Pour le gouvernement Legault, c’est tout un soulagement. Après lui avoir demandé de suspendre l’application de la nouvelle loi sur la laïcité pendant un an pour tenir des consultations, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) change d’idée et s’engage à appliquer la loi immédiatement.
La CSDM prend ainsi une décision sage. Car pour ou contre cette loi et son interdiction du port de signes religieux aux enseignants embauchés après le 27 mars 2019 dans les écoles publiques, de ne pas l’appliquer aurait envoyé un message très troublant pour une institution publique.
Il est évident et normal que des individus fortement opposés à cette loi chercheront à y désobéir – un reportage de TVA en donnait d’ailleurs quelques exemples au bulletin de nouvelles de mercredi soir.
Mais pour une institution publique et des élus, la désobéissance civile n’est tout simplement pas une option viable. Pour la CSDM, un tel geste aurait été hautement irresponsable.
Cela dit, la réalité toute nue est que cette loi sera complexe à appliquer. Très complexe.
Comme je l’expliquais ici, le vrai test de la loi sera celui du réel sur le terrain.
Et d’ajouter :
«La CSDM pose une sacrée bonne question : comment les gestionnaires pourront-ils juger, sans commettre d’injustices passibles en plus de sanctions, ce qui constitue ou non un signe religieux ? Car la définition d’un signe religieux, ajoutée in extremis à la loi, est d’un flou inquiétant.
On le décrit ainsi : « tout objet, notamment un vêtement, un symbole, un bijou, une parure, un accessoire ou un couvre-chef », s’il est porté « en lien avec une conviction ou une croyance religieuse » ou « raisonnablement considéré comme faisant référence à une appartenance religieuse ». Bonjour l’arbitraire.
Les gestionnaires devront-ils demander à de nouveaux enseignants si leurs croix, kippa, hijab, turban ou autre relèvent ou non d’une vraie « conviction » ou « croyance » religieuse ?
Devront-ils tenir un registre séparant les nouveaux enseignants, à qui on interdira tout signe religieux, de ceux qui, embauchés avant la loi, pourront garder le leur, mais à condition de ne pas changer de poste ou d’école ? Et ce, dans un réseau où plusieurs enseignants sont mobiles. Qui plus est, un immense réseau public de 191 établissements, 17 000 employés et 114 000 élèves.»
Je me permets de rappeler ces éléments parce qu’au cours des prochains mois, dans les écoles publiques montréalaises, ces problèmes risquent d’apparaître.
Que l’on soit pour ou contre cette loi, il n’en reste pas moins que pour la sérénité des écoles publiques déjà suffisamment éprouvées par le manque de ressources, de même que pour le bien-être des élèves et des enseignants, il est à espérer que ces conflits seront l’exception. Mais seul le temps le dira.