L'arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez, au Venezuela comme président 2 de février 1999 a fait trembler les États-Unis. Pourquoi? La même année, le Pentagone a dû fermer ses neuf sites militaires localisés au Panamá, pour respecter le traité de fermeture de Torrijos-Carter de 1977. (1) La fermeture de la base aérienne Howard, un « joyau » des installations militaires américaines au Panama, depuis 1939 a été dévastatrice pour le Pentagone. Cette base « abritait la 24e Aile des Forces aériennes ainsi que les opérations de lutte antidrogue des États-Unis. Au cours des années 1990, plus de 2 000 appareils décollaient quotidiennement de Howard. » (2)
Après 11 septembre 2001, le secrétaire de la défense américaine, Donald Rumsfeld a décrété une nouvelle doctrine militaire pour lutter contre le «terrorisme international » : remplacer leurs méga-bases militaires par des sites décimés un peu partout à travers le monde. Aujourd’hui on en compte plus de 865 de ces FOL et CSL (les Foreign Operation Locations et les Cooperative Security Locations). Avec peu de personnel militaire, ces petites bases sont équipées de technologies de détection ultramodernes. (3)
Suite à son nouveau positionnement, le Pentagone met le Venezuela sous haute surveillance. Planifié, à partie de la base militaire de Manta en Équateur, le coup d’état contre le président Hugo Chavez du Venezuela a échoué, le 11 avril 2002. Le coup le plus dur que Washington a dû encaisser s’est produit en 2006, lorsqu’Hugo Chavez fut réélu comme président du Venezuela. Profitant de sa nouvelle influence géopolitique, Hugo Chavez fonda l’ALBA, le partenariat bolivarien pour les Amériques. Pour le discréditer, le Pentagone déclenche une campagne médiatique contre le Venezuela, affirmant que ce pays abritait des organisations terroristes comme le Hamas, le Hezbollah et même Al Qaïda. Pour casser les reins aux Forces armées vénézuélienne, le gouvernement américain décréta un embargo sur les ventes d'armes au Venezuela, prétextant que le gouvernement Chavez ne luttait pas suffisamment contre le terrorisme international. Se voyant dans l’impossibilité d’obtenir des pièces de rechange pour ses avions F-16, Hugo Chavez se tourna vers la Russie pour équiper ses Forces de l’Air d’avions Sukhoi. Washington accusa aussitôt le président Chavez d’une prétendue course aux armements, alors qu’on sait que les plus grands budgets militaires de l’Amérique Latine sont dévolus au Brésil, à la Colombie et au Chili. Par exemple la Colombie reçoit une aide militaire américaine de plus de 630 millions de dollars chaque année. (4)
Deux ans plus tard, c’est à partir de la base militaire de Manta, également, que les Forces armées conjointes américaines-colombiennes attaquèrent les forces révolutionnaires colombiennes en territoire équatorien (FARC), tuant le numéro deux de l’Organisation, Raúl Reyes, le 1er mars 2008. Aussitôt après ces événements, le président Rafael Correa de l’Équateur décida de ne pas renouveler l'accord de la base militaire de Manta sur son territoire qui devait normalement être renouvelé en novembre 2009. Que fait le Pentagone en représailles? Il remet en service dans l’Atlantique Sud et la mer des Caraïbes sa IVe Flotte navale, inactive depuis 1948. Sa mission première consiste à surveiller les côtes Atlantiques de l'Amérique Centrale et du Sud. Le 23 mai 2008, lors d'un sommet à Brasilia, la capitale brésilienne, 12 pays créent l’Union des nations Sud-Américaines (UNASUR), en opposition à la zone de libre-échange (ZLEA) dans le but de freiner l'ingérence nord-américaine dans les affaires politiques et économiques latino-américaines.
En 2009, le Commandement Sud de la base de Manta en Équateur est relocalisé à Palanquero, Colombie. « La base de Palanquero dispose d’une piste d’atterrissage plus longue de 600 mètres, elle peut accueillir 2000 soldats et 100 aéronefs. Enfin, elle permet aux gigantesques avions C-17 de pouvoir atterrir, ce qui n’était pas le cas sur la base équatorienne. Le sociologue et journaliste Alfredo Molano avance l’éventualité que la Colombie puisse autoriser le stationnement d’un porte-avions dans les eaux des Caraïbes ou du Pacifique. » (5)
Il n’y a pas si longtemps, n’oubliez pas ce qui est arrivé au Honduras. Le 31 mai 2008, sous les conseils de l’ALBA, le président hondurien Manuel Zelaya demanda que les vols commerciaux soient transférés à l’aéroport de Palmerola où la base militaire américaine de Soto Cano est installée depuis 1981. Un an après, le 29 juin 2009, avec le soutien de la base militaire américaine de Soto Cano, à 80 kilomètre de la capitale Tegucigalpa du Honduras, des putschistes militaires honduriens enlevèrent en pleine nuit, « Mano militari », le président démocratiquement élu et l’expulsèrent vers le Costa Rica. Ce coup d’état a été vivement dénoncé par la communauté internationale. Or, l’administration Obama fut très lente à réagir, et a condamné du bout des lèvres cette agression antidémocratique.
Ignorant les recommandations de l’ALBA, en octobre 2009, le président conservateur de l’extrême droite du Panama, Ricardo Martinelli, a déclaré avoir permis l'utilisation de quatre nouvelles bases militaires américaines dans son pays. On comprend pourquoi que Martinelli s’est joint au véritable complot de l’extrême droite étasunienne-hondurienne contre le Président légitime du Honduras, Manuel Zelaya, renversé par un putsch militaire le 28 juin 2009. D’ailleurs « Il est allé jusqu’à désigner Roberto Jované Ambassadeur Spécial chargé d’observer, voire légitimer, les élections du 29 novembre, condamnées par les autres pays de la région car elles sont organisées par un régime de facto qui tente de se donner un vernis de légalité. » (6)
Dans ce tohubohu, le Président Barak Obama semble se laver les mains en laissant toute l’initiative politico-militaire au Pentagone pour étendre l’hégémonie étasunienne sur l’Amérique Latine. Tout annonce une agression imminente! Qu’arriverait-il, si une nouvelle agression se produisait contre un pays latino-américain souverain, plus spécialement le Venezuela? Je préfère ne pas penser au bain de sang que cela occasionnerait. Le Venezuela révolutionnaire n’est pas monnayable!
En démocratie, c’est le peuple qui décide. Les pays latino-américains ont le pouvoir d’élire démocratiquement leurs dirigeants, de définir les régimes politiques qu’ils souhaitent, de voter les constitutions qu’ils veulent. Pour préserver leur souveraineté et leur démocratie, les pays latino-américains ont le devoir de ne plus tolérer, sous aucun prétexte, soit de lutte contre le terrorisme international ou contre les narcotrafiquants, la présence d’une quelconque force militaire étrangère.
Marius MORIN
mariusmorin@sympatico.ca
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(1) Ignacio RAMONET, http://cubasilorraine.over-blog.org/article-le-venezuela-encercle-42556669.html
(2) André MALTAIS, http://archives.lautjournal.info/autjourarchives.asp?article=476&noj=193
(3) Ignacio RAMONET, ibid.
(4) Ignacio RAMONET, Ibid.
(5) Raul ZIBECHI, http://www.legrandsoir.info/Le-style-Obama-et-l-Amerique-latine-la-Jornada.html
(6) http://cubasilorraine.over-blog.org/article-ou-va-le-panama--39929460.html
Le Venezuela révolutionnaire sous haute surveillance
L’Amérique Latine est ceinturée par 91 sites militaires américains
Tribune libre
Marius Morin130 articles
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
11 janvier 2010Merci, M. Morin, pour ce rappel de ce qui se trame en catimini au sud du Rio Grande et tout particulièrement tout autour du Venezuela. Pendant qu'on entretient l'opinion publique avec ce qui se passe avec les terroristes et les mesures de sécurité, les conspirationnistes sont à l'oeuvre en Amérique Latine plus que jamais. Il faut dire que cette préoccupation nous a rejoint comme au même moment puisque je viens de publier sur Vigile un article qui porte sur les conspirationnistes...