Les défis du PQ à l’ère de Pierre Karl Péladeau

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Pisse-vinaigre

Martine Ouellet et Alexandre Cloutier entretiennent toujours l’espoir d’un deuxième tour dans la course à la chefferie du Parti québécois (PQ), une formation rompue à l’art de la surprise. Personne n’avait vu venir André Boisclair, en 2005, dans le costume du sauveur providentiel de l’option souverainiste.
Pierre Karl Péladeau n’a rien en commun avec André Boisclair, mais l’engouement qu’il suscite auprès des militants du PQ procède de la même logique. Le PQ de 2005 voyait en Boisclair le leader jeune, gai et ouvert sur le monde capable de guider le PQ sur la voie du nationalisme civique. Le PQ de 2015 voit en Pierre Karl Péladeau un «success story», un bâtisseur inspirant qui sera en mesure de faire lever le vent en faveur de la souveraineté par la force de ses convictions.
À moins d’un improbable revirement, Pierre Karl Péladeau deviendra, dans les prochains jours, le premier chef du PQ issu du monde des affaires. C’est tout un changement de culture pour le parti.
Jean-François Lisée avait vu juste en se retirant prématurément de la course. Le PQ veut «vivre son moment Pierre Karl Péladeau jusqu’au bout». Il est difficile d’imaginer que Martine Ouellet et Alexandre Cloutier puissent faire dévier la course. Lors du dernier débat, ils n’osaient même plus l’attaquer de front. L’heure du ralliement va bientôt sonner.
Pierre Karl Péladeau a connu de réels succès en affaires. Il s’est forgé un enviable capital de sympathie en utilisant ses médias et les réseaux sociaux pour mettre en valeur sa personnalité. Et surtout, ses convictions souverainistes ne font pas l’ombre d’un doute.
Elles ont même nui au PQ, lors de la campagne de 2014. La première ministre Pauline Marois a été incapable d’offrir une réponse cohérente sur la tenue d’un hypothétique référendum, après que son candidat vedette eut brandi son poing en l’air, au nom du pays à naître.
Pierre Karl Péladeau sera-t-il en mesure de ramener la souveraineté dans le cœur d’une majorité d’électeurs québécois ? Rien n’est moins sûr. Martine Ouellet et Alexandre Cloutier ont fait mieux que lui dans la course grâce à leurs qualités oratoires et la finesse de leur jugement politique. Malgré toute sa notoriété, l’actionnaire de contrôle de Québecor et député de Saint-Jérôme n’est pas encore parvenu à créer un «effet Péladeau» en dehors de la bulle des militants du PQ.
Ces militants comptent sur lui pour réaliser la souveraineté, faute de quoi le parti pourrait bien mourir avec la génération qui l’a mis au monde. Le PQ a un sérieux problème de crédibilité auprès des jeunes, et il peine à retenir cette clientèle qui lui était historiquement acquise. La réinvention du PQ sera l’un des principaux défis du nouveau chef.
Péladeau va vite réaliser qu’il ne pourra pas mettre ses bénévoles et ses militants en lockout s’ils ne lui obéissent pas au doigt et à l’œil. Il devra apprendre à s’entourer, à écouter et à rallier les membres par la force de ses idées s’il veut réussir sa transition d’homme d’affaires à homme politique.
Et, enfin, le PQ devra trouver une solution satisfaisante aux apparences de conflits d’intérêts et aux conflits d’intérêts qui se posent en raison du statut unique de Pierre Karl Péladeau. Il ne peut devenir chef de l’Opposition officielle et éventuel premier ministre tout en restant l’actionnaire de contrôle de Québecor, le plus gros conglomérat médiatique de la province.
Sa suggestion de placer ses actions dans une fiducie sans droit de regard (mais sans possibilité de vendre les actions) est insuffisante pour éloigner les conflits d’intérêts, réels ou apparents. Comme l’a indiqué la semaine dernière le président du conseil de Québecor, Brian Mulroney, il est impossible pour le conglomérat de couper tous les liens avec son grand patron. Il est consulté sur les grandes décisions qui touchent Québecor.
La concentration de ce pouvoir politique et médiatique est malsaine dans une démocratie. Il faudra ériger de solides pare-feux entre le chef et son empire, au nom de l’intérêt public. Le PQ ne peut accepter aussi mollement de devenir le «Parti Québecor», à moins qu’il ne soit déjà trop tard.
L’un des premiers gestes à poser pour le nouveau chef, c’est d’accepter la tenue d’une commission parlementaire sur le sujet. Les péquistes dénoncent cette initiative jugée partisane, orientée et faussée. Ils auraient souhaité un débat élargi sur la propriété des médias, pour étudier aussi le cas de Gesca. Fort bien. Ce ne sont pas les membres de la famille Desmarais qui se présentent aujourd’hui en politique active, mais Pierre Karl Péladeau. Son cas unique commande une réponse unique.
Si Péladeau croit aux institutions démocratiques, il est de son devoir de participer à cette commission parlementaire et d’y amener des solutions novatrices. Y a-t-il moyen de tenir le futur chef à distance de Québecor, sans le forcer à vendre ses actions ? Y a-t-il moyen d’éviter que ses intérêts économiques immédiats envahissent la vie publique ?
Le PLQ et la CAQ auraient tort de transformer la commission parlementaire en cirque devant des questions aussi importantes. Il leur incombe d’étudier le cas avec sérieux, respect et dignité. En participant de bonne foi à la commission parlementaire, Pierre Karl Péladeau démontrerait pour sa part qu’il place les intérêts supérieurs de l’État avant les siens.


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