Tant que la lumière n’aura pas été faite sur les pertes astronomiques de la Caisse en 2008-2009 on ne peut que spéculer sur la cause des comportements inacceptables des experts de la Caisse. Tous les gestionnaires de fonds peuvent se tromper sur les prévisions et les choix d’investissements. Cependant, ils ont tous des paramètres de risque à respecter absolument.
Pourquoi les responsables des placements ont-ils investi avant la crise dans des produits financiers qui ne respectaient pas les critères établis, et pourquoi n’ont-ils pas respecté les limites quant au minimum d’actions à détenir dans le portefeuille ?
La sous pondération en actions a coûté quelques milliards de dollars à la Caisse dans la première moitié de 2009. Le désastre de 2008-2009 n’aurait-il pas été orchestré pour fragiliser la Caisse et faciliter sa manipulation par des puissances financières externes? Les nouvelles orientations appellent à se poser la question. Après avoir humilié la Caisse avec les pires rendements, on s’est empressé de la vider de son expertise.
La Caisse de dépôt et placement du Québec présente sur son site internet un texte du président : UNE CONVERSATION AVEC MICHAEL SABIA, expliquant la nouvelle stratégie d’investissement de l’institution. On y parle d’une approche tout à fait différente qui a entraîné de grands bouleversements à l’interne et notamment le remplacement de la moitié du personnel en cinq ans.
Ce n’est pas nouveau qu’après une débâcle la Caisse prétende qu’elle a appris de ses erreurs et que les nouveaux dirigeants mettent de l’avant une stratégie nouvelle et améliorée. Cette fois encore le discours est bien ficelé mais il est particulièrement inquiétant.
D’abord la nouvelle approche ne corrige en rien les failles qui ont mené aux pertes de 2008-2009. La nouvelle administration a plutôt profité du contexte pour mettre à l’essai une nouvelle stratégie qui concerne principalement la gestion des portefeuilles d’actions.
On prétend que les indices de marchés ne sont pas fiables et que c’est une erreur de s’en servir comme référence comme le faisait la Caisse et un grand nombre de gestionnaires. Or les pertes de la Caisse en 2008-2009 n’ont rien à voir avec la composition de ses portefeuilles d’actions, elles proviennent directement ou indirectement d’un investissement massif dans des produits dérivés douteux.
La Caisse fera désormais une analyse approfondie des entreprises et investira dans celles qui seront jugées prometteuses, sans tenir compte de la composition des indices, qui elle reflète les choix de l’ensemble des investisseurs. Il s’agit là d’une approche d’investissement qui peut se défendre mais qui ne se traduit certainement pas par une réduction des risques.
Si je comprends que des grands fonds d’investissement privés aient progressivement développé une expertise qui leur permette de prendre des positions majeures dans des entreprises uniquement sur la base d’analyses internes, je ne peux pas croire cependant que la Caisse ait réussi en cinq ans à se constituer une équipe d’experts compétents pour investir des dizaines de milliards de dollars sans référence aux indices boursiers.
La Caisse possède une réelle expertise dans le domaine immobilier mais elle l’a développé sur quelques décennies et en acquérant au départ une firme déjà spécialisée dans le domaine. M. Sabia illustre la nouvelle approche en expliquant qu’à sa demande un groupe de gestionnaires se sont familiarisés avec une stratégie de gestion des gares de triage. Il laisse entendre qu’ils sont maintenant capables d’investir dans l’industrie ferroviaire en accord avec la nouvelle stratégie d’analyse fondamentale.
Ce n’est pas sérieux.
La précipitation de la Caisse dans la mise en place de cette nouvelle stratégie est suspecte. On a déjà converti tout le portefeuille d’actions internationales et sur la base de deux années de bons résultats on vise à l’appliquer à toutes les catégories d’actions rapidement.
Ce que je crains c’est que la Caisse ait décidé de s’appuyer discrètement sur les recommandations de partenaires bien choisis qui devraient lui permettre de générer des rendements impressionnants. C’est dangereux de dépendre de l’expertise des autres. Ils sont heureux de vous avoir comme partenaire au moment de l’investissement, mais, quand les choses tournent mal, ils ne vont pas nécessairement vous appeler pour dire qu’ils vendent massivement. C’est une leçon que la Caisse aurait pu retenir de 2008.
L’Assemblée nationale ne devrait-elle pas questionner en profondeur les dirigeants de la Caisse quant à ses nouvelles orientations, en impliquant également les membres du Conseil d’administration et des experts indépendants ?
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3 commentaires
François A. Lachapelle Répondre
3 novembre 2015Excellent article pour rappeler à nos souvenirs le nom d'un certain Henri-Paul Rousseau, pdg de la Caisse qui quitta ses fonctions le 30 mai 2008.
Il quitte son poste avant la fin de son mandat mettant en évidence le dicton " les rats quittent le navire avant qu'il sombre ".
Parions qu'avant son départ, il connaissait très bien les résultats "catastrophes" qui s'en venaient pour l'année 2008.
Le 9 mars 2009, il est applaudi par des gens d'affaires qui tenaient à lui rendre hommage pour avoir failli à ses responsabilités de fiduciaires du bas de laine des Québécois.
Tout ce qui s'assemble se ressemble: lui Rousseau non imputable et non responsable récupéré par Power en janvier 2009, eux les gens d'affaires satisfaits de servir une leçon de soumission aux élus à Québec et au peuple du Québec dans son ensemble.
Combien de fois les gens d'affaires se plaisent dans leur cupidité et se complaisent dans un capitalisme sauvage chez nous et dans tous les évitements fiscaux imaginables dans les paradis fiscaux. Leur indignité doit être gravée dans notre mémoire comme pour les 1300 millions offerts à Bombardier pour protéger 1700 postes. Nos enseignants(ES) et nos infirmiers(ÈRES) ont raison de mépriser Martin Coiteux, ce ministre opérateur d'une fausse austérité.
Jean-Claude Pomerleau Répondre
2 novembre 2015Sur la stratégie de gestion de risques implanté par Sabia aux coûts de dizaines de millions.. un agenda caché.
Mon texte de 2010 :
http://service.vigile.quebec/La-Caisse-Alerte-rouge
(...)
On apprend que la Caisse a mandaté, à fort prix, la société McKinsey pour lui fournir des conseils sur la gestion de risques. L’ineffable M. Bachand se porte à la défense de la décision prise par Sabia : « Quand tu as perdu 40 G$, réagit le ministre à l’émission de Jean-Luc Mongrain à LCN, peut-être que tu peux te questionner sur la gestion de risque et que c’est urgent de le faire avec la nouvelle direction. ».
Autre son de cloche : "Une lettre anonyme est parvenue à Argent dans les derniers jours (Décembre 2009)(1). Dans celle-ci, trois cadres du secteur du placement qui totalisent 42 ans d’expérience à la CDP font un portrait dévastateur de l’ambiance et de la gestion du PDG Michael Sabia. (...) Les signataires questionne également les « travaux cosmétiques en gestion de risques » effectués par la firme américaine McKinsey à coup de plusieurs dizaines de millions de dollars », une action qualifiée de visible et facile.
Pourquoi ce recours au consultant McKinsey, une « commandite » de Sabia ou plus grave encore. Une manœuvre pour doter la Caisse d’un cadre de gestion de risque destiné à servir les visées de puissants réseaux d’argents qui convoitent ses actifs ! J’explique plus loin que c’est en effet ce qu’il faut craindre : Alerte rouge !
Mais avant de revenir à l’opération McKinsey. Il convient de rappeler que la Caisse n’a jamais connu de problème majeur de gestion de risque dans son histoire. Jusqu’à ce que calamité Charest prenne le pouvoir.
(...)
(1) Climat de crise à la Caisse de dépôt
Le 10 décembre 2009 Ã 11h16 | ARGENT
Olivier Bourque
Argent
Même si la Caisse de dépôt et placement du Québec continue de dire que les récents changements de structure et à la direction sont souhaitables après l’année de misère 2008, une grogne interne s’est installée et ne vise pas seulement le programme de bonis mais aussi la gestion mise en place à l’institution.
Une lettre anonyme est parvenue à Argent dans les derniers jours. Dans celle-ci, trois cadres du secteur du placement qui totalisent 42 ans d’expérience à la CDP font un portrait dévastateur de l’ambiance et de la gestion du PDG Michael Sabia.
(...)
Les signataires questionne également les «travaux cosmétiques en gestion de risques» effectués par la firme américaine McKinsey à coup de plusieurs dizaines de millions de dollars», une action qualifiée de visible et facile.
En raison du caractère anonyme de la lettre, l’identité des cadres qui l’ont écrite n’a pu être confirmée. Toutefois, selon plusieurs sources, les informations comprises dans la missive sont très précises et témoignent de l’expérience d’intervenants proches des dossiers courants du «bas de laine des Québécois» notamment sur la question des bonus et des firmes engagées.
(...)
Appel à l’aide
Dans cette lettre, les gestionnaires lancent un véritable cri du cœur qui s’apparente également à un appel à l’aide. Ils ont donc décidé d’écrire cette lettre «parce que toutes les chaînes de communication sont actuellement brisées dans cette organisation avec la conséquence que s’y sont installées : nervosité, incompréhension, peur, dysfonction et absence de confiance envers nos patrons et le président».
(...)
Les signataires écorchent gravement le leadership du remplaçant d’Henri-Paul Rousseau. «Il nous est impossible d’avoir une discussion franche, que ce soit dans un cadre organisé ou non, puisque nous craignons la délation de la part de nos collègues», est-il écrit dans la lettre.
(...)
http://argent.canoe.ca/nouvelles/affaires/climat-de-crise-la-caisse-de-depot-10122009
....
JCPomerleau
Pierre Gouin Répondre
2 novembre 2015Au service des ..., excusez l'erreur dans le titre.