Dans les banlieues où il disparaît corps et biens sous la neige, le colonisé de souche se lève tous les matins, taraudé par la même question : que lui reprochera-t-on aujourd’hui?
Le monde change si vite, «change l’être, change la confiance; le monde entier est empreint d’inconstance», écrivait Camoès...
À mots couverts et souvent à mots découverts, on dit que le Canadien français pur jus est raciste. Apparemment, l’ère de la parole libérée autorise l’impertinence et l'insulte gratuite; il ne faudrait pas s'y faire.
Ça s’entend aussi, à la télé comme au parlement, où les élus-vedettes et les vedettes-élues parties et/ou revenues passent ou repassent aux portes tournantes...
Et ça se lit presque partout, que le petit franco d’Amérique a bâti une société contaminée par le «racisme systémique», un fait historique mystérieusement passé sous silence jusqu’à maintenant. Brathwaite, Laferrière, Kotto, ils n’ont servi qu’à masquer l’inimaginable.
Que dirait de tout ça, Jacky Robinson, le premier joueur noir du baseball professionnel, accueilli chaleureusement à Montréal, après la guerre...
Aux États-Unis, il était littéralement persécuté, incapable de se trouver un logement. Les Dodgers l'ont expédié chez les Royaux... Les Montréalais l'ont immédiatement adopté. Bizarre, n'est-ce pas?
Sa femme, Rachel Robinson, se rappelait qu'un jour, au lieu de lui claquer la porte au nez, une bonne mère de famille francophone lui ouvrit en lui disant bonjour le plus naturellement du monde. Elle lui offrit le thé! «C'était presque divin», a raconté Mme Robinson au Globe and Mail, en 2013...
Aujourd'hui, désabusé, au bord du désabonnement, le banlieusard unipolaire n’écarquille plus les yeux devant son journal subventionné, un journal de gauche peut-être trop bien pour lui...
Il a sourcillé, d’un œil seulement, quand il y a lu qu’il n’était plus seulement raciste mais qu’il avait jadis commis le péché de colonialisme, de loin peut-être mais quand même!
Le titre était sans équivoque et visait le cœur du provincial: «Le racisme et la colonisation bien de chez nous». Ainsi lui rappelait-on le Mois des Noirs...
Ça lui a fait un petit velours, au souchien du banc de neige. Il s’était cru cocu, le voilà conquérant!
Lui, le vaincu, locataire d’un territoire non-cédé, lui, le poulet désossé par le fisc et généreux comme un pauvre, lui qu’on a toujours dit colonisé, le voilà du côté des vainqueurs, des colonisateurs et des esclavagistes.
Il avait été conquis, battu, effarouché pour l’éternité mais cela ne l’a pas empêché du pire. Dominant, il était et il l’est toujours...
Son arrière-grand-père et son grand-père avaient un fouet au bout de leurs vieilles mains calleuses, l’échine courbée sous le vent ou le soleil, mais était-ce vraiment pour donner du pep à leurs chevaux... Qui sait maintenant qu'on peut tout dire?
Dans les quartiers où les autobus vides roulent par deux, il n’en finit plus, le permafrosté municipal, de s’étonner de ce qui se passe chez lui. Le temps ne change pas comme avant, hein mon Didace?
Il lui arrive de douter, évidemment. De penser que ces élucubrations historiques sont l’œuvre d’intellectuels en culottes courtes et ne valent pas le crédit d’impôt qu’elles ont nécessités. Une petite besogne de sape politique, quoi d'autre.
Ces choses sans cesse répétées, ces rappels aux «vilains phénomènes», le racisme, la colonisation, la discrimination, finiront par atteindre les plus sceptiques: «Bin oui, toué chose!»
De nos jours, et c’est un réel danger, toutes les niaiseries sont bonnes à dire, à qui mieux mieux, surtout celles qui visent la majorité silencieuse.
À la radio du Canada, haut lieu du bavardage diversitaire, on ne craint rien, pas même un fou rire, à prétendre qu'on ne risque pas une crise de conscience éthique à manger des huîtres. Oui, des huîtres!
Parce que l’huître, sous la dent, ça ne crie pas plus fort qu’un Québécois accusé à tort.
Une végane ostéricultivée l’a certifié: «Y a pas vraiment de raisons scientifiques pour (sic) considérer que les huîtres perçoivent de la douleur».
Il n’y a donc pas de raisons «scientifiques» de s’en faire... Ni des huîtres ni du souchien dont nous célébrons les tares ces temps-ci.