisme ou de terrorisme .

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2009

    Vous soulevez un point très important. Je ne veux pas jouer les complotistes mais c'est curieux, il semble qu'il y ait comme une éminence grise quelque part qui décide ce que le bon peuple doit savoir et de quelle façon il doit penser. C'est vrai pour le Honduras, vous nous l'avez démontré ici, mais c'est vrai aussi pour le Québec, chez-nous. Je vous donne en exemple l'Afghanistan. On nous raconte dans les journaux ce que l'armée et le gouvernement Harper veulent bien que l'on sache et vous savez comme moi que ce n'est pas la vérité, pourtant ce sont nos enfants qu'ils envoient à la boucherie sous de fausses représentations. J'ai même vu, il y a quelques jours, en mémoire de son fils décédé à la guerre, un père décorer à grand frais son semi-remorque pour encourager l'armée à continuer, celle-là même responsable de la mort de son fils!!! C'est aberrant, ça dépasse l'imagination. Personne dans les médias ne va dénoncer ces aberrations.
    Une question alors, qui dirige en réalité? Qui décide ce que doit être la « vérité » officielle? Quelle puissance manipule nos pions de politiciens?....et tant qu'à y être, qui décide de la grippe H1N1....qui décide d'acheter des vaccins dangereux en quantité industrielle? Je suis certain que ce sont les mêmes.
    Quand la crise financière a commencé, les médias ont tous joué les catastrophistes. On devait faire peur au monde, c'était leur rôle. Quand la population a peur, on peut la manipuler à volonté, c'est bien connu. C'est ça l'information de nos médias, ici? Dans plusieurs pays d'Amérique de sud, de grosses multinationales fruitières américaines font la loi, ne respectent aucunement les gens du pays où ils sont, corrompent les pouvoirs publics. À titre d'exemple, à une certaine époque, en Argentine, pour soutenir les tyrans qui dirigeaient le pays à leur profit, Ford, pourtant bien connu ici, fournissait aux agents gouvernementaux des salles de tortures dans leurs usines pour mater les ouvriers, les syndicats. Est-ce que les médias d'ici en ont parlé?....bien sûr que non, c'était à l'époque, secret. On ne devait pas savoir ça. Les gens n'auraient pas acheté de voitures Ford.
    On dit, presse libre, vous voulez rire? Merci M. Oscar Fortin d'avoir soulevé ce sujet.
    Nous vivons à une époque où les mensonges des politiciens sont tellement profonds, irréels, où la presse semble être à leur service, faut-il alors se surprendre d'obtenir de celle-ci de l'information tronquée, biaisée?
    Ivan Parent

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2009

    Une référence qui enrichit la présente réflexion