CHAMOUCHOUANE–BOUT-DE-L’ÎLE

Ligne sous haute tension

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Le pape Couillard se passe de l’avis du BAPE

En officialisant vendredi la construction d’une ligne électrique qui reliera Montréal au Lac-Saint-Jean, le gouvernement Couillard a fait l’erreur d’ignorer les recommandations du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), dénoncent en choeur les opposants au projet.

Lors d’une conférence de presse tenue à Montréal aux côtés du p.-d.g. d’Hydro-Québec, Thierry Vandal, et du ministre des Ressources naturelles, Pierre Arcand, le premier ministre, Philippe Couillard, a donné son feu vert au projet Chamouchouane–Bout-de-l’Île. Celui-ci prévoit la construction d’une ligne électrique de 735 kV longue de 400 kilomètres et du nouveau poste électrique Judith-Jasmin, à Terrebonne. Québec investira 1,4 milliard de dollars.

Le projet nécessitera 18 mois de travaux et sa mise en service est prévue à l’automne 2018. En période de pointe, 1500 travailleurs seront affectés à l’ouvrage, qui débutera bientôt par du déboisement dans la portion nord, c’est-à-dire au Lac-Saint-Jean, près de Saint-Félicien.

Selon M. Couillard, il s’agit « du plus important projet de ligne de transport d’électricité depuis les 20 dernières années ». « Ce projet […] permettra de sécuriser l’approvisionnement en électricité des grands centres de consommation, dont l’île de Montréal et le sud de Lanaudière », a-t-il déclaré.

M. Vandal a ajouté que ce projet réduira les pertes électriques sur les lignes existantes en palliant « l’effet d’entonnoir » qui se produit au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Quatre lignes de transport arrivent du nord au Lac-Saint-Jean, alors que trois lignes se dirigent ensuite vers le sud.

« Avec le temps, l’effet d’entonnoir est devenu un réel goulot d’étranglement, qui se traduit par des pertes d’électricité importantes et croissantes, sous forme d’énergie qui se perd en chaleur sur les lignes. […] Il fallait faire quelque chose », a commenté M. Vandal, qui assure que c’est la meilleure solution qui a été retenue.

Deux solutions

Le projet Chamouchouane-Bout-de-l’Île a reçu l’aval de la Régie de l’énergie et de la Commission de protection du territoire agricole, mais pas celui du BAPE.

Dans sa demande déposée auprès de la Régie de l’énergie, Hydro-Québec a proposé deux solutions pour renforcer son réseau de transport : la construction d’une nouvelle ligne de 735 kV ou la mise à niveau d’infrastructures de transport existantes. La Régie a finalement approuvé la première solution, jugée plus rentable.

Dans son rapport rendu public à la fin du mois de mars, le BAPE a toutefois recommandé de mettre sur la glace le projet de ligne électrique. « Il appert que la compensation série, bien qu’elle soit moins économique que la ligne projetée sur le plan des pertes d’électricité, entraîne nettement moins d’impacts humains et écologiques que la ligne projetée, puisque l’équipement requis serait installé sur des lignes ou dans des postes existants », a-t-on fait valoir en réclamant d’autres analyses.

La construction d’une nouvelle ligne a également suscité l’opposition de nombreux élus, citoyens et gens d’affaires de la région de Lanaudière. La présidente du comité Citoyens sous haute tension, Chantal Lapointe, déplore le fait que le gouvernement a choisi d’ignorer l’avis du BAPE, qu’il avait lui-même sollicité. « C’est Arcand contre Heurtel, a-t-elle lancé en entrevue. Pourtant, l’économie et l’environnement peuvent aller ensemble. »

Mme Lapointe réclame notamment que Québec élargisse les indemnisations financières versées aux propriétaires de terrain qui pourraient voir la valeur de leur propriété diminuer avec l’arrivée des nouvelles infrastructures. Le comité se réunira prochainement pour « évaluer ses possibilités » et n’exclut pas d’intenter un recours collectif.

Le Parti québécois, pour sa part, a dénoncé la décision « empressée » de Québec. « Le gouvernement libéral refuse encore d’écouter les citoyens et les maires. Il fonce tête baissée, malgré le fait que la population est contre le projet », a affirmé son porte-parole en matière d’énergie, Bernard Drainville.

De son côté, la Coalition avenir Québec n’est pas opposée au projet de ligne, mais sa porte-parole dans le dossier, Sylvie Roy, s’interroge sur les motivations du gouvernement. « À quoi sert-il de soumettre un projet au BAPE pour l’ignorer complètement au final ? Les libéraux semblent avoir une relation amour-haine avec le BAPE. »

Devant ces critiques, le premier ministre Couillard est resté de marbre. « Bien sûr, on ne peut pas faire l’unanimité. Dans une société, ne faisons pas l’erreur de penser que le consensus signifie l’unanimité. Dans tous les grands projets, notamment les grands projets énergétiques du monde, il y a toujours des débats », a-t-il répondu.


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