Le pétrole que nous consommons au Québec parvient essentiellement d'outre-mer. Il aboutit à Portland, dans le Maine, pour être ensuite acheminé vers Montréal par un vieil oléoduc des années 40. Une partie de ce pétrole poursuit sa route vers Sarnia, en Ontario. Ou encore, il arrive directement par pétrolier à Saint-Romuald, à la raffinerie d'Ultramar.
La société albertaine Enbridge veut inverser la direction du pipeline qui relie Montréal à Sarnia pour qu'il soit plutôt possible d'acheminer du pétrole de l'Ouest vers le Québec et éventuellement ailleurs dans le monde.
Les réactions ont été vives contre ce projet, dans un mélange de ferveur environnementale et d'indignation nationaliste. «Ce que je vois que les Albertains veulent faire avec leur pétrole, c'est de l'amener sur notre territoire sans notre consentement», s'est exclamé le ministre québécois de l'Environnement, Daniel Breton. «Est-ce qu'on est maître chez nous ou pas maître chez nous sur notre territoire, c'est ce qu'on va voir!»
Je ne comprends pas. Il est clair que le Québec veut, à juste titre, réduire sa consommation d'hydrocarbures. Mais nous consommerons du pétrole pendant encore pas mal d'années. Et il me semble que nous devrions le faire de la façon la plus intelligente possible, et que le recours au pétrole albertain est nettement préférable à ce que nous faisons actuellement.
D'abord, oublions l'image du pétrole sale. Ce n'est pas ce que nous obtiendrions de l'Alberta, parce que nos raffineries ne peuvent pas le traiter. Oublions aussi les débats sur le pipeline Keystone XL, bloqué aux États-Unis par le président Obama. Il ne s'agit pas de construire un nouvel oléoduc, mais d'inverser la direction d'un pipeline existant. Y a-t-il une loi de physique que j'ignore, qui dit qu'un flux ouest-est est plus dommageable qu'un flux est-ouest?
Et regardons la situation actuelle. Tout notre approvisionnement se fait par bateau, ce qui n'est certainement pas anodin. Notre principal fournisseur de pétrole, c'est l'Algérie, avec 28,1% du total. Le second, c'est le Royaume-Uni, suivi de l'Angola, du Mexique et du Nigeria. Sur les plans éthique, politique, environnemental, quelqu'un peut-il sérieusement nous dire qu'il faut préférer l'Algérie à l'Alberta?
À cela s'ajoutent des considérations économiques. Les producteurs albertains paient des impôts au Canada et garnissent les coffres du gouvernement fédéral. Et surtout, l'achat de pétrole à l'étranger est une sortie de fonds qui enrichit des étrangers, qui affecte notre balance des paiements. Le pétrole, c'est notre principale importation, 10,9 milliards$ l'an dernier, probablement 12 milliards cette année. 13% de toutes nos importations. Réduire cela, en partant, est une chose souhaitable.
Il va de soi que ce projet doit être scruté de près, comme le fera l'Office national de l'énergie. Il va de soi aussi que le Québec a son mot à dire. Mais il n'y a pas de quoi s'enrager, comme l'a fait le ministre Breton, tellement qu'on a dû envoyer un autre ministre, Alexandre Cloutier, des Affaires intergouvernementales, pour corriger le tir.
Ce dossier risque de déraper, parce que Daniel Breton, le militant que Pauline Marois a choisi, avec son habituelle sagesse, comme ministre de l'Environnement, n'est pas un simple loose cannon, c'est une bombe à retardement.
Le Québec compte des leaders environnementaux sérieux, que l'on doit écouter. Je pense entre autres à Steven Guilbeault ou à Karel Mayrand. Mais Mme Marois a choisi le «flyé de la gang», l'excessif, l'agressif, l'impulsif, qui a lancé des attaques personnelles contre les dirigeants du BAPE, qui a réclamé la «démission immédiate» du PDG d'Hydro, qui a déposé une plainte à la SQ contre le gouvernement du Québec pour le «vol du siècle». Et c'est lui le ministre...
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