Le test de la clarté

Actualité du Québec-dans-le-Canada - Le Québec entravé

Terrorisés par la quasi-victoire du Oui au référendum de 1995, les fédéralistes ont adopté, en 2000, la Loi de clarification, communément appelée Loi sur la clarté référendaire, une loi permettant au Canada de s’ingérer dans le processus référendaire et, conséquemment, de restreindre la liberté des Québécois de faire le choix de leur avenir.
Ce n’est pas parce que le temps passe que cette loi, toujours en vigueur, est plus acceptable aujourd’hui qu’à l’époque de son adoption.
Faut-il le rappeler, aucun des partis à l’Assemblée nationale, qu’il soit fédéraliste ou souverainiste, n’a reconnu la préséance de la Loi de clarification sur les lois québécoises. Hélas, ce n’est pas parce que tous les partis politiques au Québec ont dénoncé cette loi qu’elle n’existe pas.
Depuis mon élection à la tête du Bloc québécois, j’ai reçu de mon parti le mandat de faire valoir la souveraineté et de défendre les intérêts du Québec sans compromis. L’élection d’un gouvernement souverainiste au Québec souligne avec davantage d’acuité la nécessité de remettre le débat sur la Loi sur la clarté référendaire à l’avant-plan. Le Bloc saisit donc l’opportunité parlementaire pour reposer la question.
Il y a six ans, la Chambre des communes a reconnu la nation québécoise. Cette reconnaissance n’a toutefois été accompagnée d’aucun geste concret. On ne peut reconnaître une nation en refusant d’en reconnaître les conséquences, notamment le droit à l’autodétermination de chaque nation, c’est-à-dire son droit à disposer d’elle-même, son droit de choisir sa destinée.
Si l’Assemblée nationale, seule institution parlementaire contrôlée par la nation québécoise, entreprend un référendum sur l’avenir du Québec, la Chambre des communes prend alors le contrôle de l’agenda fédéral en demandant un avis sur la question référendaire aux 308 députés. Mais aussi, entre autres, au Sénat et à tous les autres parlements et gouvernements des territoires et provinces du Canada.
Puis, en reprenant le même cirque pancanadien, le fédéral évaluera le résultat du référendum en jugeant cette fois-ci la majorité obtenue, le taux de participation et « tout autre facteur… » ! Des Territoires du Nord-Ouest à l’Île-du-Prince-Édouard, tous sont invités à donner leur avis sur NOTRE choix.
Par cette loi hors normes, le gouvernement fédéral s’arroge unilatéralement le pouvoir de juger de la validité d’un référendum initié par l’Assemblée nationale. Une situation qui tranche nettement avec ce qui se passe actuellement en Écosse et au Royaume-Uni, où la règle de la majorité (50 % + 1) est déjà formellement reconnue et où le Parlement du Royaume-Uni n’est pas habilité à déterminer, a posteriori, la validité de la question.
C’est sans compter que le gouvernement canadien laisse planer l’incertitude quant à la reconnaissance d’un référendum gagnant et a toujours refusé de s’engager à respecter le processus démocratique prescrit par la loi québécoise sur les consultations publiques, alors qu’il n’y a aucune ambiguïté à ce chapitre outre-Atlantique.
Devant un tel constat, il est temps, puisque la nation québécoise est officiellement reconnue, que les députés fédéralistes lui reconnaissent tous ses droits et toutes ses attributions et la libère de contraintes indues. Le Québec est une nation, le Canada doit agir d’égal à égal. Il ne doit pas subordonner son avenir à ses propres conditions.
En 2000, mentionnons que Joe Clark, alors chef du parti progressiste-conservateur, et la députée néodémocrate Libbie Davis n’avaient pu se résoudre à appuyer la Loi de clarification. Aujourd’hui numéro 2 du NPD, Libbie Davis réussira-t-elle à convaincre ses collègues qu’elle a eu raison en 2000 ?
Ou ceux-ci chercheront-ils, comme on a vu des députés commencer à le faire, à se cacher derrière la déclaration de Sherbrooke, une déclaration qui n’est pas une loi et n’a donc aucun effet, ni pouvoir ?
Pire, il s’agit d’une déclaration qui reconnaît le seuil du 50 % + 1, mais qui, aussitôt, s’empresse de réaffirmer la latitude du Canada de répondre comme il l’entend à un référendum gagnant. Au Québec, le NPD insiste sur la première moitié du texte et au Canada, sur la seconde partie du paragraphe !
L’initiative du Bloc québécois clarifiera les choses. René Lévesque — nous soulignons cette semaine le 25e anniversaire de son décès — disait justement : « On n’est pas un petit peuple, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple. » L’attribut le plus important d’un peuple est bien de choisir lui-même librement son destin.
Nous souhaitons que les députés fédéraux, et particulièrement ceux du Québec, soient libres et capables de voter en leur conscience.

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Daniel Paillé8 articles

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Chef du Bloc Québécois et député d’Hochelaga

L'auteur est professeur de Finance et Éthique à HEC Montréal. Il a été ministre de l'Industrie et du Commerce du Québec, de 1994 à 1996. Il occupa aussi les fonctions de chef de la direction financière de plusieurs entreprises.





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