Comment prôner la laïcité de l’État sans les moyens pour y parvenir

Les empêcheurs de tourner en rond

Tribune libre

Un nouveau tir à l’encontre du projet de loi 60 vient d’être lancé par un avis juridique commandé par la Fédération autonome de l’enseignement
http://www.ledevoir.com/societe/education/399016/le-projet-de-charte-serait-inconstitutionnel-selon-un-avis-juridique-de-la-fae
Et, dans la lignée des arguments évoqués par le Barreau du Québec, ce dernier avis juridique reprend essentiellement le même argumentaire, à savoir qu’il porte atteinte à trois droits fondamentaux: la liberté de religion, la liberté d’expression et le droit à l’égalité.
Par ailleurs, un son de cloche différent est déjà parvenu des Juristes pour la laïcité et la neutralité religieuse de l’État qui avancent que « l’interdiction du port des signes religieux fixée dans le projet de loi 60 est constitutionnelle, se fiant à l’« évolution récente de la jurisprudence ».
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/398913/des-juristes-veulent-rectifier-les-faits
Dans toute cette saga entourant la légalité du projet de loi 60, le profane que je suis est en train d’en perdre son latin…à tel point que je me suis retourné vers mon arme favorite, à savoir le « gros bon sens »…et voici où il m’a conduit.
Partant du principe que l’État québécois désire enchâsser dans une loi le principe de la laïcité [principe avec lequel « tous » les intervenants semblent en accord], il doit y intégrer à fortiori les dispositions nécessaires pour arriver à ses fins, à défaut de quoi la loi est inapplicable dans les faits.
Alors, en vertu de cette prémisse tout à fait logique, les juristes anti-charte peuvent-ils m’expliquer quelles dispositions ils souhaitent voir apparaître dans ce projet de loi pour y conférer un mode d’application « raisonnable »?
Comment un État qui s’affirme laïc peut-il concilier les « libertés de religion et d’expression » en tolérant que ses employés puissent arborer sur leur lieu de travail des signes religieux qui s’érigent en porte-à-faux avec les principes mêmes de la laïcité?
En vertu du principe de la congruence, une loi n’a-t-elle pas besoin de dispositions claires pour être applicable, et si oui, comment y parvenir si les chartes de droits et libertés s’érigent implacablement en murailles devant son applicabilité?
Poser ces questions nous ramène continuellement devant le problème de la quadrature du cercle…en bref, devant des empêcheurs de tourner en rond qui donnent l’impression que la laïcité de l’État québécois doit s’en tenir à un vœu pieux axé autour d’un « beau principe » inapplicable!

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Henri Marineau2032 articles

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 février 2014

    Message à Gaston Charmicael
    Peut-être. On verra. Il restera alors au Québec - s'il n'est pas indépendant avant - d'appliquer l'article 33 de la Charte canadienne, c'est-à-dire la clause nonobstant.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    5 février 2014

    @M. Cloutier:
    La charte canadienne n'a-t-elle pas préséance sur la charte québécoise?
    Je cite Bernard Descoteaux, du Devoir, dans sa chronique Charte des valeurs québécoises - Le risque juridique:
    "Le fait que l’Assemblée nationale reconnaisse le principe de la laïcité pourrait ne pas changer grand-chose puisque ce principe est absent de la Constitution canadienne et que la Charte canadienne des droits a préséance sur celle du Québec. Ultimement, on le sait que trop, c’est la Cour suprême qui tranchera."

  • Archives de Vigile Répondre

    5 février 2014

    Pour comprendre, on va revenir à un cours de droit 101.
    Les droits et libertés fondamentales contenus dans les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés ne sont pas ABSOLUS.
    L'article 1 de la Charte canadienne mentionne que ces droits sont garantis et ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans les limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
    L'article 9.1 de la Charte québécoise dit que les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.
    Dans les 2 cas, le fardeau de la preuve repose sur les épaules du gouvernement qui doit justifier une violation aux droits et libertés en fonction de ces paramètres.
    Pour le droit à la liberté de religion, la Charte canadienne comprend aussi 2 critères qui n'existent pas dans la Charte québécoise lorsque vient le temps d'interpréter l'étendue de ce droit :
    1 - la suprématie de Dieu contenue dans le préambule de la chartre;
    2 - la promotion du patrimoine multiculturel des Canadiens (article 27).
    Pour répondre à cela, le gouvernement du Québec propose, par son projet de loi 60, de modifier,entre autres, le paragraphe 9.1 pour y ajouter les 5 critères suivants :
    - la neutralité de l'État ;
    - la séparation de la religion et de l'État ;
    - le caractère laïc de celui-ci ;
    - l'égalité homme-femme ;
    - la primauté du français.
    Donc, ceci veut dire que si, à titre d'exemple, un employé de l'État soulève son droit à la liberté de religion, d'expression ou d'égalité devant la loi, parce qu'on lui interdit de porter un signe religieux ostentatoire, les tribunaux, saisis du dossier, devront déterminer l'étendue de ces droits à la lumière des critères qui sont prévus à l'article 1 de la Charte canadienne + le préambule + l'article 27 et à la lumière aussi des critères prévus à l'article 9.1 de la Charte québécoise, dont les 5 nouveaux critères que le gouvernement veut y ajouter.
    Donc, la jurisprudence antérieure deviendra en partie obsolète puisque les 5 nouveaux critères d'interprétation que le projet de loi 60 ajoute n'y étaient pas.
    Donc, il est faux de prétendre en citant la jurisprudence actuelle que le droit à la religion, à la liberté d'expression et à l'égalité l'emportera nécessairement en ce qui concerne le port des signes religieux ostentatoires puisque les tribunaux auront l'obligation de tenir compte des NOUVEAUX CRITÈRES d'interprétation inclus dans la Charte québécoise.
    Autrement dit, "it is a new ball game", comme disent les Anglos et personne n'a de boule de cristal juridique pour décréter d'avance le résultat des décisions judiciaires qui en résulteront.
    C'est pourquoi il faut prendre tout cela avec un grain de sel.
    Capiche?
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    5 février 2014

    Dans une démocratie comme la notre, les politiciens et les décideurs n'ont pas le choix d'écouter la population, car les Québécois veulent qu'ils agissent.
    Sinon, il y aura encore une perte de confiance et cette fois-ci, cette perte confiance risque de se tourner contre nos élus.