Les fruits d’une longue enquête

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«Une preuve béton»

Il a fallu plus d’un an après la fin des enquêtes Joug et Lierre pour que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) porte des accusations contre sept personnes, dont les ex-ministres Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, en lien avec du financement politique présumément illégal. Ces délais, qui avaient suscité de l’impatience dans les rangs de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), pourraient s’expliquer par la complexité du dossier et la nécessité d’amasser des preuves solides, avancent des experts en droit.

Les arrestations ont eu lieu simultanément dans la région de Québec, en Gaspésie et dans Charlevoix peu après 6 h jeudi matin au terme d’une enquête « marathon » qui a duré quatre ans et demi, selon les dires de Robert Lafrenière.

Les sept accusés sont soupçonnés d’avoir comploté pour souscrire à une caisse électorale en ayant recours à des prête-noms en échange de contrats publics. Les ex-ministres libéraux Nathalie Normandeau et Marc-Yvan Côté, l’ancien directeur de cabinet de Mme Normandeau, Bruno Lortie, les ex-dirigeants de la firme Roche Mario W. Martel et France Michaud font face à des accusations de corruption, de fraudes envers le gouvernement et d’abus de confiance pour des infractions commises entre les années 2000 et 2012. Pour leur part, Ernest Murray et François Roussy, qui sont liés au Parti québécois, sont accusés de complot et d’abus de confiance.

L’UPAC a invoqué la nature « systémique » des stratagèmes utilisés et la durée des infractions commises sur une longue période pour justifier son refus de nommer les dossiers ou contrats qui pouvaient y être liés. Rappelons que l’enquête Joug concernait le dossier de l’usine d’eau de Boisbriand, alors que l’enquête Lierre portait sur le financement du Parti libéral du Québec.

La commission Charbonneau

La timidité qu’on a pu reprocher à la commission Charbonneau à la publication de son rapport en novembre dernier prend un autre éclairage à la lumière des événements de jeudi. « La commission a rappelé à plusieurs reprises qu’elle ne devait pas nuire aux enquêtes criminelles », rappelle Martine Valois, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Celle-ci dit avoir « lu et relu » les pages du rapport abordant le financement politique. « Ce que la juge Charbonneau décrit, c’est qu’il y a apparence de corruption politique », rappelle-t-elle tout en suggérant que la Commission voulait vraisemblablement éviter de nuire aux enquêtes policières.

Selon elle, il n’est pas étonnant que l’enquête du DPCP ait mis autant de temps avant de porter des accusations dans le dossier du financement politique. « Quand on s’apprête à porter des accusations contre l’ex-vice-première ministre, on ne peut pas se tromper. Notre preuve doit être absolument solide ».

À ce sujet, le commissaire Lafrenière a affirmé que l’UPAC avait accumulé une « preuve béton ». Il a d’ailleurs remercié la population pour sa patience en soulignant que les enquêtes de nature économique peuvent être longues, mais que le travail minutieux des policiers permettait maintenant d’en récolter les fruits.

À l’automne dernier, des médias avaient rapporté l’impatience manifestée en sourdine par l’UPAC à l’égard du peu d’empressement de la Couronne à porter des accusations en lien avec une demi-douzaine d’enquêtes complétées depuis des mois, dont deux touchant le Parti libéral du Québec.

De passage en commission parlementaire pour expliquer le plan de restructuration de son bureau en novembre 2015, la directrice du DPCP, Annick Murphy, avait d’ailleurs déploré la pression dont les procureurs faisaient l’objet.

Force de frappe

La juge à la retraite Suzanne Coupal affirme qu’on peut prendre la mesure, à la lumière des accusations qui sont maintenant portées, de l’importance des enquêtes policières et de leur puissance de frappe en comparaison d’une commission d’enquête publique. « Oui, faire des enquêtes policières, c’est laborieux. Il faut ramasser une preuve sérieuse et être convaincu que ça peut être présenté en Cour, mais ça donne des résultats », dit-elle.

L’avocat criminaliste Walid Hijazi avertit qu’il faudra s’armer de patience dans ce dossier. « On a une frappe policière spectaculaire, des accusations extrêmement graves qui touchent pour la première fois des politiciens au niveau provincial », dit-il. Par conséquent, « la preuve sera certainement très volumineuse. Il faut s’attendre à un processus qui sera long. »

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