Les périls de Pauline

PQ - (Joliette-Montréal) conseil national - janvier



J'avais six ou sept ans. J'habitais la rue Workman, cette rue de Saint-Henri qui traverse la rue Atwater près du marché du même nom, à quelques pas seulement de la caserne des pompiers au coin de Workman et Vinet. Au-dessus de la caserne des pompiers, il y avait une immense salle où, tous les dimanches, on présentait une séance de cinéma. Nous, les enfants, nous ne pouvions pas aller au vrai cinéma, car les parents craignaient qu'un incendie survienne et que nous soyons tous en danger de mort. Ça s'était produit quelques années auparavant et la peur était toujours présente. Mais au-dessus de la caserne des pompiers... j'imagine que ça les rassurait tout à fait.
Pour l'énorme somme de 5 ¢, nous avions droit à un après-midi complet de cinéma. C'est là que j'ai connu Roy Rogers et son magnifique cheval et que j'ai surtout appris qu'un cow-boy part toujours avec son cheval en laissant sa bien-aimée plantée là, faisant au revoir de la main. C'est là aussi que j'ai découvert l'extraordinaire clown qu'était Chaplin pour nous les enfants qui rêvions de l'imiter dans tout ce qu'il faisait parce qu'il nous faisait rire.
Il y avait aussi, parfois, des numéros de chanteurs ou de comiques. J'ai découvert ainsi Rose Ouellette, la Poune et sa troupe, sur scène. Nous ne comprenions rien aux blagues qu'ils racontaient, mais nous les adorions. Et puis, parmi les films courts qu'on nous présentait pour nous faire patienter, il y avait Les périls de Pauline.
C'était des petits films d'environ dix minutes, avec musique de fond, qu'on nous offrait en début de séance et qui racontaient les malheurs d'une gentille fille qui avait le don de se soumettre aux pires difficultés. Ce dont je me souviens, c'est que chaque épisode — j'ai dû en voir des dizaines — se terminait toujours sur un terrible danger dont on pouvait penser que Pauline ne pourrait jamais se sortir vivante. Ou bien les méchants la poussaient vers un précipice et elle restait accrochée à une branche d'arbre, les pieds dans le vide, ou elle était enfermée dans une armoire dans une maison en feu, ou elle tombait à l'eau au milieu des requins... jusqu'à la semaine suivante. Puis, on la retrouvait, souriante, sauvée de sa situation malheureuse, sans qu'on sache trop comment d'ailleurs, mais déjà en train de toucher au péril dans une histoire toute neuve.
C'est à cette Pauline-là que je pense chaque fois que Pauline Marois se retrouve en danger dans le «merveilleux métier» qu'elle a choisi. Chaque fois, j'ai envie de lui téléphoner pour lui dire: «Ne t'inquiète pas Pauline, ça ira mieux la semaine prochaine...» Parce que moi, je les ai tous vus ces films-là et que je sais ceci: quels que soient les périls mis sur sa route, Pauline s'en sort toujours. Il suffit de tenir une semaine! Bien sûr, ce sera à recommencer souvent, mais ça fait partie de l'histoire. Il suffit de tenir le coup.
Quand j'ai revu Bernard Landry cette semaine, les baguettes en l'air, j'ai ri de bon coeur. Ça m'a fait penser à l'épisode où ma Pauline du cinéma finissait par se retrouver les pieds et les mains liés, allongée sur les rails du chemin de chef avec, bien sûr, une locomotive qui fonçait sur elle à pleine vapeur... À six ans, je suis rentrée à la maison en pleurant, pour raconter à ma mère que cette fois-ci, je pensais bien que Pauline n'allait pas s'en sortir.
Erreur. La semaine suivante, Pauline recevait la médaille du courage des autorités de sa petite ville du Far West et elle souriait sous les applaudissements de la foule venue assister à la cérémonie. Ce fut mon dernier épisode des Périls de Pauline qui ont marqué mon enfance. C'était plus formateur pour les petites filles qui rêvaient de conquérir le monde que les niaiseries qu'on leur présente aujourd'hui.
Un jour, j'ai écrit une chronique pour dire que «j'avais perdu ma Pauline», que je ne retrouvais plus celle que je connaissais, cette fonceuse que j'avais engagée un jour comme directrice de mon cabinet ministériel après qu'elle m'eut avoué, un peu gênée, que le poste que je lui offrais pouvait bien ne pas lui convenir parce qu'elle n'était pas féministe. J'ai ri. Et je lui ai répondu qu'après seulement deux semaines avec moi, avec ce que j'avais comme responsabilités concernant les femmes, dans le milieu dans lequel nous allions travailler, elle le deviendrait rapidement.
Je peux vous dire que cette semaine, j'ai retrouvé ma Pauline, celle que j'avais perdue. Plutôt deux fois qu'une. Dans son «élégance de coeur» devant les attaques renouvelées à son endroit et dans une entrevue recommandée par un lecteur attentif et qu'on trouve sur le tube. Serait-ce le dernier épisode des périls de Pauline? C'est à voir.
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Pauline Marois à l'émission Le confident


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