Les souverainistes et le gouvernement fédéral

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Un rapport des plus ambigus





Il y a quelque chose de saugrenu à demander sans cesse au Bloc québécois de justifier son existence en martelant que les souverainistes ne devraient pas se mêler des élections fédérales. Comme si les nationalistes québécois n’avaient pas le droit de faire valoir leur point de vue sur la scène fédérale, comme si cette dernière était réservée aux partis procanadiens. Ailleurs dans le monde, les nations minoritaires n’ont pas un tel souci.


Il faut néanmoins convenir d’une chose: les Québécois semblent vouloir jouer le jeu de ces élections fédérales en laissant de côté la question nationale. Ils voient certainement le NPD comme le vecteur d’un certain nationalisme sur la scène fédérale. En votant pour le NPD, bien des Québécois ont probablement l’impression, d’une nouvelle manière, de se porter à la défense de leur société distincte.


Si la tendance se maintient, la campagne se polarisera de plus en plus dans une guerre à finir entre les conservateurs de Stephen Harper et les néo-démocrates de Thomas Mulcair, qui se présentent comme les seuls capables de le renverser. Les libéraux de Justin Trudeau pourraient bien connaître un déclassement historique. Il y avait manifestement des limites à transformer un personnage qui cadrerait bien avec une téléréalité en chef de parti politique.


Dans un contexte où la querelle entre la gauche et la droite semble supplanter la question nationale, le Bloc risque de se contenter de l’appui de la base souverainiste, qui n’est pas insignifiante, mais qui est loin d’être majoritaire. On connaît le mot de Bismarck: dans une joute à trois, mieux vaut être un des deux. Pendant près de vingt ans, le Bloc était un parti dominant. Aujourd’hui, il pose une question qui intéresse moins qu’avant les électeurs.


On peut certainement s’en désoler et y voir un indice de plus de la régression du Québec. Nous sommes témoins d’une canadianisation de plus en plus marquée de la vie politique québécoise. On pourrait aussi parler d’une canadianisation mentale du Québec, conséquence inévitable de l’échec des souverainistes. Un peuple ne rate pas son indépendance sans en payer le prix. Et ce prix, c’est son identité.


À Ottawa, à tout le moins, les Québécois semblent vouloir participer au Canada et à son gouvernement. Ils se conçoivent de moins en moins comme une minorité nationale obligée de défendre ses droits, la présence d’un parti nationaliste à Ottawa n’étant de ce point de vue que la traduction politique de la crise structurelle du régime fédéral. Peut-être une aile nationaliste se formera-t-elle au NPD comme il y en avait une au Parti conservateur dans les années 1980.


On devine que les stratèges du Bloc se demandent en ce moment comment parvenir à imposer leur parti dans la campagne. L’hostilité viscérale au NPD ne prend manifestement pas dans la population. Et il n’a pas le monopole de l’hostilité au gouvernement Harper. Comment parvenir alors à se faire entendre par la population? Comment élargir son bassin électoral? Il faut dire que le Bloc pourra crier victoire s’il obtient une douzaine de députés.


Le Bloc parviendra-t-il à convaincre un nombre significatif de Québécois qu’il importe peu que le gouvernement fédéral soit conservateur ou néo-démocrate, dans la mesure où le poids du Québec y sera toujours négligeable? Réussira-t-il à les convaincre que le NPD parle des deux côtés de la bouche et que son programme diffère selon qu’on le présente en anglais ou en français? Il faudrait encore que les Québécois croient leurs intérêts vitaux compromis par le régime canadien.


Une question devrait néanmoins trotter dans l’esprit des leaders souverainistes : si le PQ, dans trois ans, remporte ses élections et déclenche rapidement un référendum, avec qui souhaiterait-il négocier à Ottawa? Thomas Mulcair qui, aussi fédéraliste soit-il, reconnaît le droit à l’autodétermination du Québec? Ou Stephen Harper qui pourrait préférer une réponse musclée pour contrer la sécession? Cette question fait aussi partie du calcul des prochaines semaines.




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