Suite à la mise sur pied, par le gouvernement Marois, d’un comité dont la mission est d’étudier les empiètements du gouvernement fédéral sur les compétences du Québec, Christian Paradis, l’ancien lieutenant de Stephen Harper au Québec (maintenant remplacé depuis le remaniement ministériel par Denis Lebel), nous a servi sans grande surprise le discours moralisateur de l’économie (sphère avec laquelle le Québec aurait particulièrement de la difficulté à jongler selon lui) et de la chicane encore une fois ardemment souhaitée par les dangereux péquistes. On se souvient que Paradis se disait prêt à être désormais plus combatif à l’égard de la gouvernance souverainiste afin de remettre l’économie où elle doit aller (pour ainsi dire littéralement partout), qualifiant même le futur comité de «comité de la chicane».
Maintenant en place, Denis Lebel vient à la rescousse de son collègue et tente de tempérer ses propos. Pour dire quoi? Qu’il veut «travailler sur ce qui nous rassemble» en ne s’étendant pas dans des débats interminables avec le PQ, «étape que la population du Québec aurait passée» selon ses dires. Pour Lebel, il est évident qu’il y aura des points de discorde avec le PQ, mais il ne veut pas de «chicanes inutiles et futiles» qui éloigneraient les conservateurs de leur plan d’action économique.
Les conservateurs de Stephen Harper ne semblent vraisemblablement pas comprendre que les réels débats impliquent parfois des mésententes qui ne sont pas réductibles à de simples «chicanes» insignifiantes et superficielles. Les discours de l’économie et de la chicane représentent le cœur de la rhétorique conservatrice servant en réalité à évacuer les débats et discussions collectives de fond qui sont souvent douloureuses, mais ô combien nécessaires à la vie démocratique. En effet, chaque fois qu’un enjeu socio-historique est soulevé au Québec (évoquons par exemple les débats autour du rapatriement de la constitution) ou simplement qu’est questionné le fédéralisme (avec ou sans référence à la souveraineté), les conservateurs associent automatiquement de telles démarches à une volonté sournoise et malsaine de raviver de «vieilles chicanes» dont la population ne veut (soi-disant) plus entendre parler.
De quel droit les conservateurs d’Ottawa se permettent-ils de parler à la place des Québécois et des Québécoises afin de mousser leur discours économique simpliste et idéologique en affirmant que leurs intérêts ne sont que du carburant à «chicanes»? Ce n’est sûrement pas le 8% des intentions de vote au Québec que leur parti vient d’obtenir dans le dernier sondage CROP – La Presse qui leur donne cette légitimité!
Restons individuellement autant que collectivement vigilants face au discours à œillères des conservateurs qui accordent trop de place à la dimension économique de la réalité. Vision réductrice et irrespectueuse des initiatives et des débats québécois qui, si elle est fermée aux autres sphères (politique, sociale, culturelle,…), est néfaste à une réelle compréhension de la complexité des enjeux de la société québécoise contemporaine.
Samuel Beaudoin Guzzo, 21 juillet 2013
Je suis détenteur d’un Baccalauréat en sociologie à l’Université du Québec à Montréalet je suis candidat à la Maîtrise en sociologie à la même université. Je me dirige vers l’enseignement de la sociologie dans le domaine collégial.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
23 juillet 2013Les conservateurs et autres canadophiles nous ressortent inlassablement l'argument des indépendantistes "chicaniers" versus les fédéralistes "raisonnables".
Il faut dire que cette stratégie à été payante pour eux. Le québécois moyen à effectivement certains bloquages avec la discorde, l'art du débat ou de la rhétorique. Les québécois "n'aiment pas la chicane" et sont assez "bonasses" c'est vrai, mais encore faut-il en expliquer les raisons. Des siècles de colonialisme qui perdure encore aujourd'hui incarné par un CUSM pour Wesmount et Côte St-Luc ont laissés des traces profondes.
Le peuple s'est retrouvé privé de ses repères et ses élites au lendemain de la conquête. Le seul lien de continuité était le clergé qui s'est empressé, parfois à bon escient, à resserrer sont emprise. Les raisons de la bonhonomie légendaire de nos aïeux sont multiples, mais sociologiquement parlant parions que plusieurs générations de familles nombreuses ont eu une influence sur la capacité de l'individu à aller vers ses besoins.
Dans une famille de 14 enfants, il faut accepter les compromis et il n'y a pas de place pour que tous et chacun y aille de ses états d'âme et exigences personnelles. Cette dynamique, jumelée à une église rigide, omniprésente et enseignant l'humilité comme une vertu (pour les laïcs, mais pas pour le clergé et les maitres Anglais) a laissé des traces qui encore aujourd'hui sont utilisées dans l'argumentaire fédéraliste. Juste ça démontre bien la faiblesse de leur thèse.
Donc quand nos adversaires jacassent que la majorité silencieuse "n'aime pas la chicane" il faudrait leur rappeler qu'il s'agit là du résultat de la bassesse du clergé face au maitre Anglais qui comme tout bon colonisateur, utilisait des "rois-nègres" locaux pour faire la sale job. En échange d'être la gardienne de la paix sociale, l'église jouissait d'un pouvoir et d'une latitude appréciable dans les circonstances.
Comme aujourd'hui, les élites de l'époque trahissaient le bon peuple qui était bien trop occupé à survivre pour se poser des questions ou se défendre.
Aujourd'hui la télévision à remplacé le clergé et les banquiers ont remplacé le boss anglais.
Autres temps, même servitude
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
23 juillet 2013"Ce n’est sûrement pas le 8% des intentions de vote au Québec que leur parti vient d’obtenir dans le dernier sondage CROP – La Presse qui leur donne cette légitimité !
Restons individuellement autant que collectivement vigilants face au discours à œillères des conservateurs qui accordent trop de place à la dimension économique..."
Je dirais même plus: Fermons complètement la porte au "discours à oeillères des Conservateurs..." Ces gens-là n'ont plus besoin du Québec pour faire leur Canada. Or, les 8% d'intentions de vote qui viennent de chez-nous sont encore de trop pour la réponse que nous devons à leur "négligence criminelle" perpétrée sur le Québec. Nous devons leur afficher un % comme indication de notre décision de protéger notre territoire contre leurs agressions.
S'ils s'avisaient de nous appeler aux urnes prématurément après cette nomination d'une ministre unilingue anglaise aux "transports de pétrole sale", nous aurions cette réponse toute prête que certains semblent oublier:
Il y a toujours, sur le bulletin de vote, une case QUÉBEC.