Les croisés

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Ce crucifix est l’antithèse même de la séparation de l’Église et de l’État






La croisade du maire de Saguenay, Jean Tremblay, est terminée. Le jugement unanime de la Cour suprême interdisant la prière dans les institutions publiques vient d’y mettre fin. Encore une fois, un tribunal agit là où nos législateurs ont refusé de le faire.




Il aura fallu le courage d’Alain Simoneau, un «simple» citoyen, et du Mouvement laïque du Québec, pour lancer un processus judiciaire qui aura obligé les élus à bouger.




La Cour suprême leur rappelle pourtant une évidence. Soit que la neutralité religieuse de l’État est garante de la liberté de conscience des individus. D’où l’incompatibilité de la récitation par les élus d’une prière, catholique ou autre, en plein conseil municipal.




Le maire Tremblay se soumet à la décision. Le croisé en lui lance néanmoins un appel à se «tenir debout devant ce qui s’en vient». Soit le retour des «accommodements raisonnables» et l’interdiction des objets religieux dans les institutions publiques.




Espérons que cette fois-ci, nos élus n’attendront pas un autre jugement pour agir. Qu’entre autres choses, ils retireront enfin le crucifix de l’Assemblée nationale! Installé en 1936 par l’ultraconservateur Maurice Duplessis, il est le symbole visible de l’alliance scellée à l’époque entre l’Union nationale et le haut clergé.




Ce crucifix est l’antithèse même de la séparation de l’Église et de l’État.




On confond tout




Mais j’oubliais. Mercredi, en conférence de presse, le maire Tremblay insistait pour distinguer ce qu’il appelle les «vrais» Québécois des «autres». Les «vrais» étant pour lui ceux qui partagent la même histoire.




Pis encore, comme au temps de Duplessis, il présente le catholicisme comme un élément essentiel du «nationalisme» québécois. Le XXIe siècle appelle Jean Tremblay, mais il n’y a pas de réponse...




Parce qu’il n’est pas seul, tant s’en faut, on mesure ici toute l’ampleur de la confusion qui règne encore entre liberté de conscience des citoyens et neutralité de l’État. Entre croyances, histoire et patrimoine.




Une confusion alimentée à profusion en 2007 par un débat chaotique sur les «accommodements raisonnables». Et en 2013, par une charte des valeurs obsédée par le hijab, mais accrochée dur comme fer au crucifix.




La religiosité sélective




Le maire Tremblay n’est pourtant pas seul à hiérarchiser les religions. Notez les réactions outrées quand un imam nie l’égalité des femmes ou des homosexuels pendant qu’on ignore les mêmes élucubrations discriminatoires lorsqu’elles viennent d’un curé ou d’un évêque.




Ce sont pourtant les mêmes schèmes misogynes et homophobes. Même nos médias diffusent des heures de reportages lorsqu’un cardinal rend son dernier souffle.




Et que dire du refus scandaleux de nos gouvernements, jusqu’en 2001, d’indemniser individuellement les orphelins de Duplessis – encore lui —, pour ne pas indisposer les communautés religieuses catholiques.




Or, la décision de la Cour suprême s’applique à tout le pays. Ce faisant, elle rappelle que cette religiosité publique sélective n’est pas unique au Québec. Que la prière, catholique ou autre, est toujours de mise dans de nombreux conseils municipaux au Canada anglais.




En matière de neutralité religieuse de l’État, c’est le Canada tout entier qui traîne encore de la patte.




 



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