« Être lucide, constater la réalité de la provincialisation,
ce n’est pas se décourager…
au contraire : c’est une source de dynamisme. »
(Maurice Séguin, 1961-1962)
Présentation
La « politique du possible » qu’énonce M. Séguin suppose qu’on sache ce qu’est l’indépendance afin de ne pas la confondre avec ses contrefaçons.
« Les hommes sont facilement dupes de ce qui flatte leur orgueil ou leurs désirs ». Et l’une des illusions les plus tenaces qu’engendre le fédéralisme dans l’esprit du minoritaire qu’il subordonne est de lui faire voir sa situation comme une libération.
« Dès lors qu’un interdit emporte l’adhésion du sujet, il ne fait plus figure d’interdit ; par un simple changement de signe, le sujet vit l’illusion de passer d’une limitation à une libération ». L’adhésion du sujet à la nécessité aurait la même vertu que la Pierre philosophale : il lui suffira d’auréoler de tous les mérites imaginables l’interdiction qui le frappe pour transmuer son mal en bien… Or, il y a plus qu’une nuance entre accepter lucidement une situation fâcheuse et la préférer à toute autre situation possible au motif qu’elle est inévitable. Pour un peuple, l’annexion le dispense sans aucun doute du souci d’être lui-même partie principale aux décisions qui le concernent ; mais est-ce une délivrance que d’être, grâce à l’annexion, libéré … de l’indépendance ?
L’annexion induit donc un état morbide qui, chez l’annexé, vient gauchir sa représentation de la réalité, le porte à attribuer à tel facteur ou à telle chose des qualités qu’il n’a pas, ce qui vient pervertir l’application des moyens retenus pour organiser sa vie collective. Ainsi, par plus d’un côté, ceux-ci présentent un visage monstrueux qui incite à faire leur procès mais en réalité, c’est celui de leur usage qu’on devrait entreprendre. Et celui de l’annexion qui vicie ces moyens.
L’annexion d’un peuple défigure les systèmes d’idées dont il se réclame : libéralisme, catholicisme, social-démocratie, conservatisme, marxisme, féminisme, etc. accusent chez lui un caractère grotesque qu’on ne rencontre pas chez les nations souveraines se réclamant des mêmes idéologies. Le ridicule ne réside donc pas en elles mais dans la déformation que l’annexion leur fait subir. La fausse attribution est sa marque distinctive. L’annexé doit déployer un effort considérable de lucidité et de volonté pour appréhender les choses sous leur vrai jour sans fausses interprétations ou déformations imaginatives.
Ici-même, on retrouve ces distorsions aussi bien chez les souverainistes-associationnistes que chez les fédéralistes, puisqu’ils sont tous affectés du même mal qui imprègne leur société. Les uns voient l’indépendance de notre peuple se réaliser par la satellisation ; les autres, par l’annexion, au Canada-Anglais. Rares et bien mal reçus sont ceux qui voient en celle-ci et celle-là deux formes de subordination qu’on ne doit pas, par simple probité intellectuelle, présenter pour autres qu’elles ne sont. Et si la « politique du possible » que nous prescrit M. Séguin nous enjoint de faire de nécessité vertu − d’accepter à titre provisoire notre annexion faute de mieux −, elle nous conseille tacitement de se réserver l’espérance − en nous gardant bien de signer toute entente cautionnant notre subordination et qui nous engagerait à la perpétuer même quand l’occasion d’être enfin indépendants se présenterait.
On ne devrait jamais considérer quelque subordination que ce soit − de voisinage ou sur place − comme autre chose qu’une situation de fait ; on ne devrait jamais la fonder en droit sous peine de se mettre à dos l’opinion de la communauté internationale si l’on décidait en temps opportun de s’affranchir tout-à-fait de l’emprise du Canada-Anglais.
PARFONDOR
O O O
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