Depuis quelque temps, différentes déclarations publiques ont remis à l'avant-plan la question de savoir si les Québécois forment bel et bien une nation. Certains le croient sincèrement et y voient une valeur ajoutée dans l'ensemble canadien. [D'autres le nient avec véhémence et y voient se profiler le spectre d'un Canada cassé en «deux solitudes»->2292].
S'il fait l'objet d'un certain consensus dans la société québécoise, le caractère national du Québec est toutefois loin de constituer une évidence dans le reste du Canada. De fait, il existe ailleurs dans ce pays une certaine méconnaissance du Québec. Cela nourrit chez bon nombre de Québécois le sentiment qu'ils sont incompris par les Canadiens des autres provinces.
Pourtant, le Québec est bel et bien une nation au sens sociologique et politique. En effet, les Québécois forment un groupe qui est conscient de son identité, de son unité. Vivant au sein du seul État francophone en Amérique du Nord, les Québécois sont nourris par une volonté de vivre et de faire face à l'avenir ensemble.
La configuration sociolinguistique et identitaire particulière place la nation québécoise devant un destin unique en Amérique. Nulle part ailleurs sur ce continent ne trouve-t-on une société où l'interaction des cultures et des langues prend une forme aussi originale qu'au Québec, et ce, essentiellement en raison du fait que la principale langue de convergence et la culture publique dominante y sont minoritaires ailleurs au Canada et en Amérique.
Parce qu'elle vit sa différence au quotidien et est soucieuse de la voir s'épanouir, la nation québécoise constitue un véritable foyer d'intégration au sein du Canada, une société d'accueil qui se veut inclusive.
Le fait qu'il existe une nation québécoise n'empêche nullement qu'il existe également une nation canadienne. Celle-ci se fonde elle aussi sur des valeurs identitaires, partagées par les Québécois et les autres Canadiens, en plus de se traduire sur le plan juridique par cette pleine souveraineté qui est le propre des pays.
Il est bien pour une société de s'affirmer comme une nation, mais il est encore mieux pour elle d'être respectée et reconnue comme telle. On peut certes s'affirmer soi-même, mais on ne peut être véritablement «reconnu» que par autrui. Il est normal qu'une société, minoritaire de surcroît, insiste pour être acceptée et reconnue pour ce qu'elle est.
La spécificité du Québec -- fondée notamment sur la langue, la culture, le droit privé, les institutions, le mode de vie et un ensemble d'autres caractéristiques nationales -- est une source d'enrichissement pour le Canada plutôt qu'un obstacle à son unité. Seule une franche reconnaissance de cette spécificité est en mesure de réduire l'appui à la souveraineté du Québec. Espérer que le simple passage du temps fera son oeuvre relève de la pensée magique.
Les Québécois veulent pouvoir se reconnaître davantage dans la Constitution canadienne, ils veulent y voir le reflet de ce qu'ils sont. On ne peut certes pas reprocher au gouvernement fédéral de chercher à développer des valeurs communes à tous les Canadiens, mais on ne saurait non plus faire grief au Québec de développer sa spécificité et d'en rechercher une reconnaissance constitutionnelle.
Une telle reconnaissance enverrait un message clair que le Canada dans son ensemble profite de l'élément de «diversité profonde» que vient introduire le Québec dans son tissu social et dans sa dynamique politique.
On ne peut qu'encourager les signes d'ouverture aux aspirations du Québec et de respect et reconnaissance de son identité propre. Après tout, ce que souhaitent vivement la majorité des Québécois, c'est de pouvoir être Canadiens... à leur façon.
Benoît Pelletier
_ Ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes
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