Réponse à C. J. Simard

Le vote n’est qu’un moment de la lutte politique

Il est paradoxal que des gens qui disent défendre le bien commun mettent au-dessus de tout l’expression individuelle de leurs préférences.

Élection Québec 2012 - les souverainistes


Un homme de gauche devrait savoir que le vote n’est qu’un moment de la vie politique, qu’on ne peut en attendre que ce qu’il peut donner, et qu’il n’est pas un mode d’expression personnelle.
Dans le contexte québécois actuel, avec plus de 60 % des électeurs qui s’apprêtent à voter pour des partis de droite, sous le tir de barrage des médias dominants, devant le triomphe mondial de l’idéologie néolibérale, devant la montée inexorable d’un individualisme de masse et le recul de l’idée de bien commun, nous ne pouvons pas ignorer que la lutte pour une société plus juste sera longue et qu’elle devra largement déborder le cadre électoral. Il y a un travail de fond à faire pour ramener dans la conscience de nos concitoyens les valeurs de justice et de solidarité. Ce travail est primordial et c’est un travail de longue haleine. Voilà pourquoi, de l’année 2012 au Québec, les historiens retiendront peut-être davantage le mouvement des indignés et les grèves étudiantes que l’élection du 4 septembre.
Ces mouvements ont une importance extrême et sont l’indice que quelque chose est peut-être en train de changer. C’est là que s’effectue véritablement le travail politique au sein de la génération de demain. Ce travail et des milliers d’autres initiatives citoyennes vont continuer au-delà du 4 septembre. C’est ce travail qui est véritablement et profondément porteur de nos espoirs futurs.

Deux ou trois sièges, ce n’est pas le gouvernement
La campagne électorale participe évidemment de ce mouvement, et Québec solidaire défend efficacement l’idée de bien commun et les valeurs de solidarité. Je m’en réjouis. Mais enfin, le 4 septembre, QS aura élu au maximum deux ou trois députés.
J’admets que, pour les circonscriptions véritablement « gagnables » par QS (et qui ne risquent pas de tomber aux mains des libéraux ou des caquistes), mon argumentation du 4 août dernier peut se discuter. Il reste que dans le cadre d’une élection serrée, une victoire par un seul siège des caquistes ou des libéraux est une possibilité à laquelle les électeurs de gauche devront réfléchir à la lumière des derniers sondages de la campagne.
Dans toutes les autres circonscriptions du Québec, la question est de savoir si un libéral, un caquiste ou un péquiste sera élu. On ne peut pas attendre d’une campagne électorale autre chose que ce qu’elle peut donner. La gauche peut faire avancer l’idée de bien commun en se servant des tribunes électorales, elle peut gagner des sympathies et remporter deux ou trois sièges. Dans le contexte actuel, c’est un maximum. Mais elle peut par contre influer efficacement sur la nature du prochain gouvernement, qui sera néolibéral ou social-démocrate.
Depuis le début de cette campagne, j’entends des gens qui tiennent à tout prix à exprimer leurs valeurs. À tout prix, j’insiste sur ces mots. Les électeurs de gauche de la circonscription de Sherbrooke, par exemple, peuvent parfaitement décider de permettre la réélection de Jean Charest en votant QS ou Parti vert comme ils l’ont fait en 2008. C’est tout à fait en leur pouvoir. Ils auront exprimé leurs valeurs et obtenu un résultat exactement contraire.
Il est paradoxal que des gens qui disent défendre le bien commun mettent au-dessus de tout l’expression individuelle de leurs préférences. Le vote n’est pas un mode d’expression personnelle, c’est un geste politique qui ne peut avoir que des résultats limités. Limités, mais non sans conséquences. Dans le conflit étudiant, par exemple, les libéraux et les caquistes imposeront une ligne dure qui ne peut que déboucher sur des affrontements de plus en plus violents. Quant à lui, le PQ abolira la hausse des droits de scolarité. Ce n’est pas rien.
Je n’ai pas d’illusions sur ce que pourrait un gouvernement du Parti québécois. Mais je suis convaincu qu’il serait moins néfaste pour le bien commun et l’avenir du Québec et qu’il pourrait, sur certains fronts (entre autres sur celui de la langue), offrir des progrès réels.
Il reste que la lutte pour les idéaux que nous partageons vous et moi, M. Simard, devra se poursuivre après le 4 septembre. Elle se poursuivra dans nos milieux respectifs, dans notre travail, dans nos interventions publiques et dans nos gestes citoyens. Nous nous retrouverons sans doute du même côté dans des manifestations. J’ose espérer que vous m’y accueillerez non en adversaire, mais en allié.
***
Bernard Émond - Cinéaste


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->