Les chirurgies du sexe féminin ont la cote

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L'influence de la culture pornographique sur les jeunes Québécoises




Le nombre de Québécoises qui subissent une chirurgie de leurs parties génitales pour des raisons esthétiques augmente à une vitesse vertigineuse selon de nombreux professionnels contactés par Le Journal.


L’opération qui consiste à raccourcir les petites lèvres du sexe féminin est apparue il y a une dizaine d’années. Appelée nymphoplastie ou labiaplastie, elle était, il n’y a pas si longtemps, une pratique marginale et peu connue du grand public.


Selon les récentes données de la Société internationale de chirurgie esthétique et plastique (ISAPS) publiées le 1er novembre dernier, c’est le rajeunissement vaginal, y compris la labiaplastie, qui a connu la plus grande augmentation du nombre d’interventions en 2017 par rapport à l’année précédente, avec une croissance de 23 %.


« Il y a quatre ou cinq ans, je ne pratiquais que deux ou trois de ces opérations par année, explique le Dr Arie Benchetrit, chirurgien esthétique à Pointe-Claire. L’an dernier, j’en ai fait une soixantaine. »


À Québec, la chirurgienne Céline Roberge est submergée de demandes, au point d’en refuser certaines.


« Je pense que les filles sont en train de virer folles avec ça, affirme-t-elle. Des patientes sont venues me voir après avoir été opérées ailleurs et c’était limite en termes de ce qui reste comme petites lèvres, j’ai refusé de faire quoi que ce soit. »


INTERNET


Le Dr Benchetrit estime qu’internet est la première explication de ce phénomène.


« Mes patientes entendent parler de cette opération sur des forums, elles voient des vidéos sur YouTube, et elles se disent “Pourquoi pas ?” » développe-t-il.


Il note que les patientes qui réclament une labiaplastie sont majoritairement des femmes âgées de 18 à 22 ans.


« C’est une question de génération, confirme le Dr Luc Mario, professeur à l’Université McGill. Les jeunes filles se préoccupent davantage de leurs petites lèvres. »


Et cette préoccupation commence parfois très jeune. « J’opère régulièrement des mineures et je ne m’en cache pas, déclare le Dr Mario. Elles ont l’accord de leurs parents et c’est toujours une décision qu’elles ont réfléchi. »


Si le Québec ne peut se comparer au Royaume-Uni où pas moins de 156 mineures ont subi cette opération en 2015, le Dr Mario affirme que ces très jeunes filles constituent de 5 à 10 % de sa clientèle.


Toutefois, la grande majorité des patientes qui demandent une labiaplastie ont toutes un point commun : leurs petites lèvres ne présentent aucune « anomalie ».


« Il m’arrive souvent d’expliquer à des patientes que leur sexe est parfaitement proportionné, soupire le Dr Frédéric Croteau qui opère à Sherbrooke. Ensuite, si elles veulent tout de même réduire leurs petites lèvres, le choix leur appartient et je fais l’opération. »


REMBOURSÉE


En revanche, les patientes dont les lèvres sont effectivement anormalement longues et qui souffrent d’irritation peuvent demander à un gynécologue d’effectuer l’opération. La labiaplastie peut alors être intégralement remboursée par la RAMQ.


« Moi, ma position, c’est d’être sûr qu’il y a vraiment un problème et que la patiente a pris le temps de réfléchir, précise le Dr Fabien Simard, président de l’Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. Quand je trouve les patientes trop jeunes ou pas assez mûres, je leur demande d’y penser encore un peu et de revenir me voir plus tard. »


Tout pour ressembler à une star porno


De nombreux sexologues pensent que c’est pour ressembler aux pornstars que tant de jeunes filles veulent réduire la taille de leurs petites lèvres.


« Une femme sur deux regarde de la pornographie régulièrement, constate la sexologue Marie-Ève Demers-Morabito. Il est clair que cela influence énormément la vision de leur corps qu’ont les jeunes filles. »


La sexologue Élise Bourque acquiesce et déplore pour sa part que les films pornographiques présentent toujours un sexe féminin « aseptisé » et « parfait » avec de toutes petites lèvres.


« Tous ces films-là donnent des femmes complexées par leur vulve et des hommes complexés par leur pénis, regrette-t-elle. Tout le monde finit par se trouver anormal et par déprimer. »


De leur côté, les plasticiens émettent aussi d’autres hypothèses : la mode de l’épilation intégrale des organes génitaux, la multiplication des sources d’informations sur le web et le manque d’éducation à la sexualité chez les jeunes.


Le Dr Arie Benchetrit évoque un dernier facteur qu’il nomme en souriant l’effet « Lululemon », du nom de la célèbre chaîne de magasins spécialisée dans les pantalons de yoga.


« Depuis que ce type de bas très moulants est à la mode, les femmes sont plus attentives à la forme de leur sexe », constate-t-il.


RÉSEAUX


Pour aider les professionnels de la santé à lutter contre ce phénomène, le sexologue Alain Gariepy a conçu une formation spécialement dédiée au sujet et intitulée « Sexualité, Internet et Univers Virtuel ».


« L’idée est de lutter contre la sexualité anxieuse qu’entraîne l’excès de pornographie, explique-t-il. On veut aider les gens à s’accepter davantage. »


Selon Alain Gariepy, la labiaplastie ne devrait s’imposer que dans de rares cas.


« Il y a certaines femmes chez qui la longueur des petites lèvres peut vraiment poser problème, notamment après des accouchements, concède-t-il. Sinon, je dirais que la nature fait bien les choses : il faut savoir que les petites lèvres comprennent beaucoup de terminaisons nerveuses et qu’elles participent donc au plaisir sexuel. »


M. Gariepy se dit donc inquiet de la tendance actuelle.


« On observe de vrais changements sur le plan des valeurs : cela va de plus en plus loin, souligne-t-il. Se raser, c’est une chose, mais se faire opérer, c’en est une autre. »


Évolution des opérations esthétiques


Implants de plus en plus gros



Dans son cabinet de Pointe-Claire, le Dr Arie Benchetrit assiste à un défilé de patientes désirant une labiaplastie.

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Toujours le type de chirurgie le plus populaire partout à travers le monde, les augmentations mammaires sont aujourd’hui plus importantes qu’elles l’étaient au cours des dernières années. Selon les chirurgiens rencontrés par Le Journal, les implants représentant un bonnet de type B, populaires autrefois, ont été remplacés par du C ou même du D. « Avant, les femmes avaient honte de dire qu’elles avaient une chirurgie mammaire, alors qu’aujourd’hui, les filles s’assument plus et on met des implants plus gros qu’on n’a jamais mis », indique la chirurgienne Céline Roberge. Elle précise par ailleurs que les implants sont plus sécuritaires qu’il y a une dizaine d’années. « C’est maintenant du silicone cohésif, un gel qui fige si l’implant est percé, donc, il ne peut pas fuir », indique-t-elle.


Cool Sculping



Dans son cabinet de Pointe-Claire, le Dr Arie Benchetrit assiste à un défilé de patientes désirant une labiaplastie.

Photo adobe stock




Depuis un peu plus d’un an, une nouvelle technologie a fait son apparition au Québec : le Cool Sculping. La méthode sans scalpel qui remplace la liposuccion a fait ses preuves sur plusieurs femmes, désirant traiter des « petites zones ». La méthode qui tue les cellules graisseuses par le froid occasionne un « petit pincement ». « Les résultats sont visibles après trois mois, mais sont permanents », dit la Dre Roberge. Les coûts varient de 800 $ à 1600 $ par traitement d’une durée de 35 minutes.


Jouer au psychologue


Devant la hausse de demandes notamment chez des jeunes, les chirurgiens admettent parfois devoir « jouer au psychologue ». La majorité d’entre eux remettent un questionnaire aux futures clientes, afin de connaître leurs attentes et motivations. « Je veux savoir depuis combien de temps elle y pense, si elle a des enfants, si elle en veut, etc. J’essaie de voir sa situation psychosociale. Si elle vient de divorcer, je lui explique que ce n’est peut-être pas le meilleur moment », mentionne le Dr Frédéric Arsenault de Québec. « Ta clientèle te ressemble sur le plan des valeurs. Une fille qui pèse 110 livres et qui vient me voir me demandant du bonnet E, je n’accepte pas ça », fait-il savoir.


Chez les hommes



Dans son cabinet de Pointe-Claire, le Dr Arie Benchetrit assiste à un défilé de patientes désirant une labiaplastie.

Photo adobe stock




La tendance est à la hausse chez les hommes, qui représentent maintenant 14,4 % des patients en esthétique. « Avec l’âge, ils viennent chercher la chirurgie des paupières et la liposuccion. Les gynécomasties sont aussi en hausse, causée soit par un trouble hormonal ou la prise de suppléments pour la musculation. Ça donne des seins et ils viennent chercher la correction de ça », mentionne le chirurgien Jacques Haddan, qui exerce depuis 13 ans. La liposuccion et la transplantation capillaire sont parmi les chirurgies les plus populaires chez l’homme.


La labiaplastie aux États-Unis*




♦ Prix moyen entre 1000 $ et 3000 $




♦ Plus de 11 000 opérations en 2017




♦ Opération ayant connu la plus forte croissance en matière d’interventions, soit de 23 %, en 2017, et vient ensuite le lifting du bas du corps.




♦ 35 % des chirurgiens pratiquent maintenant cette opération selon l’American Society for Aesthetic Plastic Surgery.




♦ 559 patientes de moins de 18 ans, soit 5 % du total




♦ Durée de l’intervention : 45 minutes, environ




Les autres chirurgies esthétiques du sexe féminin



 



  • Réduction des grandes lèvres





  • Regonflement des grandes lèvres





  • Resserrement du canal vaginal par laser




*pas de statistiques au Canada