Sur la laïcité

Lettre d'opinion par Victor-Lévy Beaulieu

Laïcité — débat québécois

André Drouin m'a envoyé par courriel ce texte de Victor-Lévy Beaulieu que j'envoie à Vigile pour publication parce que je sais que VLB écrit pour être lu et que son opinion sur la laïcité vaut le déplacement.
Robert Barberis-Gervais

Mardi, 30 mars 2010 - 19:15

Opinion - Sur la laïcité

Lettre d'opinion par Victor-Lévy Beaulieu

TROIS-PISTOLES, QC, le 30 mars /CNW Telbec/ -

Quand on parle de laïcité ouverte, c'est de l'hypocrisie pure et simple parce que la laïcité ouverte n'est rien d'autre que ce qui existe déjà. Moi qui ne crois pas à ce monde tordu des croyances, je lutte depuis 1964 pour la laïcisation du Québec parce que toutes les religions ne sont plus que de la pourriture.

Que Jean Charest, le Bloc québécois et Québec solidaire ne comprennent pas que les Églises sont un cancer qui a tué et continue de tuer plus de monde que toutes les guerres (dont elles sont presque toujours l'origine d'ailleurs), me sidère. Qu'ils considèrent que le catholicisme constitue l'une des valeurs fondamentales de notre société, alors que notre Église a vendu son âme au diable anglais et l'a servi lâchement pour mieux faire de nous une sous-humanité, me répugne.

Qu'il y ait toujours un crucifix à l'Assemblée nationale du Québec et qu'on tienne à l'y voir rester, dit bien jusqu'à quel point nous sommes sadomasochistes et névrosés. Quand Radio-Canada fait appel à un professeur d'université d'ascendance juive, soi-disant agnostique, mais défendant la laïcité ouverte, voilà ce que j'appelle un détournement d'information, surtout si le savant professeur est là pour me faire croire que les signes religieux ne constituent pas en soi un prosélytisme, que porter la croix chrétienne au cou, les bouclettes juives de chaque bord des oreilles, le kirpa à la ceinture et le foulard islamique dessus la tête, sont tout à fait admissibles, aussi bien dans l'espace public qu'ailleurs, ce n'est là que de la perversité.

Du temps que je militais activement pour l'indépendance du Québec, que je portais un macaron du RIN ou du Parti québécois au revers de ma veste, on refusait que je les porte dans les maisons d'enseignement et dans toutes nos institutions parce que, me disait-on, du seul fait de les arborer, je faisais du prosélytisme. Pourquoi ce qui est vrai en politique ne l'est plus lorsqu'il s'agit de religion?

Quand Amir Khadir et Mère Therésa défendent la laïcité ouverte, soi- disant parce qu'elle permet aux immigrants de mieux s'intégrer, quel retournement de sens! De la même espèce que celle qui essaie de nous faire croire que Montréal est une ville interculturelle! Les Juifs ne sortent pas de leur ghetto, pas plus que les Chinois, les Musulmans, les Grecs ou les Anglais : ils ne communiquent même pas entre eux! Comment peut-on faire semblant de penser qu'ils le font avec la nation québécoise et française, qu'ils s'intéressent à notre culture? Nous lisent-ils?

Écoutent-ils notre musique? Voient-ils notre cinéma? Notre théâtre? La réponse, c'est : non, pantoute! Ce qui explique que Montréal est devenue au nom des accommodements déraisonnables (langue, éducation, travail) une ville de ghettos, et c'est l'une des raisons pourquoi les francophones la désertent de plus en plus.

Quand le maire Tremblay croit qu'il suffira de quelques raccommodements financiers pour que les francophones repeuplent la nécropole, il prend sa vessie pour une lanterne! Il ne comprend surtout pas l'écoeurement des francophones qui, eux, ne peuvent pas se servir des chartes des droits et libertés pour revendiquer les leurs! Le sionisme du Conseil juif désormais québécois (quelle hypocrisie encore!) est là pour nous en donner la preuve tous les jours!

Quand on veut que je me définisse par rapport aux autres, quand les musulmans, les chrétiens, les juifs et tous les autres fous de Dieu considèrent qu'il n'y a que moi à avoir des devoirs puisqu'eux ont tous les droits, et que ces droits-là sont pour tout dire divins, je hurle qu'il est temps qu'on reprenne ce combat pour la vraie laïcité, qu'on croyait avoir gagné, mais qui, dans mes mauvais jours, me paraît être un combat qu'on a désastreusement perdu parce que, au nom de la politique sale, veule et aliénée, on a laissé notre langue et notre être se corrompre et se pervertir au point que voilà où nous en sommes : à laisser les autres nous imposer ce que nous devrions être, c'est-à-dire les larbins de leur fanatisme.

Quand on ne sait pas encore que Dieu est mort, que les Églises sont de grandes salopes et les religions la négation de toute civilisation, on reste dans le trou noir de son obscurantisme, on n'écoeure pas les autres avec!

Victor-Lévy Beaulieu

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Victor-Lévy Beaulieu84 articles

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Victor-Lévy Beaulieu participe de la démesure des personnages qui habitent son œuvre. Autant de livres que d'années vécues, souligne-t-il à la blague, comme pour atténuer l'espèce de vertige que l'on peut éprouver devant une œuvre aussi imposante et singulière. Une bonne trentaine de romans, une douzaine d'essais et autant de pièces de théâtre ; des adaptations pour la télévision





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 avril 2010

    Pas d'accord avec le jugement de VLB sur notre catholicisme. J'ai une expérience différente de la sienne. Son ami docteur Ferron avait aussi une vision différente sur le rôle de l'Eglise dans l'histoire de notre peuple et plus positive, je crois.
    J'approuve à cent pourcent toutefois la virulence de VLB sur la question de la laïcité dite ouverte qui est, à mon avis, une imposture. Françoise David, par un féminisme dévoyé, l'impose à son parti, c'est Jean Archambault qui le dit. Le Bloc Québécois, lui, influencé par Jean Dorion qui pleure sur le voile, a sans doute peur de passer pour intolérant, cette peur étant une maladie infantile des nationalistes. Allez lire l'excellent texte de Richard Martineau: Le désert des Tartares.
    Non mon propos est de commenter une partie du texte et je cite:
    "Les Juifs ne sortent pas de leur ghetto, pas plus que les Chinois, les Musulmans, les Grecs ou les Anglais : ils ne communiquent même pas entre eux ! Comment peut-on faire semblant de penser qu’ils le font avec la nation québécoise et française, qu’ils s’intéressent à notre culture ? Nous lisent-ils ? Écoutent-ils notre musique ? Voient-ils notre cinéma ? Notre théâtre ? La réponse, c’est : non, pantoute !"
    On accuse parfois VLB d'exagérer. Je voudrais corroborer son jugement.
    Je cherchais à me procurer un livre de James Joyce: A Portrait of the Artist as a Young Man. Je suis allé dans des librairies de livres usagés à l'Ouest du magasin la Baie à Montréal. J'ai trouvé ce que je cherchais en jasant avec le libraire qui m'a semblé un érudit par rapport à la littérature anglaise. Il m'a impressionné. Parenthèse: en 1966, l967, j'ai enseigné la théologie au Loyola College (devenue Concordia University); j'ai donné un cours (en anglais évidemment) sur l'athéisme contemporain et un cours (en français) sur la signification de l'oeuvre de Georges Bernanos. C'était la première fois dans l'histoire du Loyola College qu'un cours se donnait en français en dehors du French Department. Les Jésuites en ont pris bonne note. Ajoutons à cela que je demandais à mes élèves de m'expliquer ce que faisait le drapeau de l'Angleterre, l'Union Jack, dans la chapelle catholique des Jésuites. Vous voyez que ce n'est pas d'hier que je prône la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Malgré une "student evaluation" élogieuse de mes cours, au moment d'acquérir la permanence, je fus remercié de mes services.
    Ce court récit afin que vous sachiez que j'ai fréquenté les Anglais de Montréal.
    Or, dans ma conversation avec le libraire, un homme dans la quarantaine, je lui ai demandé s'il avait des livres de Victor-Lévy Beaulieu.
    Il m'a répondu: "Never heard of him". "Je n'ai jamais entendu parler de lui."
    J'étais sous le choc. Nous étions en 2007. VLB avait publié son livre magistral sur James Joyce en 2006. Je n'en reviens pas encore. Il est vrai que VLB n'a publié que 70 livres et qu'il n'a été l'auteur que de quelques télé-romans sans oublier son travail comme éditeur depuis plus de quarante ans et comme animateur culturel autour de Trois-Pistoles.
    Pour certains anglophones, la culture québécoise se résume à Céline Dion et au Cirque du Soleil.
    Avant de dire que VLB exagère sur quelque sujet que ce soit, pensez-y deux fois.
    Puisqu'on est dans la semaine sainte, VLB me rappelle une parole de Jésus:
    "Malheur aux tièdes."
    Joyeuses Pâques à tous et à toutes.
    Robert Barberis-Gervais, Vieux-Longueuil, 1er avril et ce n'est pas un poisson d'avril.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 avril 2010

    Très beau portrait du "Montréal interculturelle"

    «? Nous lisent-ils ? Écoutent-ils notre musique ? Voient-ils notre cinéma ? Notre théâtre ? La réponse, c’est : non, patoute».

    En toute modestie, ca fait des années que je dis cela, que je dénonce l'affreux nationalisme territorial, le "un Québécois c'est quelqu'un qui vit au Québec" du Bloc. C'est une langue de bois, une vision de l'esprit qui ressemble à rien à la réalité.
    Il a fallu la crise des accommodements raisonnables, déclenchée par le jugement du poignard à l'école, pour que l'immense baloune nous pète dans la face.

    Je ne vous suis pas parcontre sur le crucifix à l'Assemblée nationale. Non pas que le double message ne soit pas confondant, non pas qu'il ne faille pas tourner la page sur le catholicisme, mais face au kirpan à l'école, aux garderies sans jambon et aux mosquées qui poussent partout, il nous reste quoi comme symbole identitaire pour dire à l'autre que nous aussi on a une religion nationale, si gênante soit elle parfois?

  • Archives de Vigile Répondre

    1 avril 2010

    Quelle cohérence et quel aplomb cette franche opinion de VLB qui m'incite à me demander des fois si nous avons avons la maturité nécessaire pour en venir à s'affirmer comme nation?
    Quand sous des excuses d'histoire et de culture nous nous refusons de sortir le crucifix de l'Assemblée nationale mais que du même souffle nous voulons défendre la laïcité de notre société, force de constater que nous voulons le beurre et l'argent du beurre.
    Les minorités qui veulent s'imposer détectent facilement notre faiblesse.
    Quand on a peur de se faire traiter de xénophobes et d'intolérents quand il s'agit d'affirmer nos valeurs nos moeurs et coutumes comme nation et que l'on hésite à mettre des balises claires et précises sur le fonctionnement de notre société rien n'empêche de conclure à la névrose collective et au réflexe de colonisés jusque dans la moëlle de l'os.
    James A. Wilkins
    Lac Brome

  • Andréa Richard Répondre

    1 avril 2010

    Merci Monsieur Beaulieu,
    Vous avez le mérite de ne pas avoir peur de dire tout haut ce que bien d'autres tout en le pensant, n'osent pas!
    Vous mentionnez dans votre texte : l'Église, que l'on considère comme une "valeur"....Moi ce qui me choque, c'est lorsqu'on parle des religions comme étant des "valeurs" alors qu'on ne doit pas les situer dans l'échelle des valeurs, mais pas du tout, loin d'être une valeur, elles sont des Institutions d'endoctrinement: dogmes et doctrines mensongers! c'est a dénoncer...
    En plus il est maintenant prouvé historiquement et scientifiquement que l'origine des dieux vient des Seigneurs des villages et villes, qui se déifiaient eux-mêmes! voir: Quiproquo Dieu ..de Bernard Lamborelle, éditions Éditas.
    Ce qui me dépasse aussi, c'est qu'on dirait que les gens ont peur de connaître la vérité ou ne veulent simplement pas savoir...pourquoi?
    Andréa Richard, aureure de Au-delà de la religion.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 mars 2010

    Une chance qu'on l'a, lui !
    Il se tient plus droit et fière, tout seul, qu'une armée de nos jeunes !
    Ce que l'Église Catholique a perdu, lui en vit.
    L'esprit.